A 59 ANS, Ken Danis, chirurgien de formation, directeur de clinique, a gardé intact son engagement syndical. «Une passion», dit-il. Ce qui l'amène aujourd'hui à briguer un nouveau mandat, après trois années à la tête de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), qui regroupe la quasi-totalité des cliniques du pays.
Fin du suspense jeudi : 105 grands électeurs – représentant les régions et les grandes spécialités médicales – choisiront qui, de lui ou de son challenger, Jean-Loup Durousset, pilotera la FHP jusqu'en juin 2010. L'enjeu est important. Car si la FHP ne dispose pas de marges de manoeuvre infinies, dans un environnement très réglementé par l'Etat, son pouvoir n'est pas nul pour autant. «La plupart des gérants de clinique sont dans le brouillard aujourd'hui. Ils sont dans l'attente d'une ligne stratégique forte pour faire face aux remous», analyse un connaisseur du secteur.
Les cliniques, c'est un fait, traversent une période agitée. Ces dernières années, elles ont vécu des restructurations drastiques et un empilement de réformes qui sèment le trouble. «La tarification à l'activité nous invite au dynamisme, mais elle est contrée par des objectifs quantifiés d'activité qui font figure de quotas limitatifs», note un patron d'établissement, déboussolé. Le malaise s'est accru l'an dernier, quand le gouvernement a imposé plusieurs baisses de tarif au secteur hospitalier privé pour sanctionner son regain de dynamisme. Autre revers récent : l'épisode malheureux du financement des DMI (dispositifs médicaux implantables), durant l'été 2006, qui a jeté un sérieux coup de froid sur les relations entre les médecins libéraux et leurs établissements. Les syndicats médicaux, furieux de n'avoir pas été consultés par la FHP, qui a négocié seule avec le gouvernement un accord jugé désavantageux, ont pris leur distance avec la Fédération des cliniques.
En perte de repères, inquiets pour leur avenir, les patrons de clinique et les spécialistes qui y exercent attendent beaucoup de l'élection qui va se jouer après-demain à la FHP. Ils espèrent y lire une réponse claire à la question qui les taraude : quelle doit être la place de l'hospitalisation privée dans le système de santé ?
Chacun des deux candidats à la présidence de la FHP, dans son programme, promet de défendre au mieux le secteur. Il est question de renforcer le pouvoir de négociation de la FHP auprès des tutelles et de rapprocher la Fédération des médecins, pour négocier ensemble des dossiers communs, comme la permanence des soins. Au menu, également, la promesse d'un intense lobbying pour que reprenne la convergence tarifaire entre hôpitaux et cliniques, et l'octroi, au sein de la FHP, d'une plus grande autonomie au secteur médecine, chirurgie, obstétrique (MCO), qui peine aujourd'hui à se faire entendre face à la psychiatrie et aux soins de suite, mieux structurés. «Plus de vingt départements français n'ont plus de maternité privée: le secteur MCO doit être plus réactif pour défendre ses intérêts», considère Jean-Loup Durousset, 49 ans, président de la FHP Rhône-Alpes.
Un mandat de trois ans.
A première vue, les deux projets se ressemblent. Mais, entre les lignes, se dessinent deux visions contrastées. Ken Danis défend une conception patrimoniale, conservatrice, du secteur, tandis que Jean-Loup Durousset porte une vision plus entrepreneuriale, ouverte sur l'ensemble du champ médico-social privé. Le premier s'appuie sur son mandat passé : «Trois ans, c'est court. Il m'a fallu plus d'un an pour me faire un carnet d'adresses et un réseau», expose Ken Danis. Le second veut faire table rase du passé. «Il faut un changement. La Fédération n'est pas assez proche du terrain, de nos préoccupations quotidiennes», estime Jean-Loup Durousset.
Qui, des deux candidats, prendra l'avantage ? Chacun a ses partisans. «Ken Danis exerce un pouvoir solitaire, son rapport avec les tutelles et les médecins n'est pas bon», critiquent les uns. «Jean-Loup Durousset est plus jeune, plus rond de contact, mais il manque de relais et d'envergure», objectent d'autres.
Se lancer dans les prospectives, à deux jours du scrutin, serait hasardeux. Le jeu n'a jamais été aussi ouvert, à en croire le microcosme hospitalier. En juin 2004, lors de la précédente élection à la FHP, les deux hommes se faisaient déjà face : Ken Danis avait été élu avec plus de 60 % des voix. Bénéficiera-t-il de la prime au sortant ? «Ce n'est pas dit, observe un fin connaisseur de la maison FHP. Ken Danis a dans sa liste électorale des gens influents. Mais le positionnement des grands groupes de cliniques aura son importance dans l'issue du scrutin. Générale de Santé, par exemple, considère que la FHP a perdu de son influence: peut-être ne soutiendra-t-elle pas Ken Danis.»
Jean-Loup Durousset confie que la partie sera serrée. Sa candidature, néanmoins, a pris du poids le jour où le troisième candidat déclaré s'est rangé à ses côtés. Gérard Angotti, l'actuel vice-président de la FHP, s'en explique au « Quotidien » : «Je me suis rallié à Jean-Loup Durousset car nous partageons certaines orientations. Et nous sommes d'accord sur le bilan du président sortant, que nous ne trouvons pas bon. Les rapports officiels abondent qui montrent que notre secteur est le plus efficient, mais les pouvoirs publics n'en tiennent pas compte. Nous nous battrons ensemble pour obtenir la reconnaissance de la profession.»
Ken Danis, lui, promet la continuité dans l'action. «J'ai déjà fait un gros effort de communication. Il faut aller plus loin, et changer l'image des cliniques auprès des Français. Notre image n'est pas bonne: cela nous pénalise car nous ne disposons pas d'un poids politique suffisant lorsque nous négocions». Fin du suspense dans quarante-huit heures.
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