C’est une nouvelle charge parlementaire sur le front de la démographie médicale qui ne manquera pas d’exaspérer la profession. Déposée le 18 février à l’Assemblée nationale, une proposition de loi (PPL) à l’initiative du député (UDI) du Tarn Philippe Folliot avec le soutien d’une quarantaine de ses collègues issus des rangs centristes, UMP ou non inscrits, relance le scénario de mesures autoritaires pour lutter contre les déserts médicaux.
Jugeant que les dispositions du pacte territoire-santé de Marisol Touraine ont été d’une « grande inefficacité » pour encourager l’installation de jeunes médecins en milieu rural, le texte (dix articles) se fait fort de proposer des solutions efficaces en passant de « l’incitation à l’obligation ».
Comme les pharmaciens !
La PPL préconise plusieurs réformes musclées.
La plus spectaculaire consiste à mettre en place une régulation coercitive des flux de jeunes médecins (généralistes) à la sortie des études, en supprimant la sacro-sainte liberté d’installation. Un numerus clausus à l’installation des généralistes serait instauré « à l’instar du dispositif en vigueur pour les officines de pharmacie, afin de réduire les écarts de densité que l’on constate aujourd’hui ».
En pratique, toute nouvelle création, tout transfert ou regroupement de cabinet seraient subordonnés à l’octroi d’une autorisation expresse de l’ARS, prenant en compte un « seuil de population défini par décret ». Le directeur général de l’ARS saisi d’une demande d’installation nouvelle pourrait aussi imposer une « distance minimale » entre l’emplacement prévu pour le futur cabinet et le cabinet existant le plus proche, précise la PPL. L’exposé des motifs de la PPL ne s’en cache pas. « Les dispositifs visent à rapprocher le système d’installation des médecins de celui des pharmaciens qui est plus efficace (...) », peut-on lire.
Stages obligatoires en cabinet de ville
Autre piste recommandée par les députés : des stages « obligatoires » en cabinet de médecine générale en milieu rural au cours de l’externat. Le texte de la PPL juge indispensable de « sensibiliser » les jeunes à l’exercice en milieu rural le plus tôt possible pour évacuer les préjugés éventuels des carabins. En pratique, un des quatre stages pratiques réalisés par les jeunes en tant qu’étudiants hospitaliers (d’une durée de trois mois chacun) devra nécessairement se faire dans un cabinet généraliste situé en milieu rural.
Autre signe de la tentation planificatrice des parlementaires, la PPL propose que les territoires de santé soient redéfinis avec la création dans chaque département d’une « commission de démographie médicale » très administrative(État, ARS, collectivités, parlementaires, Ordre)chargée de définir des « projets d’aire de santé » en écho aux besoins du terrain. Ces projets (visés là encore par les ARS...) devraient faciliter le développement de réseaux de santé. Dans ces secteurs fragiles nouvellement identifiés seraient encouragés les transferts d’actes, les coopérations ou encore l’allongement de la durée d’activité (par des exonérations du paiement des cotisations d’assurance vieillesse).
De nouvelles aides en zone rurale
Après le bâton, les députés utilisent aussi la carotte. La PPL crée de nouvelles incitations à l’implantation des généralistes conventionnés en milieu rural (en complément des incitations existantes). Il s’agirait d’aides dégressives de l’État pour les généralistes dans les zones rurales sous-dotées médicalement ou pour ceux désireux d’ouvrir un cabinet secondaire dans les secteurs déficitaires.
En février 2013 déjà, un groupe de travail sénatorial avait encouragé en vain la coercition afin de forcer les médecins à mieux s’implanter sur le territoire. Rebelote ?
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