RÉCEMMENT ACCUSÉE de ne trouver que des « Rustines » pour colmater la dérive de l'assurance-maladie, la direction de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) a décidé, cette fois, de frapper plus fort. Dans l'ordonnance qu'elle propose au gouvernement pour préparer le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss 2008 examiné à l'automne), l'assurance-maladie a retenu seize «mesures structurelles» (voir ci-dessous), dont deux risquent de faire grand bruit dans la profession si elles entrent en application : une «rémunération à la performance» des praticiens, corrélée au respect de certains indicateurs, et une remise en cause du secteur II actuel (obligation de réaliser un minimum d'actes en tarifs opposables). Le document, qui pourrait être encore amendé, sera examiné aujourd'hui par les partenaires sociaux avant d'être transmis au gouvernement.
« Supermaîtrise ».
Pour mieux réguler la consommation de médicaments , et réduire les écarts avec nos voisins européens,la caisse veut développer des «outils» de contractualisation plus directe avec chaque médecin . Il s'agirait d'expérimenter des «contrats individuels ou de groupe» passésentre la Cnam et les professionnels incluant des «engagements de processus-qualité-résultats sur un certain nombre d'indicateurs».Une «rémunération à la performance» des praticiens récompenserait le respect de divers objectifs, parmi lesquels «des budgets incitatifs non opposables de prescription médicamenteuse tenant compte de l'état de santé des patients». Ces contrats, qui exigeront sans doute un effort accru des médecins concernés, devraient permettre de développer une «rémunération forfaitaire» pour la médecine de ville «en fonction des résultats de santé publique».
Même si la caisse y met les formes, l'entrée en vigueur, même expérimentale, de cette politique de régulation serait une petite révolution. D'abord parce que les syndicats qui négocient les accords au nom de la profession risquent d'être dépossédés d'une partie de leurs prérogatives si des accords individuels de « supermaîtrise » étaient proposés directement aux médecins. Ensuite parce qu'une rémunération forfaitaire des libéraux «à la performance», qui existe dans d'autres pays, est une façon de contester le paiement uniforme à l'acte. Ce n'est plus (seulement) le volume d'activité qui conditionne le revenu, mais la pratique et les résultats de chaque prescripteur au regard de critères à définir (dont une certaine aptitude à lever le stylo…). «Ce projet est dangereux, nous y sommes opposés, affirme le Dr Michel Chassang, président de la Csmf. La qualité que veut la caisse, c'est ce qui lui coûtera le moins cher possible.» Pour Jean-Claude Régi, président de la FMF, «payer les médecins au rendement ne paraît pas une bonne chose».
Le président du SML, au contraire, estime que cette piste mérite d'être étudiée. «Si ces contrats de “maîtrise plus” sont optionnels, si les critères sont cohérents, il me paraît normal que des médecins qui s'impliquent davantage puissent tirer les fruits de leurs efforts»,analyse le Dr Dino Cabrera .
Autre suggestion décapante : l'encadrement du secteur à honoraires libres. Devant la progression de la part desspécialistes en secteur II et leur concentration dans certaines régions (Ile-de-France, Rhône-Alpes, Paca), la Cnam suggère que tout médecin de secteur II soit obligé de «présenter un profil d'activité avec un minimum d'actes à tarifs opposables». Le document ne précise pas comment cette disposition pourrait être appliquée ; il ne mentionne pas les négociations engagées justement pour mettre en place un nouveau secteur optionnel (avec dépassements encadrés remboursés). Dès lors, plusieurs syndicats s'alarment du caractère «destructeur», selon eux, d'une éventuelle remise en cause du secteur II actuel. «La fin du secteurII représenterait la mort de la profession chirurgicale qui ne sera plus en l'état d'assurer la qualité des soins réclamée à juste titre par l'Etat et la population», met en garde le Dr Jacques Caton, président du Syndicat national des chirurgiens orthopédistes (Snco). Le SML avertit que toute attaque «frontale» contre le secteur II sera vécue comme un casus belli et risque de mettre «26000médecins dans la rue»…
> CYRILLE DUPUIS et CHRISTOPHE GATTUSO
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