Deux Etats séparés

Publié le 30/08/2001
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P OURQUOI ne pas tirer la leçon pratique d'un an d'intifada ?

Premièrement, les 700 morts et plus causés par le conflit n'ont pas fait « mûrir » la solution politique. Deuxièmement, Ariel Sharon, élu sur la promesse faite aux Israéliens de garantir leur sécurité, n'a pas été en mesure de tenir parole. Troisièmement, la crise est parvenue à un tel paroxysme qu'on ne voit pas comment la convivialité entre les deux peuples peut être rétablie dans l'immédiat. Il leur faudra des années pour oublier leurs rancœurs et, tant que dure l'explication par les armes, ils n'en prennent pas le chemin. Quatrièmement, il n'est pas sûr que tout finira par une négociation. Une guerre au Proche-Orient ne peut pas être exclue.
Israël refuse pour le moment l'idée d'une frontière (qui instaurerait de fait la taille de l'Etat palestinien) séparant les Israéliens des Palestiniens et contrôlée par des forces de l'ONU. Mais M. Sharon ne peut pas camper indéfiniment sur ses positions. Ses concitoyens sont déjà nombreux à critiquer l'absence de tout projet politique. Beaucoup sont acquis à l'idée de rassemblement des colons dans les zones les plus proches du territoire israélien d'avant 1967. Il devra s'y résoudre. Certes, les Casques bleus n'ont pas une bonne réputation en Israël. Mais une solution imparfaite n'est-elle pas préférable à une extension du conflit ?
La légitimité d'une intervention internationale ne doit pas être mise en doute. Les Américains eux-mêmes commencent à tenir un langage plus ferme à Israël : ils voient bien que l'intifada menace leurs intérêts dans la région.
De toute façon, il faut arrêter le cycle des attaques et des représailles. M. Sharon a été très vivement critiqué par la presse israélienne pour l'exécution du chef du FPLP, Abou Ali Mustapha, alors même qu'un sondage montre que 81 % des Palestiniens sont favorables aux attentats-suicides et que 55 % des Israéliens approuvent les ripostes militaires d'Israël. C'est parce qu'il y a une logique interne à la bataille qui se développe en dehors du raisonnement politique. Les Palestiniens ont applaudi « l'exploit » de deux des leurs qui ont attaqué une position israélienne et tué trois soldats. Mais cet assaut avait été ordonné par le chef du FPLP, qui ne cachait pas son hostilité à tout accord de paix. Les Israéliens l'ont exécuté, ce qui a valu à Israël une condamnation unanime, Européens et Américains compris. Erreur politique ? Vengeance, répond Sharon, qui tient exactement le même langage que la foule palestinienne.
On ne brisera le cercle vicieux que par des dispositions garanties par des tiers. Les organisations internationales ont, en définitive, fait du bon travail en Bosnie, au Kosovo et aujourd'hui en Macédoine. Elles ont obtenu des résultats précaires, mais elles ont mis fin, chaque fois, à la logique de guerre. Le Proche-Orient mérite au moins autant leur sollicitude que les Balkans. Et comme, manifestement, il est impossible pour le moment de renouer les fils de la négociation israélo-palestinienne, il faut imposer une trêve longue qui écarte les belligérants et les amène à réfléchir un peu.

R. L.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6957