DEUX ESSAIS cliniques sont lancés simultanément, l’un en Europe et l’autre aux États-Unis. L’objectif est d’essayer de faire diminuer le réservoir de VIH. Dans ces études, la combinaison de deux stratégies est testée chez des patients dont la charge virale est contrôlée, avec des réservoirs de virus relativement bas. Le Pr Christine Katlama (hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) en explique le concept au «Quotidien» :
- Intensification du traitement en ajoutant des antirétroviraux au traitement que les patients ont déjà. Les molécules sont choisies dans les classes thérapeutiques nouvelles. Il s’agit d’un inhibiteur de l’intégrase et d’un inhibiteur d’entrée (raltegravir et maraviroc). Ainsi, on renforce le traitement en espérant que le virus aura du mal à se répliquer.
- À cela est adjointe une stratégie d’immuno-intervention visant à faire sortir le VIH des cellules où il demeure à l’état quiescent. En agissant sur l’immunité, on cherche à activer les cellules qui contiennent ce virus. Pour cela, on utilise, dans l’essai ERAMUNE-01, l’interleukine IL-7 humaine recombinante, qui a déjà fait l’objet d’essais cliniques aux résultats prometteurs. L’IL-7 doit permettre, « en induisant la réplication du VIH dans les cellules latentes infectées du réservoir, d’exposer les cellules infectées à leur élimination du système immunitaire et donc, à la réduction du réservoir viral, pouvant mener, à terme, à l’éradication. »
À ce jour, 28 patients sont prévus pour être inclus dans ERAMUNE-01.
Réduire le niveau de réplication du virus.
« La nouveauté de cette approche est triple, indique le Pr Katlama. Premièrement, par l’utilisation d’une thérapie antirétrovirale très efficace combinant les molécules ciblant différentes enzymes du VIH ou ses récepteurs permettent de réduire le niveau de réplication du virus jusqu’à des niveaux d’extrême indétectabilité . Deuxièmement, par l’addition d’une thérapie immunomodulatrice ciblant spécifiquement les réservoirs viraux. Enfin, par la sélection rigoureuse de patients présentant déjà un niveau de remplissage du réservoir faible, mesuré par la quantité d’ADN du VIH dans les cellules blanches du sang périphérique. »
Ce qui est nouveau est que le réservoir va être mesuré dans le sang et dans les compartiments profonds.
Ceci permettra de juger si cette combinaison peut avoir des débouchés incitant à progresser dans l’étude de ce concept.
Les critères d’inclusion concernent des patients ayant eu au moins 3 ans de traitement antirétroviral comportant trois médicaments, une charge virale plasmatique (ARN-VIH) inférieure à 500 copies/ml au moins 3 ans avant l’entrée dans l’essai et un nombre de CD4≥ 350 cellules/mm3.
« S’il n’y a pas une personne au moins qui atteint ce que l’on demande, c’est-à-dire une réduction des réservoirs supérieure à 0,5 log (33 %), cela signifie que la stratégie n’est pas valable », poursuit le Pr Katlama.
Quatre centres sont impliqués en Europe : à Barcelone, en Italie, en Angleterre et à Paris, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière dans le service du Pr Katlama. L’ensemble des données va être centralisé à la Pitié-Salpêtrière.
Le vaccin adénoviral recombinant 5.
En parallèle, une étude démarre aussi aux États-Unis (essai ERAMUNE-02, coordonné par le Pr Robert Murphy de Chicago), testant également les deux types de stratégies : le même renforcement du traitement antirétroviral et une intervention immunologique et vaccinale, avec le vaccin adénoviral recombinant 5 du NIH, à la place de l’IL-7. À ce jour, 9 patients ont accepté de participer à l’essai ERAMUNE-02.
Pour éviter «l’erreur de la brièveté», ces deux essais cliniques vont durer un peu plus d’un an.
« Nous avons commencé à travailler sur ce programme il y a 3 ans. D’autres options vont voir le jour et seront testées ultérieurement », évoque le Pr Katlama.
L’essai est lancé et promu par l’association à but non lucratif ORVACS (Objectif Recherche VACcin Sida), dédiée au développement de nouvelles stratégies vaccinales et thérapeutiques anti-VIH. Fondée en en 2001 par les Prs Christine Katlama, Brigitte Autran, Gilles Brücker et Patrice Debré, ORVACS a constitué un réseau de chercheurs en Europe et aux États-Unis.
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