POURQUOI PERVERS ? Car le « Journal d'un disparu », composé en 1921 par Leos Janácek, est un cycle de mélodies réalisé pour un ténor avec accompagnement de piano sur des poèmes écrits en dialecte valaque. Nullement destiné à l'orchestre ni à la scène lyrique. Mais le chef autrichien Gustav Kuhn en a réalisé une orchestration à la demande de Gérard Mortier qui voulait présenter les deux oeuvres au cours d'une même soirée. Cela dit, et grâce à l'immense talent de leur interprète, Michael König, ce fut une grande réussite. La tête dépassant d'un trou au ras de la scène, le ténor allemand a donné une émouvante interprétation de ces mélodies même si elles perdaient ainsi beaucoup de leur intimité.
Peu à dire, en revanche, de la solution trouvée par les metteurs en scène Alex Ollé et Carlos Pedrissa pour sortir l'homme de son trou. Cela tombait bien à plat après une telle concentration sur un texte qui mérite d'être suivi à la ligne.
Si « le Château de Barbe-Bleue », lui, a bien été composé par Bartók pour la scène (il fut créé à l'Opéra de Budapest en 1918), il est tant ancré dans un symbolisme fort, qu'il n'est point besoin de montrer systématiquement ce qui se trouve derrière les sept portes dont Judith exige l'ouverture à son nouvel époux, la musique y supplée largement. C'est pourtant le parti pris qu'ont choisi les metteurs en scène. Là aussi, le résultat est surprenant.
Grâce à la vidéo et aussi aux éclairages virtuoses de Guido Levi, on découvre un univers onirique où le palais Garnier se donne la vedette, dans son escalier, son foyer, sur ses toits d'où les personnages survolent Paris. Quelques tableaux extrêmement réussis figurent les chambres que visite Judith avec ravissement ou effroi. C'est avec moins de ravissement cependant que l'on parlera des deux interprètes. Willard White a une voix bien terne et fatiguée pour donner les couleurs de la terreur au personnage effrayant de Barbe-Bleue. Plus colorée, mais ne projetant pas toujours de façon satisfaisante sa voix au-dessus des magnifiques flots de musique sortant de la fosse, Béatrice Uria-Monzon n'est pas, et de loin, l'interprète idéale de ce rôle ambigu.
Mais l'orchestre de l'Opéra de Paris, qui avait le beau rôle, a été magnifique et exemplaire d'un bout à l'autre de cet étrange et beau spectacle.
Opéra de Paris : 0.892.89.90.90 et www.operadeparis.fr. Prochains spectacles : « Louise », de Gustave Charpentier (nouvelle production) du 27 mars au 19 avril (salle Bastille).
« L'Avant-Scène-Opéra » a publié dans son n° 235 consacré aux « Contes d'Hoffmann » d'Offenbach, un supplément sur « le Journal d'un disparu ». Il a aussi consacré son n° 149/150 au « Château de Barbe-Bleue » de Bartók.
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