Si une transmission inter-humaine du virus aviaire H7N7 avait été suspectée lors de l'épidémie survenue en 2003 aux Pays-Bas, des virologues apportent dans un article du « Lancet » la certitude du passage de l'agent infectieux d'homme à homme.
A LA FIN du mois de février 2003, une épidémie d'infection par le virus Influenza A H7N7 a été détecté aux Pays-Bas dans une région d'intense élevage de volailles, le Gelderland. Les prélèvements vétérinaires ont montré dans un premier temps une infection limitée à 6 élevages, mais le virus s'est rapidement répandu à plus de 255 fermes, rapportent Marion Koopmans (Bilthoven, Pays-Bas) et coll. En réponse à cet état de fait, le ministre de l'agriculture du pays a ordonné l'abattage de 30 millions de poulets (soit 28 % de la population totale des volailles hollandaises) en moins d'une semaine. Dès l'annonce de cette épidémie animale, l'ensemble des personnes travaillant dans les élevages, les abattoirs et le transport de poulets a été sensibilisé aux mesures d'hygiène. Il leur a été demandé de rapporter de façon systématique l'ensemble des signes cliniques pouvant être en rapport avec un passage du virus à l'homme.
Au total, 453 personnes sur les 4 500 sujets en contact (soit 12,3 %) avec des volailles dans la région concernée, se sont plaintes de différents symptômes. Il s'agissait d'une conjonctivite chez 349 d'entre eux, de syndrome pseudogrippal pour 90 autres, enfin, 67 sujets se sont plaints de symptomatologies diverses (myalgies isolées, rhinorrhée, céphalées...).
Des tests virologiques et sérologiques.
En moyenne, les malades étaient âgés de 30,4 ans. Des tests virologiques directs et sérologiques ont été pratiqués chez tous ces sujets et les chercheurs ont détecté un virus H7N7 au sein des prélèvements conjonctivaux de 78 des patients atteints de conjonctivite (soit 26,4 %), chez 5 des personnes atteintes conjointement de syndromes pseudogrippaux et de conjonctivite (soit 9,4 % de ces sujets), chez 2 malades présentant exclusivement des syndromes pseudogrippaux (5,4 %), enfin chez 4 personnes atteintes de symptômes divers (soit 6 % des sujets atteints). La plupart des prélèvements qui se sont révélés positifs avaient été effectués dans les cinq premiers jours d'apparition de la maladie.
Les autorités sanitaires avaient aussi demandé que tous les sujets au contact des 83 personnes chez qui l'infection par le virus H7N7 avait été prouvée et qui présentaient une conjonctivite ou un syndrome pseudogrippal soient répertoriés et testés. Au total, 70 des sujets contacts se sont plaints de conjonctivite, 13 de syndrome pseudogrippal et 14 d'autres signes cliniques. Les prélèvements bactériologiques n'ont permis de retrouver effectivement un virus H7N7 transmis d'homme à homme que chez 3 sujets : une jeune fille de 13 ans et sa mère qui toutes deux souffraient de conjonctivite et le père d'une jeune homme qui travaillait dans un élevage qui a présenté, lui aussi, une atteinte oculaire. Ces trois personnes n'avaient pas été en contact, ni de près ni de loin, avec des élevages infectés et le seul lien qui pouvait exister entre elles et le virus H7N7 passait par une tierce personne infectée.
Enfin, un vétérinaire de 44 ans sans antécédent particulier est mort d'une insuffisance respiratoire aiguë dans les suites de l'infection par le virus H7N7 et les 19 personnes de son entourage ont bénéficié de tests virologiques et bactériologiques qui se sont tous révélés négatifs.
Un traitement par oseltamivir.
Afin de limiter les risques de mélange de gènes entre virus aviaire et de la grippe humaine, l'ensemble des travailleurs en contact avec la volaille a été vacciné contre les virus humains circulants de l'année à partir du 14 mars 2003. A cette date, un traitement par oseltamivir a par ailleurs été mis en place de façon curative chez les personnes présentant une conjonctivite et, à titre préventif, chez tous les sujets en contact avec des animaux infectés (durant tout le temps de contact et pendant 48 heures après l'arrêt du contact). Néanmoins, pour le Dr Marion Koopmans, « la place de l'oseltamivir en prophylaxie reste encore difficile à estimer de façon précise dans l'état actuel des données ». L'auteur recense les arguments allant à l'encontre d'une utilisation massive de cette molécule à titre prophylactique : arguments éthiques, prescription de masse d'une molécule dont les effets secondaires n'ont pas été totalement appréhendés chez des sujets sains, développement éventuel de résistances, implication des mesures individuelles de protection dans la gestion d'une épidémie pouvant atteindre la population générale et degré de non-adhérence des personnes exposées.
Dans un éditorial, le Dr Maria Zambon (Londres) explique que « dans le contexte actuel d'épidémie de grippe aviaire H5N1, l'existence d'une contamination inter-humaine par un autre virus aviaire H7N7, moins pathogène, donne un argument aux plus pessimistes qui prédisent une pandémie dans les mois à venir ».
« The Lancet » vol. 363, pp. 587-593, 21 février 2004.
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