LA PEDICULOSE à P. capitis est considérée par certains auteurs comme la maladie contagieuse la plus fréquente dans les écoles, après les infections respiratoires. En France, des enquêtes de prévalence instantanée menées entre 1996 et 1998 ont mis en exergue un taux de 6 % à Bobigny et de 8 % à Tours ; il s'agit toutefois de moyennes, les chiffres étant très variables aussi bien d'une école à l'autre que selon les classes d'une même école.
Cela fait déjà plus de dix ans qu'une diminution de l'efficacité des traitements antipoux a été constatée, d'abord par les parents amenés à les utiliser, avant d'être confirmée par des travaux cliniques. Le Pr Chosidow et coll. (hôpital Tenon, Paris) ont été parmi les premiers à mettre en évidence ce phénomène de résistance lors d'une étude randomisée menée dans des écoles et dont les résultats ont été publiés dans le « Lancet » en 1994. Les investigateurs avaient utilisé deux lotions antipoux dont l'efficacité était jusqu'alors démontrée, mais qui, en l'occurrence, n'avaient pas donné les résultats escomptés. Des tests parasitologiques avaient, en outre, été pratiqués sur des poux prélevés chez ces enfants, qui ont confirmé leur résistance. Le même phénomène de résistance a, depuis, été rapporté dans de nombreux pays, notamment au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, aux Etats-Unis, en Argentine et en Israël.
Au-delà de ses aspects clinique et parasitologique, cette résistance a essentiellement un caractère génétique. En effet, il a été établi que les poux deviennent résistants aux pyréthrinoïdes de synthèse parce qu'ils ont acquis un haplotype de résistance découlant d'une mutation (M815I-T929I-L932F) qui intéresse les gènes des canaux sodiques. Il en résulte une perte de sensibilité du pou vis-à-vis de la neurotoxicité de ces produits.
Pédiculose : la résistance s'organise.
En fait, si la résistance se manifeste principalement à l'égard des dérivés du pyrèthre, en raison de la large utilisation dont ces derniers ont été l'objet, les autres produits antiparasitaires (malathion et lindane) commencent également à être affectés. Surtout, et c'est là l'aspect le plus préoccupant, un même parasite peut cumuler plusieurs mécanismes de résistance rendant ces différents produits inopérants.
Cette constatation a conduit les chercheurs à se mobiliser pour tenter de développer de nouveaux traitements. Des essais ont notamment été menés avec une lotion à base de diméticone utilisée comme démêlant, qui a pour effet d'étouffer les poux ; toutefois, le taux d'efficacité de ce produit n'excède pas 70 %.
Au nombre des stratégies ayant fait l'objet d'évaluations figure également la technique du « bug-busting », expérimentée au Royaume-Uni, qui consiste à peigner les cheveux (après les avoir humidifiés) avec un peigne spécial en plastique tous les trois ou quatre jours pendant plusieurs semaines. Selon les investigateurs, cette méthode serait d'une efficacité supérieure à celle des insecticides ; l'étude présente toutefois certains biais méthodologiques qui conduisent à émettre des réserves sur les résultats.
Un essai multicentrique randomisé est, en outre, actuellement mené pour évaluer l'intérêt de l'ivermectine orale dans le traitement des pédiculoses résistantes aux produits conventionnels.
Le difficile traitement de la gale.
A ce jour, il n'existe malheureusement aucun traitement de référence de la gale. L'ivermectine orale constitue une option intéressante, car elle allie efficacité à maniabilité. Il s'agit actuellement du seul traitement oral bénéficiant d'une AMM en France, mais ladite AMM stipule qu'elle doit être prescrite à raison d'une dose unique de 200 µg/kg, alors que deux essais ont montré qu'il y a lieu d'administrer une seconde dose quinze jours plus tard.
En outre, la sécurité d'emploi de ce médicament n'a pas été établie chez l'enfant de moins de 15 kg.
S'agissant des traitements locaux disponibles en France, ceux-ci se limitent au benzoate de benzyle (Ascabiol) et à un pyréthrinoïde de synthèse, l'esdépalléthrine (Sprégal). Ce dernier produit est toutefois contre-indiqué en cas d'asthme ou de bronchite asthmatiforme ; il ne doit pas être appliqué sur le visage, en raison de sa présentation sous forme de spray. Ces produits locaux sont efficaces, mais ont l'inconvénient d'être peu maniables.
Dans l'état actuel des connaissances, il n'y a pas de niveau de preuve suffisant pour préférer un traitement local au traitement per os, ou inversement. Néanmoins, la facilité d'utilisation plaide en faveur du traitement oral et ce d'autant plus que le nombre de personnes à traiter est important. Un essai français est actuellement en préparation, dont l'objectif est de comparer ces différents traitements entre eux.
Quel que soit le traitement choisi, les vêtements et le linge doivent être lavés, si possible en machine ; il n'y a pas lieu de désinfecter plus largement l'environnement.
Quand faut-il parler d'échec ?
L'échec du traitement peut être affirmé lorsque les signes cliniques spécifiques de la gale persistent entre 8 et 15 jours après le traitement et/ou que l'examen parasitologique demeure positif après ce délai. L'échec peut être lié à une résistance, à une réinfestation ou à un traitement insuffisamment observé.
Dans les gales profuses, l'obtention de la guérison peut nécessiter l'administration d'une seconde dose du traitement oral et/ou d'associer ce dernier à un traitement local.
La persistance d'un prurit dans les 8 à 15 jours qui suivent le traitement local ne traduit pas obligatoirement un échec ; cela peut, en effet, être dû à une irritation cutanée provoquée par le traitement, à un eczéma de contact, à une acarophobie ou à une autre cause de prurit masquée par la gale (notamment chez les sujets âgés).
* Hôpital Tenon, Paris.
Bibliographie :
Izri A, Chosidow O. « Clinical Infectious Diseases » 2006 ; 42 : 9-10.
Chosidow O. Scabies. « N Engl J Med » 2006 ; 354 : 1718-25.
Faut-il aussi traiter les vêtements et la literie ?
Dans les deux lieux habituels de transmission que sont la collectivité d'enfants et la famille, la contamination est avant tout interhumaine et directe. Il n'est donc pas utile de traiter les vêtements et la literie, hormis dans le cas particulier d'une infestation massive de poux chez un membre de la famille ou de la collectivité. Dans ce cas, les oreillers, bonnets, peluches et autres objets lavables doivent être lavés en machine en utilisant le programme « cycle long » à au moins 50 °C. Les objets non lavables en machine (peignes, brosses...) ne doivent pas être utilisés pendant trois jours. La désinfection des locaux est inutile et parfois dangereuse.
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