Nous vous avons demandé de nous raconter en ligne les réactions de vos patients plongés sans préavis dans les affaires Diane 35, pilules 3G, statines… Généralistes, gynécologues, dermatologues, endocrinos, psychiatres…, vous avez répondu à l’appel.
Voici ce que nous montrent vos témoignages :
• Des patients inquiets, voire affolés
À propos de Diane 35, Patrice Martin, généraliste, constate : « Les réactions les plus fréquentes sont l’inquiétude : "Vais-je avoir de nouveau de l’acné ? Que pourra-t-on y faire ?" Ensuite, l’incompréhension : "Pourtant j’étais très bien réglée avec cette pilule, elle m’allait très bien" . »
Même topo dans le cabinet d’une dermatologue qui explique : « Récemment, une jeune fille acnéique est venue me voir, désemparée, car elle prenait Diane 35… tout comme sa maman l’avait prise 20 ans auparavant sans problème ! Et elle n’avait aucune envie de l’arrêter. »
Au-delà du cas « Diane », une consoeur généraliste confirme : « J’ai bien entendu de nombreuses patientes (sous pilule) qui se présentent et sont inquiètes. »
Une endocrinologue évoque plus que de l’inquiétude : de la peur. « Les patientes ont peur et arrêtent leur contraception. En général, elles sont peu ou mal informées des méthodes contraceptives. »
• Pour certains, la peur cède le pas à la colère
Jean-Jacques Tourette, généraliste, en a fait l’expérience et… des statistiques : « Diane 35 : 5% inquiètes, 9% en colère. »
Gynécologue, Monique Salomon nous dit : « La suppression de Diane 35 a suscité la colère des patientes qui en bénéficiaient. » Elle tempère : « La sérénité persiste chez celles qui prennent des oestroprogestatifs, y compris 3G et elles sont nombreuses, avec une parfaite connaissance des risques cadio-vasculaires puisque nous cherchons les facteurs de risque associé avant toute prescription. »
Marion Nadaud s’est même trouvé la cible de la mauvaise humeur d’une patiente : « Je suis dermatologue, nous dit-elle. Une patiente acnéique, voyant son traitement par Diane 35 substitué par une pilule de 2e génération par son gynécologue, m’a appelée, furieuse, pour que je lui represcrive la Diane 35 "qui lui réussit si bien"… On marche sur la tête. »
Généraliste, Dominique Bernard mesure lui aussi cette tension : « Les patient(e)s affichent tous leur incompréhension, voire hostilité à l’égard de décisions paradoxales super-médiatisées qui viennent d’en « haut », alors que des dizaines d’années se sont écoulées sans problème apparent. Leur seul interlocuteur est leur médecin en qui ils accordent toute confiance pour donner suite opportune à ce faux problème. »
Comment vos patients envisagent-ils la notion de bénéfice-risque ? Ils semblent avoir du mal...
Ainsi, Jean-Christophe Jouval, généraliste, nous raconte : « J’ai prescrit il y a deux jours Diane 35 à ma fille de 21 ans en renouvellement pour lutter contre son acné. J’accepte et elle accepte un risque supplémentaire infime. C’est un choix. Elle a plus de chance ou de malchance de mourir en voiture sur les routes. Il est difficile d’expliquer à nos patients la notion de risque statistique. Ils ne désirent qu’une chose : le risque 0. »
Généraliste également, Bernard Morre nous expose une situation un peu particulière : « Dans mes jeunes patientes, il en est une qui est devenue médecin, dans un domaine assez éloigné de la dermatologie. Je lui ai fait part de la prochaine suspension de Diane 35 et de ses génériques, en raison de la mise en avant de 4 décès imputés au produit. Elle avait continué ma prescription anti-acnéique sous forme de générique. C'était le traitement qui lui convenait le mieux pour sa peau et comme contraceptif. Ne présentant pas de contre-indication thromboembolique, elle m'a répondu du tac au tac que, de toute façon, elle continuerait à se prescrire le médicament et qu'exerçant dans une zone frontalière, elle se la procurerait à l'étranger ! »
De fait, vous aussi composez tant bien que mal avec la notion de risque. Exprimant au passage une bonne dose de ressentiment vis-à-vis des pouvoirs publics (et de la presse).
La suspension de Diane 35 inspire ce commentaire à Jean-Philippe Bassoleil, généraliste : « Quelle décision irrationnelle pour 4 décès (certes 4 de trop, dont on ne connaît pas les raisons exactes) alors que des millions de femmes ont été traitées avec succès pendant 25 ans sans effets secondaires... Le tabac fait à lui seul 200 morts par jour sans que les pouvoirs publics ni les « décideurs » de notre pays s'en émeuvent et ne prennent de décision... »
« C'est terrible d'aller à la pêche aux accidents quand on a déjà pris des décisions, publier une vérité et puis... rien, que des probabilités dignes de faire interdire l'aspirine, les antibiotiques et tout traitement cardio-vasculaire », s'indigne pour sa part Patrick Chalaux, gérontopsy.
Et puis il y a ceux qui, à l'instar de Pascal Jacob, généraliste, se retrouvent directement confronté non pas aux statistiques mais aux cas particuliers : « Je vois en dépannage une enfant amenée par sa maman, 35 ans, munie d'une canne. Question : que vous arrive-t-il ? Hémiplégie, j'étais sous Diane ! Cela fait froid dans le dos. »
Face aux interrogations de votre clientèle, vous êtes en première ligne. Ce que Dominique Bernard (généraliste) formule ainsi : « Le seul interlocuteur (des patients) est leur médecin en qui ils accordent toute confiance pour donner une suite opportune à ce faux problème. » Et un autre généraliste, parlant des pilules, ainsi : « Pourquoi changer ce qui est un mieux global pour la population, pour les femmes, pour les couples. Laissons les médecins choisir et non pas les avocats qui cachent les gros laboratoires pharmaceutiques. La pilule de troisième génération est une forte avancée médicale pour la population. »
Certains d'entre vous se positionnent très clairement dans le colloque singulier.
Échauffé par ce qu'il appelle « le crétinisme du principe de précaution », Patrice Martin (généraliste) juge ainsi que les consultations avec des patient(e)s troublé(e)s « sont une occasion inespérée de stigmatiser un pouvoir politique et administratif que son incompétence scientifique crasse et sa lâcheté font sombrer dans la débilité et la paranoïa. (...) Supprimer un traitement de l'acné ne fera pas disparaître l'acné, et ses victimes réclameront à juste titre des solutions beaucoup plus dangereuses que Diane 35 ».
Une gynécologue nous dit « rassurer » ses patientes et « ne rien changer » à ses prescriptions. Ses interlocutrices « sont ravies », nous explique-t-elle, car « elles sont comme moi persuadées qu'il y a des problèmes bien plus graves à régler en France ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature