Une composante génétique ne semble plus faire de doute dans la schizophrénie. Plusieurs études avaient déjà mis en évidence la fréquence des anomalies du chromosome 22 chez les patients atteints de la maladie, notamment des microdélétions 22q11 : la prévalence de l'anomalie est de 0,025 % dans la population générale et de 2 % dans la schizophrénie classique de l'adulte, alors que chez les enfants porteurs d'une forme sévère et précoce de la maladie (âge de survenue : 13 ans), elle s'élève à 6 %. Ainsi, les porteurs d'une microdélétion ont de vingt à trente fois plus de risque d'être atteints d'une schizophrénie que dans la population générale et un patient atteint de la maladie a quatre-vingts fois plus de chance d'être porteur de la délétion.
Cette région a déjà été étudiée et la plus petite délétion (1,5 Mb) retrouvée chez un patient schizophrénique a été définie comme étant la « région critique » pour
cette affection. La plupart des gènes de cette région ont déjà été identifiés.
Les deux études publiées dans les « Proceedings of the National Academy of Sciences » apportent des éléments nouveaux.
Forme de l'adulte
et forme de l'enfant
Dans la première, Hui Liu et ses collaborateurs ont étudié le rôle des gènes de cette région critique en mettant systématiquement en relation toutes les mutations connues de ces gènes et la transmission des polymorphismes simples (touchant un seul nucléotide) ou multiples dans des familles de schizophrènes.
Deux formes de la maladie ont été étudiées : la schizophrénie classique de l'adulte (SA) et celle, plus précoce, de l'enfant (diagnostiquée avant l'âge de 13 ans). La probabilité de chaque haplotype (moitié du génotype provenant du père ou de la mère) a été à chaque fois calculée.
Leurs différentes analyses ont conduit à l'identification d'un locus particulier contenant deux gènes : PRODH2 et DGCR6. Le premier code une enzyme mitochondriale (une proline déshydrogénase) impliquée dans le transfert du potentiel d'oxydoréduction à travers la membrane. Le deuxième, proche du premier, code pour une protéine qui a les caractéristiques des molécules intervenant dans l'adhésion cellulaire. Les auteurs pensent que PRODH2 serait le gène le plus impliqué, même si l'étude actuelle n'en apporte pas la preuve. En effet, des pseudogènes PRODH2 non fonctionnels ont été retrouvés dans les schizophrénies précoces, ce qui n'est pas le cas pour DGCR6.
Une surexpression
de l'apo L1
La deuxième étude a procédé à partir de l'étude de 300 gènes susceptibles d'être impliqués dans la schizophrénie. Une première étude par micropuce a été effectuée sur vingt prélèvements post mortem de cortex préfrontal collectés en Nouvelle-Zélande et au Japon. Cette première analyse a permis de mettre en évidence une surexpression du gène codant l'apoprotéine 1 (apo L1). Ce résultat a ensuite été confirmé grâce à une analyse par PCR d'échantillons venus cette fois d'Angleterre et constitués de 15 patients schizophrènes, 15 présentant des troubles bipolaires, 15 une dépression sévère ; tous ces patients étant comparés à 15 individus contrôles. Seuls les patients schizophrènes présentaient cette surexpression du gène codant pour apo L1, de même qu'étaient surexprimés les gènes des apoprotéines L2 et L4. « Il est intéressant de constater que les gènes codant pour apo L sont situés dans la région 22q12 qui a été déjà impliquée dans la schizophrénie et qui est proche de la région 22q11 », indiquent les auteurs. La surexpression de ces gènes pourrait intervenir dans la genèse de la schizophrénie, car les lipoprotéines ont de multiples fonctions, en particulier dans le transport du cholestérol.
Proceedings of the National Academy of Sciences, 19 mars 2002,
vol. 99 et publication online avancée.
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