CLAUDIE est une jeune femme de 28 ans atteinte de mucoviscidose, qui vit seule dans le Sud-Ouest ; elle a bénéficié en 1997 d’une greffe bipulmonaire qui, après avoir nettement amélioré son état, a occasionné, en raison des traitements antirejet, des lésions rénales rendant aujourd’hui nécessaire une greffe de rein. Or, s’insurge Elisabeth Dabe, assistante sociale à l’association Vaincre la mucoviscidose (VLM), «elle ne dispose pour seule ressource que de son allocation adulte handicapé (AAH) , soit 765euros. Une fois réglé le solde de son loyer, compte tenu de l’aide au logement qu’elle perçoit, soit 160euros, elle n’est pas en mesure de payer les quatre heures hebdomadaires d’aide-ménagère qui lui sont indispensables, à cause de son état de santé actuel, qui s’est nettement dégradé. Reconnaissant sa situation matérielle plus que délicate, la caisse primaire d’assurance-maladie a finalement accepté de verser pendant six mois une participation sur la base horaire de 11,68euros, alors que l’aide-ménagère revient à 20,39euros de l’heure».
Cette allocation est qualifiée d’« extralégale ». C’est-à-dire que la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (loi du 11 février 2005) a beau avoir instauré la prestation de compensation du handicap, qui finance des aides humaines à domicile (sur la base de 130 à 145 % du salaire horaire brut de la personne embauchée), cette aide est soumise, entre autres, à «un besoin d’aide humaine pour assurer les actes essentiels de l’existence».
«C’est là que le bât blesse, constate le Dr Sophie Ravilly, directrice médicale de VLM. Comme si, tant qu’une personne était capable de se lever, de faire sa toilette et de s’habiller, les organismes sociaux étaient dispensés de lui fournir une aide à domicile.»
Cette aide, s’agissant de patients en butte à des asthénies sévères, est cependant d’autant plus indispensable que l’ «on est en présence d’une pathologie pour laquelle les risques d’infection requièrent une hygiène particulièrement drastique», souligne Sara McFee, directrice du département qualité de vie à VLM.
Le combat contre la maladie et contre l’administration.
Certes, tous les patients n’en sont pas redevables. Il existe une grande diversité de situations. Mais le cas de Claudie n’est pas isolé. Il est caractéristique de beaucoup de patients greffés, comme Françoise, également âgée de 28 ans, recordwoman des greffes : coeur-poumon, poumon, rein, coeur et encore rein. « Elle vit au jour le jour avec ses fragilités, mais, à la voir, constate Elisabeth Dabe, elle semble plutôt en bonne santé, elle a de l’énergie à revendre. Alors, en plus de son combat contre la maladie, il lui faut se dépenser sans relâche contre l’administration pour bénéficier d’une aide-ménagère qui devrait lui être octroyée d’office.»
Ce hiatus entre les dispositions de la loi et les difficultés rencontrées par les malades n’est pas le seul. Nombre de contentieux sont aussi engagés au sujet de la fixation des taux d’incapacité, en dépit du fait que la mucoviscidose est bien repérée par le guide-barème de l’incapacité. Des patients dont le taux ne passe pas la barre décisive des 80 % sont exposés à des démarches compliquées pour faire valoir leurs droits auprès des caisses.
Mais même quand leur dossier semble dépourvu de toute zone d’ombre, les malades pâtissent des règles arithmétiques de l’administration : remboursement à 100 % de toutes les prestations médicales, paramédicales et pharmaceutiques directement liées à la maladie ne signifie pas prise en charge intégrale.
«La mucoviscidose est une pathologie coûteuse par elle-même, observe le Dr Ravilly, avec des antibiothérapies intraveineuses très chères et de nouvelles molécules qui flambent financièrement. Leur remboursement ne pose pas de problème. Mais la liste des manquements aux 100% est longue: alors que les appareils d’aérosol sont source de contaminations redoutables, ni la désinfection des nébuliseurs ni les aérosols à usage unique ne sont pris intégralement en charge; alors que l’apport permanent de vitaminesA, D etE est indispensable, les polyvitamines et même certaines monovitamines ne sont pas remboursées à 100%. Même carence pour les sels minéraux et les oligoéléments (sélénium, zinc, fer, sérum physiologique) , qui sont pourtant nécessaires, en particulier l’été, avec les phénomènes de sudation; toutes sortes de matériels n’ouvrent pas droit aux 100%, crachoirs, aiguilles et seringues utilisées pour la préparation des aérosols, matériels de spirométrie incitative, ainsi que bien des analyses (ostéodensitométrie, si elle n’est pas effectuée dans un hôpital de jour, dosages des vitamines, de la tobramycine, de l’itraconazole...) .»
Les pertes irréversibles d’acuité auditive, ainsi que les problèmes dentaires qui peuvent être occasionnés par des administrations répétées et prolongées de certains antibiotiques, échappent encore au régime des ALD. Sans parler des pilules contraceptives spécifiques en cas de traitements immunosuppresseurs, des frais d’épilation (contre l’hirsutisme secondaire lié aux mêmes immunosuppresseurs).
Tous ces postes s’ajoutent et finissent par peser lourd dans le panier de soins des patients, avec des disparités importantes selon les cas.
La vie quotidienne de ces malades et de leur entourage est grevée par des surcoûts aussi importants que constants : apports caloriques de 120 à 130 % supérieurs à la moyenne, pour faire face aux dysfonctionnements pancréatiques ; combat incessant contre le risque infectieux, gros consommateur de solutions hydro-alcooliques, chlorées, de lingettes, etc.
Et quand doit être effectuée une greffe, c’est souvent loin du domicile, avec, pour les familles, des frais de déplacement et/ou d’hébergement qu’ignorent les organismes sociaux.
Au final, le surcoût supporté par les patients s’envole. Les associations ont alerté la Haute Autorité de santé. Celle-ci doit les recevoir dans une dizaine de jours, avant de statuer en septembre sur les modalités d’une prise en charge améliorée.
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