AUCUN DE CES DEUX GRANDS ACCORDS internationaux ne masque la dure réalité des sacrifices qu'il a fallu faire et du peu d'enthousiasme avec lequel les deux résultats seront accueillis par les opinions internationales : les eurosceptiques sont nombreux et, déjà, une pluie d'injures s'abat au Royaume-Uni sur Tony Blair parce qu'il a accepté une diminution de 20 % de son fameux rabais, alors même que les restaurateurs reprochent à Jacques Chirac de ne pas avoir obtenu la baisse de la TVA.
Le plus intéressant, c'est la coïncidence des deux sommets. La France devait y défendre ses positions dans les mêmes termes, notamment au sujet de la politique agricole commune (PAC) sortie presque intacte à la fois de Bruxelles et de Hongkong. Le chef de l'Etat gagne du temps, pour des objectifs de politique intérieure mais, tôt ou tard, la PAC sera démantelée et il vaut mieux que nos agriculteurs s'y préparent activement. Ils ont sept ans pour s'adapter à une concurrence qui sera croissante dans les années à venir et sera la règle puisqu'il faudra abolir les subventions.
A BRUXELLES ET A HONGKONG, ON S'EST CONTENTÉ D'ÉVITER LA CRISE
Attendre un peu pour les mauvaises nouvelles.
On ne reprochera pas au président d'avoir fait gagner quelques années à ses agriculteurs ; la conjoncture politique est désastreuse et, pour les mauvaises nouvelles, il vaut mieux attendre un peu. Et on lui accordera le crédit d'une victoire sur le rabais britannique : Tony Blair est un interlocuteur coriace et lui avoir fait débourser une dizaine de milliards d'euros en une soirée aura été un tour de force.
Sans doute le Premier ministre britannique devait-il démontrer sa combativité aux électeurs. Il savait bien comment il serait reçu par ses médias après avoir consenti au rabais. Cela donne une idée du triomphe de la démagogie sur l'esprit européen et de l'ambiance dans laquelle se déroule l'élargissement : les dix nouveaux venus ne sont pas sûrs d'avoir fait une bonne affaire dès lors qu'on leur compte chichement des subventions dont ils ont un besoin pressant et que, pour les leur refuser, on a failli casser l'Union.
Mais bon, comme d'habitude, personne n'a osé prendre la responsabilité du crime, conformément à un schéma diplomatique que les Européens connaissent bien. La différence avec les précédents historiques, c'est le double « non » de la France et de la Hollande et l'essouflement du processus d'intégration : auparavant, les Européens jouaient à se faire peur ; aujourd'hui, ils savent que quelque chose d'irréparable peut se produire à chaque instant, par manque de dynamisme européen et par absence de leadership fort.
Mieux vaut tenir que courir.
Il a été tout autrement à Hongkong où les délégués auront pris tout le monde par surprise en concluant un accord qui, s'il est prudent, ne s'en traduit pas moins par une réduction mondiale des droits de douanes. Ce sont les Américains qui ont tiré leur épingle du jeu, en faisant des concessions bien minces sur l'agriculture et surtout le coton. Mais, enfin, la PAC aussi a été préservée et les pays en voie de développement, qui devenaient de plus en plus exigeants, ont préféré tenir que courir.
Tout le monde dit que si on a peu progressé, on a aussi évité une crise qui risquait de nous renvoyer tous au protectionnisme. Cependant, si on estime que le verre est à moitié plein, cela signifie nécessairement que des négociations vont rapidement reprendre sur les droits de douane agricoles : de nouveau, la PAC sera en danger. De sorte qu'on ne sait pas vraiment si le temps gagné par M. Chirac est très long et si ce qu'il a réussi à sauver à Bruxelles, il ne va pas le perdre (lui ou son successeur) dans une prochaine négociation de l'OMC.
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