«Nos découvertes, et celles qui vont certainement suivre, préparent le terrain pour comprendre plus profondément la polyarthrite rhumatoïde et les maladies auto-immunes apparentées», confie au « Quotidien » le Dr Peter Gregersen (New York), qui a dirigé les deux études indépendantes, fruits d'une collaboration multicentrique internationale.
«Cela permettra d'effectuer un diagnostic plus précoce ainsi qu'une médecine personnalisée utilisant la génétique pour sélectionner les médicaments appropriés et ouvrira des voies à de nouvelles thérapies.»
On considère la polyarthrite rhumatoïde (PR), le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires, comme une maladie auto-immune multifactorielle. Ses facteurs favorisants, environnementaux et génétiques, restent toutefois largement inconnus.
Populations d'origine européenne.
Deux gènes seulement, HLA-DRB1 et PTPN22, ont été identifiés jusqu'ici comme facteurs de risque certains. Dans des populations d'origine européenne, des variants de chaque gène sont liés à un risque accru de PR sévère, caractérisée par des auto-anticorps dirigés contre le peptide citrulliné cyclique (anti-CCP).
Deux études dirigées par le Dr Peter Gregersen viennent allonger cette petite liste.
La première, de Remmers et coll., identifie, sur le chromosome 2, le gène STAT4 comme un facteur de risque de PR ainsi que de lupus érythémateux disséminé (LED).
«Ce travail est le point culminant de plus de dix ans d'efforts visant à rassembler les patients et leur famille pour des études génétiques, et qui ont été menées par le consortium nord-américain de la polyarthrite rhumatoïde (Narac) que je dirige, précise le Dr Gregersen. L'identification de STAT4 découle d'une étude de liaison chez des familles atteintes de PR, publiée l'année dernière (“Genes and Immunity”), et qui montrait une association génétique significative sur le chromosome 2.»
Dans l'étude actuelle, les chercheurs ont analysé plus finement la région préalablement impliquée du chromosome 2 q, qui contenait 13 gènes candidats. Un grand nombre de marqueurs SNP (polymorphisme d'un seul nucléotide) ont été testés chez 1 620 patients atteints de PR et 2 635 témoins, appartenant à la série du consortium Narac. Un certain nombre de SNP associés à la PR ont ensuite été testés dans une série suédoise de cas-témoins (1 529 patients, 881 témoins), ainsi que dans 3 séries cas-témoins de patients porteurs de LED (1 039 patients, 1 248 témoins).
Cette recherche permet d'établir qu'un variant du gène STAT4 est associé à un risque accru de PR et de LED, ce qui suggère une voie commune pour ces deux maladies auto-immunes.
La présence de deux copies de l'allèle à risque (homozygotie), comparée à l'absence de l'allèle, est associée à un risque plus que doublé de LED et accru de 60 % pour la PR.
Le gène STAT4 code pour un facteur de transcription activé par plusieurs cytokines (IL12, interférons de type 1, IL23). Il stimule notamment la transcription du gène de l'interféron gamma, un indice clé de la différenciation des cellules T en cellules T helper de type 1 (Th1). «STAT4 est important car… il fournit lui-même une potentielle cible thérapeutique», souligne le Dr Gregersen.
Si cette association a été identifiée dans des populations d'origine européenne, il convient de noter qu'elle a, depuis, été constatée dans une population coréenne.
PR positive pour l'anticorps anti-CCP.
La seconde découverte, issue cette fois-ci d'une étude génomique d'association (Plenge et coll.), révèle qu'un variant génétique commun au sein du locus TRAF1-C5, sur le chromosome 9, est associé à un risque accru de PR positive pour l'anticorps anti-CCP.
Dans une première phase, plus de 300 000 SNP ont été génotypés chez 1 522 patients atteints d'une PR positive pour l'anticorps anti-CCP et 1 850 témoins, appartenant à deux séries indépendantes (série Narac et série suédoise Eira). Dans une seconde phase de réplication, les SNP montrant une association ont été génotypés chez d'autres patients atteints de PR anti-CCP-positive et d'autres témoins (appartenant également aux séries Narac et Eira).
Cette étude génomique d'association confirme les associations entre la PR et les deux loci HLA-DRB1 et PTPN22. Elle implique un nouveau locus contenant deux gènes liés à l'inflammation chronique : TRAF1 et C5.
«TRAF1 est très intéressant car il semble réguler le signal du récepteur TNF, précise le Dr Gregersen, mais nous n'avons pas encore complètement écarté d'autres gènes dans le voisinage, dont, notamment, le facteur du complément5 (C5). »
Remmers et coll. « New England Journal of Medicine », 6 septembre 2007 ; Plenge et coll. « New England Journal of Medicine » édition avancée en ligne, publication le 20 septembre 2007.
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