« UN POINT DE REPÈRE : la définition d’une miction normale. Une miction normale correspond à une vidange complète de la vessie en moins de 30 secondes. Elle est non douloureuse, volontaire, diurne, survient moins de sept fois par jour et permet d’éliminer 1,5 à 2 litres d’urine par jour » rappelle le Dr Vincent Misraï. Ce processus physiologique est perturbé lors d’une hypertrophie bénigne de la prostate dont l’augmentation de volume est liée au développement d’une tumeur bénigne (HBP) qui touche à la fois les tissus glandulaires, musculaires et conjonctifs de cet organe.
Les symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) correspondent à trois phases. La première est la phase de remplissage marquée par une nycturie, une pollakiurie, une impériosité, une incontinence par impériosité. La deuxième est la phase mictionnelle qui se traduit par une difficulté à initier la miction, une diminution de la force du jet, une interruption du jet et la nécessité de pousser La troisième est la phase post mictionnelle avec ses problèmes de gouttes retardataires et l’impression de vidange incomplète. « Les symptômes de la phase de remplissage sont les plus fréquents et les plus gênants. Cela étant, ils ne sont pas toujours liés à une HBP, d’où l’intérêt de faire remplir le calendrier mictionnel édité par l’AFU et disponible sur le site www.urofrance.org »,précise le Dr Benoît Bordier.
Calendrier mictionnel.
Pendant trois jours consécutifs, le patient doit noter l’heure de la miction et le volume d’urine à l’aide d’un verre doseur. On peut ainsi attribuer la pollakiurie (plus de huit mictions par jour) à une hyperactivité vésicale si elle est associée à des impériosités et des volumes d’urine faibles (80-200 ml).
Une nycturie est rattachée à une polyurie nocturne si le patient a plus de 2 mictions par nuit à volume normal (300 ml). Les étiologies de la polyurie nocturne sont diverses : une origine alimentaire liée à l’excès de boissons le soir, une fonte des œdèmes orthostatiques accumulés la journée (insuffisance cardiaque, insuffisance veineuse…), le vieillissement (perte du pouvoir de concentration des urines/du cycle nycthéméral de l’ADH (diabète insipide) et le syndrome d’apnées du sommeil.
L’interrogatoire, comme l’examen physique, élimineront une cause neurologique sous-jacente. Selon une étude française (2) conduite en médecine générale, portant sur 1 698 généralistes, et un total de 33 077 patients âgés de 50-70 ans, 87,4 % des médecins font un examen clinique avec toucher rectal (TR). Ce geste est recommandé par toutes les sociétés savantes et par la Haute Autorité de santé. « Mis à part le cas où la prostate se développe dans la vessie, le TR estime le volume prostatique, dépiste un cancer de la prostate et, argument peu souvent évoqué, il élimine un fécalome, première cause de rétention aiguë d’urine chez le sujet âgé »,détaille le Dr Julien Guillotreau. Du côté du patient, le ressenti initial du TR est souvent négatif, mais il est finalement bien vécu après examen : de 90 à 98,5 % d’entre eux accepteraient à nouveau de s’y soumettre et 97 % le recommanderaient à un ami ! (3-4). L’échographie transrectale permet de mesurer plus précisément le volume prostatique et de montrer l’hypertrophie d’un lobe médian.
Évaluer les répercussions de l’obstruction.
On utilise un score de symptômes, l’International Prostate Symptom Score (IPSS), pour quantifier la gêne du patient. Cette échelle est associée à un item évaluant la qualité de vie liée aux dysfonctionnements urinaires. Le bilan complémentaire préconisé par la HAS (5) est de vérifier la stérilité des urines par bandelette urinaire. Un ECBU est demandé en cas de signe évocateur ou d’antécédent d’infection urinaire.
Les autres examens : créatinémie, dosage du PSA débitmétrie urinaire, échographie transrectale ou abdominale, bilan urodynamique ne sont pas proposés à titre systématique mais en fonction du contexte.
Un suivi régulier des patients est indispensable. L’abstention thérapeutique est la règle si le patient ne se plaint pas de gêne même si le volume de la prostate est important. Dans les autres cas, un traitement médical est institué. Les alpha-bloquants, les inhibiteurs de 5-alpha réductase et la phytothérapie sont indiqués en première intention, ce dernier ayant l’avantage d’un très bon profil de tolérance. Le traitement chirurgical est requis en cas d’échec du traitement médical (difficultés mictionnelles invalidantes) ou de complications : rétention aiguë d’urine, insuffisance rénale, lithiase vésicale, rétention chronique d’urine avec mictions par regorgement et en présence de diverticules vésicaux symptomatiques.
« Les recommandations actuelles seront peut-être modifiées dans le futur afin de prendre en compte des données physiopathologiques. L’obstruction urinaire provoquée par l’HBP est à l’origine d’altérations vésicales irréversibles et/ou évolutives pour leur propre compte même après suppression de l’obstacle. Faut-il traiter médicalement plus tôt pour les prévenir ? Faut-il anticiper le geste opératoire ? Le débat ne fait que commencer »,concluent ces trois spécialistes !
› Dr MARIE-LAURE DIEGO-BOISSONNET
(1) Urologues, Clinique Pasteur, Toulouse
(2) Costa P et al. Prog Urol 2004 ; 14 : 33-9
(3) Romero FR et al. Arch Esp Urol 2008 ; 61 : 850-4
(4) Furlan AB et al. Int Braz J Urol 2008 ; 34 : 572-5
(5) HAS mars 2003 : recommandations sur la prise en charge diagnostique et thérapeutique de l’hypertrophie bénigne de la prostate
Réunion organisée avec le soutien institutionnel des Laboratoires Abbott
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