LA SANTE EN LIBRAIRIE
C 'EST que la chirurgie plastique et esthétique, comme le souligne d'emblée le Dr Crestinu, a, d'une part, des « limites qui tiennent à la réalité de la physionomie, de la morphologie et de la physiologie », d'autre part, « des questions à se poser, une éthique à consolider ». Limites, questions et éthique vont donc faire l'objet de la première partie du livre du chirurgien, la seconde, nettement plus longue, s'occupant de l'intérieur des limites, autrement dit, des techniques proprement dites.
Il fallait donc évoquer, pour en souligner les risques, le narcissisme et le jeunisme ambiants, la tendance actuelle à la confusion entre être et paraître, les aléas de la rencontre entre un médecin-démiurge et une personne en désarroi, l'attirance du public pour la médecine spectacle et celle des charlatans pour l'argent... Il fallait encore montrer combien il est difficile de définir la beauté, concept philosophique avant que d'être une valeur éminemment relative, d'une époque à une autre, d'un lieu à un autre.
L'indication avant tout
Après avoir ainsi accompli le premier devoir du chirurgien esthéticien et plasticien, c'est-à-dire averti le patient de « la bonne distance » qu'il convient d'établir « vis-à-vis de lui-même, des discours et des modes », le Dr Crestinu peut entrer dans le concret de sa discipline. Il est alors question de cette première consultation, au cours de laquelle sera parfois refusée, parfois remise, plus souvent posée, l'indication opératoire, en fonction de la demande du patient, certes, mais d'une demande précisée, analysée, appréciée à la lumière des compétences techniques et humaines qui doivent être celles du chirurgien plasticien esthéticien. Car « les seuls échecs d'un bon chirurgien sont des échecs d'indication ».
Tout aussi importante est l'information qui doit être dispensée au patient dès cette première consultation et qui concerne les « suites », « mais aussi (les) corrections et (les) complications possibles ». La transparence semble devoir être le maître mot du chirurgien plasticien esthéticien reconnu par l'Ordre des médecins (un peu plus d'un sur dix prétendus) et « digne de ce nom ». Rien ne doit être celé, des qualifications du chirurgien, de ses compétences réelles dans les différents secteurs de sa discipline, du mode d'anesthésie, du déroulement de l'intervention, des soins postopératoires, des aléas de la cicatrisation, pas plus que des modalités financières, plus souvent à la charge du patient qu'à celle de la solidarité nationale.
Aider à mieux vivre sa vie
Il est alors temps de s'embarquer dans ce qui n'est plus une aventure, les précautions indispensables ayant été prises, une intervention qui doit aider « à mieux vivre sa vie ». « Du bout du nez au bout des seins », le chirurgien est bien à son affaire, lorsqu'il décrit nez, mentons, oreilles, lèvres, paupières ou visages à refaire, lorsqu'il cherche le bon volume de seins, de ventres ou de cuisses, lorsqu'il jongle avec les cartilages et les lambeaux de peau, lorsqu'il rogne ou déplace un peu d'os, lorsqu'il prend tout le soin possible des cicatrices, inévitables et jamais complètement prévisibles. Son langage est parfois un peu difficile à suivre pour qui n'a pas suivi de cours d'anatomie, mais il est très clair en ce qui concerne les complications et les ratés dont aucun type de correction n'est exempt. Heureusement, les rattrapages sont possibles dans la majorité des cas et constituent même une part importante du travail des chirurgiens plasticiens esthéticiens. Les inévitables photos avant-après en font foi, avec quelques nez nettement manqués dans un premier temps.
Le Dr Pierre Nahon, comme le Dr Crestinu, est avide de transparence, mais il veut plus encore : il veut la Vérité et ne saurait donc trop approuver les nouvelles exigences des magistrats français en matière d'information des patients de cette spécialité. Le chirurgien balaie en deux pages idées fausses et doutes, affirmant tout particulièrement qu' « une séparation nette est désormais possible entre les risques thérapeutiques communs à toute intervention chirurgicale et les risques liés à la compétence dont dépend le résultat proprement dit, variable d'un praticien à l'autre ».
Un accord de reconnaissance mutuelle
Il lui reste alors à présenter cet « Accord de reconnaissance mutuelle » que lui-même avait proposé dès 1996 et dont au moins une partie est désormais exigible pour les interventions de chirurgie esthétique « dont le montant estimé est égal ou supérieur à 305 e ou qui se pratiquent sous anesthésie générale ». Cette limite d'obligation ne plaît d'ailleurs pas outre mesure au chirurgien, qui la trouve arbitraire d'une part, péjorative d'autre part, dans la mesure où « elle semble faire de l'acte de chirurgie esthétique une seule affaire d'argent ». De même, il regrette que ne soit pas exigée actuellement une « information écrite sur l'intervention ou sur la définition d'un résultat ».
Aussi a-t-il rédigé à l'intention de ses lecteurs des accords de reconnaissance mutuelle applicables aux grands types d'actes de chirurgie esthétique extrêmement complets. On y trouve non seulement les coordonnées du chirurgien et de la structure où il opère, mais aussi ses qualifications, son assurance professionnelle. Le motif de la consultation précède le nom de l'intervention et sa description, des précisions sur l'anesthésie, l'hospitalisation et les suites opératoires. Mais, surtout, sont nettement explicités, d'une part, les risques thérapeutiques généraux, imprévisibles, d'autre part, les risques liés à la compétence du chirurgien, dont la liste est beaucoup plus longue et les conséquences souvent plus graves selon l'auteur ; que le chirurgien qui se sent compétent puisse raccourcir cette liste n'est pas totalement rassurant.
Enfin, c'est en toutes lettres qu'est exprimé le « résultat final à obtenir », car, pour l'auteur, le résultat étant réellement et précisément prévisible, il est logique qu'il devienne obligatoire.
Si clairs, si compétents et si assurés que soient les chirurgiens plasticiens esthéticiens, il paraît bien difficile de lever toutes les ambiguïtés d'une spécialité aussi délicate, qui, en modifiant un visage, « transforme une vie » ; qui côtoie, parfois de trop près semblent dire les deux auteurs, certains travers de nos sociétés et désordres psychologiques de nos contemporains ; qui peut entraîner des anomalies et des pathologies chez des bien-portants qui demandent un mieux... Certes, ces anomalies et ces pathologies se font de plus en plus rares au fur et à mesure que la compétence progresse. Puissent tous les chirurgiens esthéticiens plasticiens suivre Paul Tessier, maître de Jacques Crestinu et grand réparateur de visages, qui a su appliquer autant que transmettre à ses élèves le principe selon lequel on ne fait « que ce que l'on connaît à la perfection ».
« Du bout du nez au bout des seins », Dr Jacques Crestinu, Editions Résidence (42, rue Grégoire-de-Tours, 75006 Paris), 176 pages, 140 F (21,34 e).
« La Vérité en chirurgie esthétique », Dr Pierre Nahon, LCCI (5, square de l'Avenue-du-Bois, 75116 Paris),98 pages, 61 F (9,30 e).
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