Depuis la disparition précoce en 1953 d'une des plus belles voix que le royaume britannique ait comptées, beaucoup a été écrit en langue anglaise sur Kathleen Ferrier, née en 1912 dans le Lancashire, jusqu'à ses agendas et sa correspondance qui viennent d'être publiés. En français, rien.
Pourtant, quoi de plus romanesque que la vie de cette jeune fille toute simple qui se destinait plutôt à devenir pianiste, pour autant que sa condition de demoiselle du téléphone, « prêtresse de l'invisible » selon Proust, lui en laissât le temps et les moyens ? Mais voilà, chez elle la fibre artistique regorgeait et, à force d'accompagner au piano des amis chanteurs, il lui fallut bien admettre qu'elle avait une voix d'une qualité exceptionnelle, le matériau brut pour devenir une très grande chanteuse. Cela n'a pas été si facile de s'en convaincre et encore moins d'en convaincre les autres, mais il semble que rien ne résistait bien longtemps à la volonté de cette fonceuse et encore moins à son talent, qui finissait toujours par l'emporter.
Jérôme Spycket exploite, assez mollement, sans vraiment lui donner style ni relief, cette destinée hors du commun dont, souligne le mezzo-soprano anglais Janet Baker dans la préface à cette courte biographie, l'art est devenu intemporel. De fait, cette voix de contralto si prisée par sa rareté et qui se caractérise par une étendue phénoménale et une homogénéité du timbre sur toute cette étendue, a séduit, une fois passées les épreuves de l'eau et du feu, les plus grands chefs de l'époque, Barbirolli, Malcolm Sergent, Karajan, Klemperer, Bruck, Boult et surtout Bruno Walter, qui lui fit découvrir Mahler dans Unlequel ???? elle est irremplaçable et jusqu'à Benjamin Britten qui composa pour elle.
Comme souvent, le destin n'a pas été chic pour un tel prodige et c'est dans une lutte cruelle avec la maladie que s'est achevée en 1953 l'illustre carrière de celle qui, cinquante ans après, dans certaines de ses interprétations miraculeusement conservées par le disque microsillon au début de sa grande carrière, reste encore insurpassée.
Discographie express
Qu'écouter du legs discographique de Kathleen Ferrier ? Pas si mince que cela, la liste de ses enregistrements comprend l'essentiel de son répertoire en studio et aussi quelques enregistrements de concerts, de qualité sonore inégale.Gustav Mahler, bien sûr, et surtout les « Kindertotenlieder » (« le Chant des enfants morts ») qu'elle a gravé deux fois, avec Bruno Walter et les Wiener Philharmoniker en 1949 (EMI Références), mais aussi sous la baguette plus rigoureuse d'Otto Klemperer avec le Concertgebouw Orkester au Holland Festival le 12 juillet 1951 (Decca).
Aussi, « Das Lied von der Erde » (« le Chant de la Terre ») dans la version inégalée avec le ténor Julius Patzak et les Wiener Philharmoniker, dirigés par Bruno Walter (Decca 1952).
Accompagnée au piano par John Newmark (Decca) mais aussi Bruno Walter (Decca), « Frauenliebe und Leben » (« l'Amour et la Vie d'une femme ») est une des plus grandes interprétations existantes de ce cycle de Lieder de Schumann. Pierre Bernac, qui lui en fit travailler la diction et l'interprétation à plusieurs reprises, la considérait comme la plus grande dans « Poème de l'amour et la mer », de Chausson, qu'elle a gravé avec John Barbirolli et le Hallé Orchestra (Decca).
C'est cependant dans l'oratorio sacré que sa voix de contralto trouvait son emploi le plus typique comme le prouvent des airs de Bach et de Haendel enregistrés en studio pour Decca, sous la direction d'Adrian Boult et Malcolm Sergent, et surtout les intégrales (assez faibles de son, mais documents irremplaçables) de la « Passion selon Saint-Matthieu » et de la « Messe en si » de Jean-Sebastien Bach sous la direction de Karajan, dont les autres solistes sont rien moins que Schwarzkopf, Seefried, Edelman, Ludwig et Schoeffler (Foyer). Signalons enfin que le récital « milanais », seule trace d'une tournée en Italie et gravé dans les studios de la RAI en 1951, est devenu disponible dans des conditions sonores enfin acceptables (Tahra).
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