PLUSIEURS catégories d’anomalies moléculaires spécifiques ont été mises en évidence dans les cellules néoplasiques. Certaines sont responsables de la transformation maligne ; d’autres, plus tardives, contribuent à la progression tumorale ; enfin, certaines cibles sont exprimées sans rôle direct dans la carcinogenèse.
Des thérapeutiques ciblées sur ces anomalies ont été développées. Certaines, comme l’hormonothérapie du cancer du sein ou de la prostate, sont anciennes. Les thérapeutiques récentes ciblées sur les anomalies moléculaires causales concernent, par exemple, les leucémies myéloïdes chroniques et les tumeurs stromales gastro-intestinales ou Gist, pour Gastro-Intestinal Stromal Tumor. L’exemple des Gist est démonstratif. En effet, il est actuellement admis que ces tumeurs rares prennent leur origine dans les cellules de Cajal, qui contrôlent la motilité intestinale. Les cellules tumorales qui composent les Gist sont caractérisées par des mutations précoces, probablement causales du processus néoplasique, du proto-oncogène c-KIT qui code pour la protéine c-kit. Ces mutations se traduisent par l’expression d’un marqueur, CD34, et d’une protéine, Kit, un récepteur ayant une activité tyrosine kinase. Son ligand naturel est un facteur de croissance, le Stem Cell factor (SCF). L’exérèse chirurgicale constituait le meilleur traitement des Gist localisées, la radiothérapie étant inapplicable en raison de sa toxicité sur les organes de voisinage. Des molécules susceptibles de bloquer cette activité tyrosine kinase, comme l’imatinib (Glivec), ont été mises au point. Les résultats des essais cliniques montrent que la survie à un an, qui était de 35 %, atteint 90 % sous imatinib. Les Gist constituent ainsi un modèle d’oncologie clinique au cours duquel une anomalie moléculaire causale peut être traitée par une thérapeutique ciblée.
D’autres thérapeutiques sont ciblées sur des anomalies moléculaires tardives qui ont volontiers une valeur pronostique. C’est, par exemple, le cas des amplifications du gène Erb-B2 du cancer du sein. Lorsque le trastuzumab est employé seul dans le cancer du sein comportant une amplification du gène Erb-B2, le taux de réponse est modeste, de l’ordre de 10 %. Lorsqu’il est employé en combinaison avec des anticancéreux, comme le paclitaxel ou le docétaxel, il augmente significativement le taux de réponse de la molécule à laquelle il est associé, la survie sans progression et la survie globale. Mais, surtout, lorsqu’il est utilisé comme thérapeutique adjuvante, après traitement local et général, il réduit de moitié le risque de décès et de rechute. D’autres agents comme l’erlotinib, pour le cancer avancé du poumon non à petites cellules, entrent dans cette catégorie des inhibiteurs de facteurs de croissance épithéliaux (HER1 ou EGFR).
Lutter contre la néovascularisation tumorale.
Les traitements antiangiogéniques constituent un autre exemple de thérapeutique ciblée sur des événements moléculaires tardifs. La néovascularisation tumorale est sous la dépendance de facteurs de croissance comme le Vascular Endothelial Growth Factor (Vegf) contre lequel le bevacizumab a fait la preuve de son efficacité dans des études très récentes.
Certaines thérapeutiques ont enfin pour cible des anomalies moléculaires qui ne jouent pas de rôle direct dans la transformation néoplasique. L’immunothérapie adoptive par le rituximab, un anticorps anti-CD20, en combinaison avec une chimiothérapie par CHOP, a par exemple permis d’améliorer significativement la survie des patients atteints d’un lymphome B à grandes cellules. La cytotoxicité dépendante des anticorps joue dans ce cas un rôle.
Les thérapeutiques ciblées contre des anomalies moléculaires jouant un rôle dans l’oncogenèse constituent un nouveau concept, déjà utilisé en routine, et en passe de transformer la survie pour un grand nombre de patients.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Yves Blay, Inserm U590, centre Léon-Bérard, hôpital Edouard-Herriot, et réseau d’excellence CONTCANET, Lyon.
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