Déserts médicaux : réactions mitigées au pacte territoire-santé de Marisol Touraine

Publié le 14/12/2012
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Crédit photo : Mathieu Delmestre (cc)

Les réactions se multiplient après l’annonce jeudi par Marisol Touraine de son plan de lutte contre les déserts médicaux. Politiques, patients, jeunes médecins généralistes et hôpitaux publics apportent leurs contributions à des commentaires déjà bien nourris.

Les jeunes dubitatifs

Du côté de l’ISNAR-IMG (internes) et de ReAGJIR (jeunes installés et remplaçants), on juge que les mesures proposées, comme la découverte de l’activité ambulatoire au cours de la formation, le revenu minimum assuré lors des premières années d’installation, ou la valorisation du travail interprofessionnel, « permettront de diminuer un grand nombre des appréhensions liées à l’exercice ambulatoire, notamment en zones déficitaires ». Mais les jeunes généralistes rappellent que 95 % des internes ne connaissent pas les aides à l’installation existantes, et invitent le gouvernement à « porter ces mesures sur le terrain au plus près des intéressés ». De son côté, le SNJMG (jeunes médecins généralistes) constate que ce plan « ne propose rien de concret sur les conditions d’exercice des médecins généralistes » déjà installés. Il dénonce l’absence de création de postes de médecins salariés et la persistance de l’hospitalo-centrisme.

Enfin, l’Inter Syndicat National des Internes des Hôpitaux (ISNIH) se dit satisfait du rejet par Marisol Touraine des mesures coercitives, mais regrette qu’elle ait « raté sa cible ». L’ISNIH pointe du doigt « des aides inadaptées ou inapplicables », qui ne vont pas rendre les régions sous-dotées attractives. L’ISNIH attend « impatiemment » la concertation annoncée par la ministre de la Santé pour parfaire ces mesures.

Les médecins pigeons : le compte n’y est pas 

Les médecins pigeons ont amené à proximité de la salle où Marisol Touraine présentait son plan un dromadaire vivant qui illustrait les déserts médicaux. Le Dr Jean Marty, leur président, reconnaît que certaines mesures vont « dans le bon sens », comme la création d’un guichet unique, mais prévient que « le compte n’y est pas ».

MG France : un plan réfléchi et coordonné.

Le président Claude Leicher juge que les pouvoirs publics « sont passés à la phase opérationnelle et ne se contentent plus de discours ». Il cite le développement du travail en équipe et rappelle que le PLFSS 2013 prévoit déjà l’ouverture de négociations conventionnelles interprofessionnelles sur la rémunération des équipes de soins. « Ce plan est réfléchi et coordonné », estime MG-France.

FMF : pas à la hauteur des enjeux 

À la FMF, le Dr Jean-Paul Hamon juge que les pouvoirs publics ont découvert « bien tardivement qu’il fallait modifier les études et faire connaître aux étudiants l’exercice libéral ». Mais le président de la FMF regrette l’oubli d’un « point important : l’organisation de la permanence des soins, vécue comme un repoussoir à l’installation par de nombreux étudiants ». Jean-Paul Hamon rappelle que d’ici 10 ans, « 29 000 généralistes vont partir à la retraite, alors que seuls 9 400 prendront la relève. Ce n’est pas avec 200 praticiens territoriaux et 1 500 contrats d’engagement de service public (CESP) que l’on va résoudre le problème ».

SML : rien de nouveau

Le Dr Roger Rua, président du SML, est tout aussi dubitatif. « Il n’y a rien de nouveau dans ce plan », juge-t-il. Le SML regrette que ces mesures conduisent à « un regroupement quasi obligatoire des généralistes avec les autres professionnels de santé ». Il constate également que les spécialités cliniques sont les grandes oubliées de ce plan : « c’est leur mort annoncée s’il est mis en application », prédit-il.

CSMF : faire déjà connaître l’existant

Le Dr Michel Chassang « prend acte de l’engagement du gouvernement à favoriser l’incitatif plutôt que la coercition ». Le patron de la confédération rappelle que plusieurs mesures incitatives existantes (comme l’avenant 20 à la convention de 2005) « ne sont pas appliquées par les pouvoirs publics qui par ailleurs n’en font pas la publicité auprès des jeunes médecins ». Pour la CSMF, la revalorisation de la médecine libérale passe par l’amélioration des conditions d’exercice, de la permanence des soins, des rémunérations et de la couverture sociale des médecins.

UMESPE : les spécialistes oubliés

La branche spécialistes de la CSMF regrette que le plan « oublie totalement le rôle de la médecine spécialisée de proximité ». Elle rappelle que « la médecine générale ne peut être accompagnée sans possibilité de recours à des médecins spécialistes consultants ».

FHF : soutien appuyé au plan

La Fédération hospitalière de France « salue » le plan de Marisol Touraine. Elle assure que les hôpitaux publics sont « prêts à prendre leurs responsabilités et à soutenir toutes les initiatives visant à conforter la médecine de premier recours » dans les territoires menacés par les déserts médicaux.

Opposition : du neuf avec du vieux

Nora Berra (UMP),ancienne secrétaire d’État à la Santé, estime que Marisol Touraine « fait l’étalage de son talent dans l’art de ripoliner les mesures existantes en reprenant en quasi-totalité les mesures mises en œuvre par le précédent gouvernement quitte parfois à les rebaptiser ». Quant à Philippe Vigier (UDI), auteur d’une proposition de loi sur les déserts médicaux, il reconnaît que quelques mesures du plan seront utiles (comme le développement de la télémédecine), mais il juge que le dispositif « n’est pas à la hauteur de la gravité de la fracture médicale ».

Patients : un plan voué à l’échec

L’UFC-Que choisir partage le diagnostic ministériel sur les déserts médicaux, mais dénonce « le caractère homéopathique des réformes prescrites qui ne sont absolument pas en mesure de soigner le mal actuel ». L’association regrette que ce plan ne comporte « ni chiffrage financier ni objectif quantifié, et reste enfermé dans des solutions dépassées ».

 H.S.R.

Source : lequotidiendumedecin.fr