De notre correspondantE
«LA NOUVEAUTÉ de ce travail est que, pour la première fois, nous avons été capables de créer un tissu qui possède une force mécanique très élevée sans inclure aucun matériau synthétique», explique au « Quotidien » le Dr Nicolas L’Heureux, qui a dirigé cette recherche au sein de la compagnie californienne Cytograft Tissue Engineering (Novato, Californie).
«Le tissu résultant –dans le cas présent, un vaisseau sanguin, mais la technique pourrait être utilisée pour d’autres applications– est vivant et complètement biologique et autologue. Cette technique, appelée ingénierie tissulaire à base de feuillet, devrait éviter toute réaction envers un corps étranger ou rejet puisqu’elle peut être mise en oeuvre avec les cellules du patient. En fait, l’un des principaux résultats de cette étude est de montrer que nous pouvons produire ces tissus solides en utilisant des cellules humaines appariées pour l’âge et le risque.»
«En effet, des travaux récents publiés dans des revues scientifiques majeures par le groupe de Niklason (McKee et coll. Human Arteries Engineered in vitro, “Embo”, 2003 ; Poh et coll. Blood Vessels Engineered from Human Cells, “Lancet”, 2005) n’ont pas pu être reproduits en utilisant les cellules humaines, et encore moins en utilisant des cellules adultes. »
Depuis l’émergence de l’ingénierie tissulaire, en 1980, de nombreuses applications ont été mises au point. Cette méthode ouvre la perspective de créer in vitro un vaisseau sanguin autologue qui peut être utilisé pour la chirurgie de revascularisation artérielle de petit calibre. Ce qui vient combler un besoin fondamental, car les vaisseaux sanguins synthétiques, allogéniques ou xénogéniques ont une efficacité limitée par divers problèmes – thrombose, rejet, inflammation chronique et propriétés mécaniques médiocres.
Pontage chez l’animal.
L’Heureux et coll. décrivent, dans la revue « Nature Medicine », la construction, par ingénierie tissulaire, de vaisseaux sanguins humains qui ont pu servir de greffons de pontage artériel pendant une période prolongée dans les modèles animaux (chien, rat et singe).
Des fibroblastes ont été extraits des biopsies cutanées pratiquées chez six patients affectés d’une maladie cardio-vasculaire avancée. Ils ont été cultivés de façon à former des feuillets, puis ces feuillets sont enveloppés autour d’un tube qui est ensuite retiré, afin de prendre la forme d’un tissu cylindrique homogène. Les vaisseaux sanguins qui résultent de ce travail ont les mêmes propriétés mécaniques que les vaisseaux sanguins humains et sont antithrombogéniques et mécaniquement stables pendant huit mois in vivo chez l’animal.
Essai clinique en cours pour un shunt artério-veineux.
«Nous avons commencé notre première étude clinique en Argentine en application du shunt artério-veineux. Nous avons enrôlé jusqu’ici neuf patients et implanté des vaisseaux chez deux d’entre eux. Notre plus vieil implant en est maintenant à neuf mois et demi, sans aucune intervention ultérieure (et a été utilisé comme greffon d’accès) trois fois par semaine. »
«Nous élargissons cet essai clinique et commençons de nouveaux essais pour des greffons vasculaires périphériques (membres inférieurs) et le pontage aorto-coronarien», déclare au « Quotidien » le Dr L’Heureux.
L’Heureux et coll., « Nature Medicine », 19 février 2006.
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