C'EST UN REGIONAL de l'étape, Béarnais de naissance, attaché à sa culture forcément « rugbystique » du Sud-Ouest, mais c'est à Paris qu'il a fait ses études et qu'il exerce son art : chirurgien, chef du département de pathologie cardiaque à l'Institut mutualiste Montsouris, le Pr François Laborde a tout de suite dit oui à la proposition de Jean-Pierre Davant, le président de la Mutualité française : mettre en place pour le GIP Coupe du monde de rugby 2007 le dispositif de prise en charge des joueurs pour les 48 matchs qu'ils vont disputer dans une douzaine de villes, en France mais aussi au Royaume-Uni, pendant un mois et demi. Et aussi pour les journées sans match.
Plusieurs tours de France.
«C'est une aventure comme on en vit une seule dans sa vie, explique-t-il. Ecrire une règle du jeu qui puisse s'appliquer quels que soient les traumatismes et les événements, et mettre en place les hommes et les structures correspondant à tous les risques envisageables.»
Pendant deux ans, depuis sa nomination en 2005, le médecin officiel du tournoi a pour cela effectué plusieurs fois le tour de France et passé quelques milliers de coups de fil.
«Au départ, raconte-t-il, j'ai travaillé à partir du cahier des charges tel que l'IRB, la Fédération internationale de rugby, l'avait édicté, ainsi que l'expérience de la précédente Coupe du monde en 2003 en Australie. Nous avons transposé les acquis, mais sans faire de copier-coller. Par exemple, les Australiens avaient prévu des radiologues sur le terrain, pas nous, car nous ne voyons pas très bien l'intérêt de tels spécialistes sur un stade dépourvu de matériel d'imagerie.»
Finalement, pour chaque match, seront présents à proximité de la pelouse huit médecins : un chirurgien orthopédique, un neurochirurgien, un praticien de médecine sportive (pathologies ostéo-articulaires et musculaires liées aux traumatismes), un chirurgien du rachis, un chirurgien maxillo-facial/plasticien (traumatismes faciaux sévères, lésions qui peuvent comporter de la chirurgie plastique), un ophtalmologiste (lésions et traumatismes oculo-palpébrales), un réanimateur de terrain et un réanimateur de deuxième ligne. Egalement prêts à intervenir en cas d'accident de match, un kinésithérapeute, une infirmière anesthésiste et une infirmière de bloc opératoire.
Tous ces « experts » ont été sélectionnés par le médecin coordinateur urbain (MCU) qui a la responsabilité d'une ville de match. Ces 12 MCU recrutés par le Pr Laborde sont en majorité issus du monde de la Mutualité française, tous sont des médecins de médecine sportive qui ont une bonne connaissance du rugby.
Les MCU gèrent l'équipe médicale de bord de terrain selon un unique schéma d'organisation. Il prévoit que le réanimateur intervient sur la pelouse soit à la demande de l'arbitre, soit à celle de l'un des médecins d'équipe.
C'est ce réanimateur de première ligne qui va faire appel si besoin à l'équipe des huit secouristes chargés de transporter le joueur blessé à l'infirmerie ou, le cas échéant, dans l'ambulance, pour le diriger vers l'un des deux « établissements de repli » en alerte pour chaque match.
Homogénéité, simplicité et autonomie.
Ces hôpitaux, qui appartiennent pour la plupart au monde hospitalier mutualiste, ont été sélectionnés sur des critères de proximité, leur pratique de la traumatologie du sport et la charte qualité qu'ils ont élaborée. Ils se sont engagés à mettre en place dans chaque spécialité une équipe dédiée à la Coupe du monde pendant les jours de match, ainsi qu'un accueil dit « VIP » pour les périodes de non-match.
«En fait, commente le Pr Laborde, cette organisation procède de trois principes fondamentaux: l'homogénéité du dispositif, quels que soient la ville ou le match, la simplicité de mise en oeuvre et l'autonomie.»
Cette dernière n'a pas été la plus simple à garantir. Mais finalement, le GIP et les pouvoirs publics l'ont validée : sans avoir à passer par le Samu, le dispositif de la Mutualité sera donc activé pour les joueurs et uniquement pour eux. «Quitte, bien évidemment, précise le MOT, à ce que, en cas de coup dur dans les tribunes, le préfet en charge de la sécurité publique nous réquisitionne. Dans cette éventualité, le MCU participe à la cellule de crise préfectorale.»
Un DMP spécial Mondial.
Pour assurer une bonne transmission des données en fonction des déplacements des équipes dans les différentes villes du Mondial, un système informatique type DMP a été élaboré par les spécialistes de la Mutualité française, avec la bénédiction de la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés). Pendant deux mois, les paramètres médicaux de 600 joueurs seront ainsi collationnés en temps réel. Chaque dossier médical comprendra les antécédents connus, les accidents et traumatismes survenus lors de la compétition et les actes effectués par les membres de l'équipe médicale.
La fonctionnalité du dispositif va dépendre maintenant de la réactivité des médecins qui devront, reliés par des téléphones portables, fournir des données complètes, au fur et à mesure de leurs interventions, selon les procédures élaborées. C'est là, semble-t-il, que réside encore une légère incertitude : le souci des procédures n'est pas à proprement parler une dominante de la culture médicale. Aussi le Dr François Laborde s'est-il beaucoup dépensé auprès de ses équipes pour les convaincre de l'intérêt de fournir leurs reportings en temps voulu, suivant les formulaires qu'il a élaborés.
Depuis un an, l'ensemble du dispositif a fait l'objet de multiples tests grandeur nature : à l'occasion de tous les matchs du tournoi des Six-Nations, lors de la Coupe du monde des moins de 21 ans, comme encore pour chacun des trois matchs de préparation, à Twickenham le 11 août, à Marseille le 18 août et à Cardiff le 26 août. «Tout est paré dans les moindres détails», estime le Pr Laborde, qui souligne que les interventions sont conçues pour se dérouler comme des courses contre la montre : un joueur qui s'absente plus de 15 minutes ne peut plus revenir sur le terrain. Les infirmeries ont donc été aménagées et équipées pour que le travail s'y déroule tambour battant. «Par exemple, précise le MOT, nous avons prévu que les sutures soient effectuées dans un premier temps pour tenir solidement le temps du match, elles seront retirées ensuite pour que les joueurs reçoivent des points plus soignés, qui demandent du temps.»
Avec leurs polos rouges marqués « équipe médicale » (le logo Mutualité française n'apparaîtra pas, pour des raisons financières), les experts vont maintenant s'attacher à travailler en faisant parler d'eux le moins possible. «Il faut maintenir l'ensemble des équipes médicales en dehors du vacarme médiatique, insiste le Pr Laborde, qui a donné l'instruction expresse à ses troupes de se protéger de toute intrusion journalistique dans leur travail. A priori , nous devrions échapper aux projecteurs, pronostique-t-il en citant en exemple le match France/Angleterre du 18 août à Marseille. Nous avons pris en charge quatre traumatismes au cours de cette rencontre, deux d'entre eux nécessitant la pose de sutures et aucun média ne s'est fait l'écho de ces interventions.» L'équipe des rouges est la seule qui ne veut pas prendre la lumière.
24 heures sur 24, 44 jours sur 44
Pendant les 44 jours du Mondial, les équipes pourront faire appel à tout moment aux spécialistes de la Mutualité, en consultant l'annuaire qui a été mis au point avec tous les services médicaux mobilisés et en sollicitant le médecin coordinateur urbain (MCU), dans chacune des villes de match.
Services d'urgence hospitaliers, Samu, pompiers, ambulanciers, médecins du sport, généralistes, cabinets d'infirmières, centres d'optique, cabinets dentaires, centres de physiothérapie, pharmacies, SOS Médecins, correspondants des établissements de repli : chacun de ces professionnels et de ces structures, classé ville par ville dans l'annuaire médical du Mondial, a signé une charte avec la Mutualité française. Tous s'engagent à réserver un accueil spécifique pour les joueurs, avec une disponibilité permanente. Les services d'urgence ont mis en place un circuit VIP. En cas de besoin, le médecin coordinateur urbain pourra par ailleurs être sollicité, il est présent à proximité de chaque lieu de résidence et d'entraînement des équipes pour proposer dans le délai le plus court possible la meilleure prise en charge au joueur blessé ou souffrant.
«Nous avons voulu différencier nettement les jours de match des jours de non-match, explique le Pr Laborde. Si, au cours des matchs, les frais de transport et d'hospitalisation sont à la charge de la fédération hôte, c'est-à-dire la Fédération française, les frais pendant les périodes de récupération et d'entraînement (prescriptions des praticiens ou des structures qui figurent sur l'annuaire, frais liés à des actes paramédicaux et frais de transport) seront imputés aux managers de chaque équipe. C'est le tarif conventionnel qui s'appliquera.»
Pour sa part, la Mutualité française assure la rémunération du médecin du tournoi et des MCU, ainsi que des experts médicaux et paramédicaux, soit un budget de l'ordre de 2 millions d'euros. «C'est une occasion formidable de mettre en avant notre spécificité et nos atouts dans toutes les régions, en affichant des valeurs de solidarité et d'engagement que nous partageons avec le rugby», se félicite Jean-Pierre Davant, son président, lui-même aficionado déclaré du ballon ovale.
12 villes, 20 équipes, 48 matchs
Les 48 matchs de la Coupe du monde, qui opposeront 20 équipes, auront lieu jusqu'au 20 octobre dans dix stades en France et deux en Grande-Bretagne :
Bordeaux : Irlande/Namibie (9/9), Irlande/Géorgie (15/9), Canada/Japon (15/9), Australie/Canada (29/9).
Lens : Angleterre/Etats-Unis (8/9), Afrique du Sud/Tonga (22/9), Géorgie/Namibie (26/9).
Lyon : Australie/Japon (8/9), Argentine/Géorgie (11/9).
Marseille : Nouvelle-Zélande/Italie (8/9), Italie/Roumanie (12/9), Nouvelle-Zélande/Portugal (15/9), Argentine/Namibie (22/9), France/Géorgie (30/9), quart de finale : 1er poule B-2e poule A (6/10), quart de finale 3 : 1er poule A-2e poule B (7/10).
Montpellier : Etats-Unis/Tonga (12/9), Samoa/Tonga (16/9), Australie/Fidji (23/9), Afrique du Sud/Etats-Unis (30/9).
Nantes : pays de Galles/Canada (9/9), Angleterre/Samoa (22/9), pays de Galles/Fidji (29/9).
Paris : Afrique du Sud/Samoa (9/9), Italie/Portugal (19/9), Angleterre/Tonga (28/9), Irlande/Argentine (30/9), Match pour la 3e place (19/10).
Saint-Denis-Stade de France: France/Argentine (7/9), Angleterre/ Afrique du Sud (14/9), France/Irlande (21/9), quart de finale 4 : 1er poule D-2e poule C (7/10), Demi-finale 2 : vainqueur QF3-vainqueur QF4 (14/10), Finale (20/10).
Saint-Etienne : Ecosse/Portugal (9/9), Samoa/Etats-Unis (26/9), Ecosse/Italie (29/9).
Toulouse : Japon/Fidji (12/9), France/Namibie (16/9), Roumanie/ Portugal (25/9), Nouvelle-Zélande/ Roumanie (29/9).
Cardiff (pays de Galles) : pays de Galles/Australie (15/9), Fidji/Canada (16/9), pays de Galles/Japon (20/9), quart de finale 2 : 1er poule C-2e poule D (6/10).
Edimbourg (Ecosse) : Ecosse/Roumanie (18/9), Ecosse/Nouvelle- Zélande (23/9).
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