« L'Esquive » et « Violence des échanges en milieu tempéré »

Deux France d'aujourd'hui

Publié le 20/01/2004

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ABDELLATIF KECHICHE, acteur devenu réalisateur, parle de la France dans laquelle il vit. Après un premier film très convaincant, « la Faute à Voltaire », il met en scène dans « l'Esquive » le choc des cultures : les cités-Marivaux. Mais ce n'est pas un affrontement, c'est un enrichissement réciproque.
Le début du film est très pénible. Les jeunes héros, des lycéens beurs d'une cité HLM de banlieue, ne savent pas parler sans hurler dans un langage grossier et qui ne semble guère refléter que la violence. C'est pourtant d'amour qu'il s'agit : celui de Krimo pour Lydia. Et c'est à travers les changements de rôle du « Jeu de l'amour et du hasard », que leur fait répéter leur prof de français (Carole Franck), que va s'exprimer toute la subtilité de leurs rapports. Alors, peu à peu, on s'attache à ces garçons et filles qu'il n'est pas si difficile de comprendre, et on savoure la subtile démonstration du réalisateur et ses variations sur le thème de l'esquive. D'autant que ses comédiens, débutants ou amateurs, brûlent les planches : Osman Elkharraz, Sara Forestier, Sabrina Ouazani, Nanou Benahmou...
Le héros de « Violence des échanges en milieu tempéré », lui, maîtrise parfaitement le langage. Nous le rencontrons au moment où, frais émoulu d'une grande école, il intègre un prestigieux cabinet de consultants parisien. On comprend que, de milieu provincial modeste, il en a bavé pour en arriver là. Sa première « mission » : une usine rachetée par une multinationale. Naïf, il ne comprend pas que l'audit dont il est chargé ne peut mener qu'à sacrifier des hommes. Sa relation avec une jeune hôtesse qu'il vient de rencontrer y survivra-t-elle ?
Pour son premier long-métrage, Jean-Marc Moutout a choisi la « fiction documentée ». Si le récit est linéaire et la mise en scène sans fioritures - avec des ellipses bienvenues -, le film, très écrit et bien joué (Jérémie Rénier, Laurent Lucas, Cylia Malki), exprime parfaitement cet apprentissage d'un monde sans pitié dans lequel, même pour les gagnants, les choix sont limités. Qui eut cru que l'univers économique d'aujourd'hui, et ce qui le fait marcher, pouvait faire le sujet d'un bon film ?

> R. C.