• Pas de loi pour obliger à informer sa famille en cas de maladie génétique
C'est le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, qui a sollicité le CCNE sur la question de « l'opportunité d'inscrire dans la loi l'obligation pour une personne d'informer son entourage familial si a été découverte chez elle une prédisposition ou l'existence d'une maladie génétique grave pouvant faire l'objet, pour les autres membres de la famille, d'un traitement ou d'une prévention efficaces ». Cette obligation d'information concernerait aussi les médecins, sous peine de sanctions pénales.
Le problème éthique réside dans le conflit d'intérêt entre la personne chez laquelle on a découvert une mutation génétique et qui souhaite le strict respect du secret, et les membres de la famille dont l'intérêt est de connaître cette information pour en tirer un bénéfice. Pour le CCNE, le respect du secret médical constitue avant tout « un principe essentiel à l'édification d'une relation confiante entre les médecins et les patients ». Ce n'est qu'à partir de la qualité de cette relation de confiance que le spécialiste est amené à informer le patient de « ses responsabilités personnelles et de ses devoirs envers les siens », insiste le CCNE, qui n'envisage pas de nouvelles exceptions à la règle du secret professionnel.
Selon le CCNE, il est important de « laisser au sujet probant le temps nécessaire pour qu'il surmonte ses éventuelles réticences initiales », avec l'aide, si besoin est, de personnels spécialisés, généticiens ou psychologues. « Dans ces conditions, les cas où les personnes refuseraient obstinément de transmettre des informations potentiellement utiles à leurs collatéraux devraient être exceptionnels et ne justifient certainement pas l'adoption de dispositions légales nouvelles », estime le CCNE.
La transmission de l'information génétique n'ayant généralement pas de caractère urgent (contrairement à l'exception que constitue la déclaration obligatoire de maladies infectieuses), le CCNE préfère donc préconiser les procédures informatives et persuasives que judiciaires. « L'intérêt du groupe ne doit pas être défendu par la loi sous la forme de sanctions pénales pour la personne ou le médecin, poursuit-il. Les rares situations où l'information n'est pas transmise (...) ne devraient pas pouvoir être assimilées à des délits de "non assistance à personne en danger" ou de "mise en péril d'autrui" ».
• Des règles, mais pas trop, pour constituer de grandes biobanques
L'avis n° 77 comporte un document commun qui rend compte d'une série de discussions menées en 2002 et 2003 entre le Conseil national d'éthique allemand (Nationaler Ethikrat) et le CCNE sur le thème des biobanques. Les deux comités d'éthique considèrent comme nécessaire « l'élaboration d'un nouveau cadre de réglementation cohérent et clair, de portée nationale et internationale ». La constitution de grandes biobanques devrait représenter un atout pour le développement des sciences de la vie, de la médecine, de la recherche médicale, de la santé publique et des connaissances démographiques ou de la génétique des populations. Selon les Sages allemands et français, les personnes qui contribuent à ces progrès par le don d'éléments en provenance de leur corps doivent être protégées d'une utilisation abusive de données les concernant personnellement. « Mais il faut également éviter que la poursuite du développement technique ne soit pas entravée par un excès de réglementation », soulignent-ils.
Quatre domaines sont regroupés sous le terme de biobanques : la collecte, la conservation, le traitement et l'utilisation du matériel biologique et de données. L'implication de différents acteurs nécessite de définir une « chaîne de responsabilités ». Les deux comités proposent de créer une instance chargée de la régulation de l'ensemble. « Le modèle convenant à ce rôle est celui d'un administrateur (ou curateur) », ajoutent-ils, dont la tâche « ne se limite pas à la simple gestion des éléments physiques et données d'informations accumulés par les biobanques. Il doit jouer le rôle d'une plaque tournante du système », à la fois gardien des principes éthiques et juridiques, et responsable des mesures d'hygiène et de sécurité.
Restent à résoudre deux questions : celle qui concerne le consentement libre et éclairé qui nécessite, selon les comités, « un débat documenté », afin de concilier au mieux l'intérêt du patient (la protection de ses données personnelles) et l'intérêt scientifique qui justifie la possibilité de retrouver la personne en cause ; et celle concernant le partage des bienfaits résultant de l'activité de collecte et de conservation.
* Avis n° 76 : « A propos de l'obligation d'information génétique familiale en cas de nécessité médicale ». Avis n° 77 : « Problèmes éthiques posés par les collections de matériel biologique et les données d'information associées : « biobanques » et « biothèques ». Les avis sont disponibles sur www.ccne-ethique.fr.
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