LES RESULTATS font parler d'une thérapeutique alternative ou complémentaire possible, efficace et sans danger, pour la prise en charge de la maladie de Crohn. Ils sont d'autant plus intéressants que la population étudiée est formée majoritairement de malades réfractaires au traitement.
La maladie de Crohn est courante dans des régions où les helminthiases sont rares ; et, réciproquement, elle est rare là où les humains sont fréquemment l'objet de parasitoses par des vers.
On invoque, dans la pathogénie de la maladie de Crohn, une réponse immunitaire inappropriée à la flore digestive normale.
On sait que les helminthes induisent une régulation négative de la réponse à des antigènes différents de ceux du parasite. C'est cette propriété qui est exploitée dans la démarche consistant à provoquer une parasitose. Les recherches au laboratoire ont montré que les helminthes réduisent l'inflammation associée à la colite expérimentale de la souris.
Trichuris suis provient du porc et est proche de la forme humaine du nématode trichocéphale Trichuris trichiura. C'est le parasite idéal pour tenter ce type de traitement. T. suis n'est pas un parasite habituel des humains, mais on sait qu'il les colonise parfois de manière transitoire et limitée, sans donner de pathologie importante. Il n'y a pas de risque de contamination interhumaine.
Les vingt-neuf patients de l'étude souffraient d'une maladie de Crohn active définie par un index d'activité Cdai (Crohn's disease activity index) supérieur ou égal à 220.
Non-répondeurs au traitement standard.
Pour la plupart, ces patients souffraient d'une maladie de Crohn évoluant de longue date : médiane de 3,9 ans (1,5-6,8). Et ils étaient non répondeurs au traitement anti-inflammatoire standard (corticostéroïdes, azathioprine, infliximab...).
Tous étaient consentants pour être enrôlés dans l'étude ouverte de vingt-quatre semaines. Le protocole consistait à faire ingérer dans un liquide 2 500 oeufs vivants de Trichuris suis toutes les trois semaines et à suivre l'évolution du Cdai. Par définition, on estimait avoir une réponse lorsque le Cdai diminuait de plus de 100 points et unE rémission lorsque cet index s'abaissait au-dessous de 150 points.
A la semaine 24, 13 patients étaient répondeurs (79,3 %, réduction du Cdai de 177,1 points) et 21 étaient en rémission.
Les résultats relevés la semaine 12 sont identiques.
Les analyses par sous-groupes montrent les effets les plus notables chez les patients sous immunosuppresseurs. Il n'est pas exclu « que les immunosuppresseurs aient favorisé la colonisation par T. suis ».
L'effet a pu passer par une limitation de l'inflammation du type Th1, une augmentation de la production des interleukines IL4, IL10 et IL13, de la prostaglandine E2. Un mécanisme différent de celui des anti-inflammatoires classiques.
A côté de cela, il n'y eut pas de signes indicateurs d'une pathogénicité par l'ingestion des oeufs. Les patients n'ont pas éprouvé de nouveaux symptômes, tels que nausées, vomissements, douleurs abdominales ou aggravation de la diarrhée.
Les auteurs n'oublient pas pour autant que l'étude est réalisée en ouvert et que l'on ne peut exclure un effet placebo important.
R.W. Summers et coll. « Gut », 2005 ; 54 : 87-90. L'étude a été présentée à la Digestive Disease Week de 2004.
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