L E Dr Elie Hantouche a rappelé, en effet, que plusieurs études situent en moyenne le début de l'apparition des symptômes entre 14 et 15 ans, mais en général la première consultation survient à 24 ans, le diagnostic est fait à 30 ans et un traitement approprié est mis en route vers 32 ans. Cela fait un délai de dix-sept ans, en moyenne, entre l'apparition des troubles et la prise en charge efficace. Plus encore, il faut savoir que les premiers signes cliniques peuvent apparaître dès l'âge de 2 ans et que lorsque l'on interroge des adultes souffrant de TOC, 80 % évoquent un début de la maladie avant l'âge de 18 ans avec deux pics : l'entrée à l'école primaire et le début du collège.
Le Dr Elie Hantouche et le Dr Frédéric Kochman (pédopsychiatre à Lille) ont bien expliqué les raisons de ces retards diagnostiques. Tout d'abord, beaucoup de ces jeunes enfants ne reconnaissent pas la réalité de leur maladie, pensant que leur comportement fait partie de leur nature. Par ailleurs, ces troubles sont souvent vécus comme une honte qui doit être cachée, de peur d'être pris pour un fou.
Les parents ne reconnaissent pas tout de suite le caractère « maladif » de colères un peu trop fréquentes et violentes, de rituels de coucher trop longs et de « petites maniaqueries » qui peuvent même faire rire au début.
Et pourtant, avec le temps, s'installe une maladie vraie qui va souvent retentir sur la vie quotidienne et familiale, compromettre les résultats scolaires et aboutir à une souffrance psychique dont on ne soupçonne pas la gravité : une enquête effectuée auprès d'adolescents souffrant de TOC a montré que 38 % d'entre eux ont pensé mettre fin à leurs jours et que 10 % ont effectué au moins une tentative de suicide.
Le message est donc clair. Il faut savoir évoquer et dépister un TOC devant des indices, au demeurant très variés : soucis et/ou colères excessifs pour des choses banales, perte de temps pour des activités simples, besoin de répéter et d'être rassuré, questions incessantes, modifications des habitudes alimentaires et du sommeil.
En réalité, les tableaux cliniques sont très variables, tout d'abord avec l'âge : avant 6 ans, il pourra s'agir du refus anxieux du bain, plus tard d'une utilisation compulsive des jeux vidéo à la recherche d'une performance toujours plus élevée ; à la puberté, les obsessions se porteront naturellement davantage sur le corps et les apparences. Le besoin incessant de se laver les mains est une manifestation fréquente mais, dans d'autres cas, la perturbation est encore plus grave, comme cette petite fille qui ne peut chasser de sa tête l'idée que sa mère est menacée de mort dans chacune de ses activités, d'où le besoin d'être près d'elle pour la protéger, et l'impossibilité de poursuivre une scolarité jusque-là brillante.
Dans d'autres cas, le tableau est plus trompeur : lésions dermatologiques, conséquences de lavages multiples et irritants, trichotillomanies, onychophagies, fausse anorexie, changements des habitudes de sommeil, préoccupations obsédantes du corps.
Enfin, des comorbidités fréquentes peuvent rendre le diagnostic encore plus difficile : autre trouble anxieux, tics, dépressions, comportements inexpliqués, voire troubles psychotiques. En fait, pour que le TOC cesse d'être invisible, il faudrait le dépister systématiquement, ce qui ne peut être fait que dans le cadre de la médecine générale. Un besoin qui est mis en lumière par les résultats d'une large enquête, réalisée chez l'adulte et ayant inclus environ 6 000 patients souffrant d'une anxiété résistante aux traitements classiques et consultant en médecine générale (enquête ARTOC). On constate que 45 % des patients de cette population présentent au moins un item correspondant au diagnostic du TOC et que 14 % souffrent d'un TOC certain.
Dépister et après
Pour les Drs Hantouche et Kochman, le dépistage précoce des TOC chez les jeunes va permettre une économie de plusieurs années de souffrance et une prévention des conséquences parfois irréversibles sur l'adaptation psychosociale et affective du jeune patient. D'autant que, à côté des thérapies cognitives et comportementales qui ont démontré leur efficacité dans le TOC juvénile, on dispose, pour les enfants de plus de 6 ans, d'un médicament qui vient d'obtenir son AMM dans cette indication : la sertraline (Zoloft). Une étude contrôlée versus placebo, d'une durée de trois mois, portant sur des patients de 6 à 17 ans, a mis en évidence une efficacité significative et rapide de la sertraline (p < 0,05, dès la deuxième semaine). Une efficacité qui se maintient au bout de un an sur les scores spécifiques de TOC (YBOCS), mais aussi sur des scores plus généraux (CGI-S et CGI-I), avec p < 0,0001. Le Pr M. Bouvard (Bordeaux) précise qu'un autre essai, actuellement en cours aux Etats-Unis, va permettre d'évaluer et de comparer l'efficacité à cinq ans de la sertraline, des thérapies cognitivo-comportementales, de l'association des deux et d'un placebo.
L'intervention de l'AFTOC, association des familles et des patients atteints de TOC, est essentielle pour compléter la prise en charge médicale et favoriser le dépistage précoce de la maladie. Forte de 1 500 adhérents, l'AFTOC multiplie les actions allant dans ce sens, a déclaré sa présidente, Mme I. Barrot : information et soutien des parents, aide à l'orientation vers des soins spécialisés, publications diverses, site Internet...
Pour tout renseignement, les familles peuvent contacter l'AFTOC : 12, rue Alfred-Lasson, 78250 Mézy-sur-Seine. Tél./fax : 01.39.99.14.08.
e-mail : aftoc@mail.cpod.fr
(1) Conférence de presse organisée par Pfizer.
A la découverte des racines du TOC
Le Dr F. Kochman a passé en revue les différents travaux suggérant des hypothèses sur les causes ou les facteurs prédisposants du TOC, à commencer par l'hypothèse génétique. On sait, en effet, que le risque de TOC est multiplié par 1,7 dans la famille d'un patient ; chez les jumeaux : de 63 à 86 % de concordance pour les monozygotes et de 22 à 47 % pour les dizygotes.
Des travaux plus récents ont permis d'incriminer des gènes codant pour le récepteur D4 et pour le transporteur de la sérotonine. Ce fait plaide pour un rôle majeur de la sérotonine, le TOC semblant en rapport avec un dysfonctionnement de la sérotonine, chez le jeune comme chez l'adulte. Ce qui est à rapprocher de l'efficacité clinique de la sertraline qui, comme on le sait, est un inhibiteur de la recapture de la sérotonine.
D'autres pistes sont fournies par l'imagerie, avec mise en évidence d'une hyperactivation fronto-orbitaire droite (corrélée avec la sévérité clinique) et par l'immunologie, avec les TOC-PANDAS : chez des sujets prédisposés génétiquement (HLA D8/D17), les TOC pourraient correspondre à une réponse dysimmunitaire à une infection à streptocoque bêta-hémolytique du groupe A. Il reste cependant à confirmer la relevance clinique de ces découvertes qui restent, pour l'instant, du domaine de la recherche.
TOC de l'enfant : Zoloft en pratique
Avant toute prescription de Zoloft chez l'enfant de 6 à 17 ans, le diagnostic de TOC devra être confirmé par un spécialiste (pédopsychiatre, psychiatre, neuropsychiatre, neuropédiatre). La posologie optimale sera atteinte progressivement, par paliers, en fonction de l'efficacité et de la tolérance, en sachant que l'on ne dépassera jamais 200 mg.
- Chez l'enfant pesant moins de 40 kg, on commence par une gélule à 25 mg pendant sept jours, puis on augmente par paliers de 25 mg, espacés de une à deux semaines au minimum ;
- Chez l'enfant de plus de 40 kg, on commence par une gélule à 50 mg pendant sept jours, puis on augmente par paliers de 50 mg, espacés de une à deux semaines, au moins.
Un bilan est effectué tous les trois mois, une surveillance étroite étant maintenue pendant et après le traitement. La durée du traitement est laissée à l'appréciation du praticien (dans l'étude du résultat de l'évaluation au long cours).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature