Comme l'explique le Dr Laurent Kedziora, l'époque où le cancer du poumon était simplement défini comme « à petites » ou « non à petites cellules » sera bientôt révolue. En effet, on essaie aujourd'hui d'affiner le diagnostic tumoral, car certains marqueurs ont une valeur pronostique à prendre en compte dans la prise en charge. Ainsi, les tumeurs qui surexpriment les récepteurs de l'EGF (Epidermal Growth Factor) ont un meilleur pronostic. Parallèlement, des facteurs génétiques propres au patient, également susceptibles de modifier le pronostic et le traitement, ont été identifiés. On a ainsi constaté un polymorphisme des gènes codant pour certaines enzymes de réparation de l'ADN et la présence de variants génotypiques de ces enzymes de réparation de l'ADN (XPD et XRCC1 notamment) entraîne une moindre réponse aux sels de platine. Les patients porteurs de ces variants devraient peut-être, si ces données sont confirmées, recevoir, en première ligne, un traitement ne comprenant pas de sel de platine, mais plutôt une association taxane-gemcitabine ou vinorelbine-gemcitabine, par exemple. Rappelons à ce propos que les taxanes ne sont, à l'heure actuelle, préconisés qu'en seconde ligne, alors que les sels de platine restent la pierre angulaire du traitement du cancer bronchique. Néanmoins, plusieurs études tendent à montrer l'efficacité des taxanes en première ligne de chimiothérapie dans les stades localement évolués avec un taux de réponse légèrement supérieur à celui de médicaments plus anciens.
Sur le plan thérapeutique, plusieurs présentations ont été aussi consacrées à la prise en charge des patients atteints d'un cancer très avancé. Les données sont aujourd'hui convergentes : il apparaît de plus en plus clairement que les traitements intensifs n'apportent aucun bénéfice statistiquement significatif sur la survie. Autrement dit, dans ces cas très évolués et en cas de mauvaise réponse au traitement de première ligne, les chimiothérapies puissantes n'ont pas d'intérêt et ont, en revanche, des effets secondaires lourds pour le patient. La tendance actuelle est donc de proposer une monochimiothérapie en deuxième ligne.
Six cures,deux anticancéreux
En ce qui concerne les traitements de première ligne, l'objectif est bien sûr de réduire leur toxicité sans diminuer leur efficacité. Les différents protocoles ont été évalués pour définir le nombre de cures optimal ainsi que le nombre de médicaments à associer. Plusieurs études récentes ont ainsi montré que le traitement de première ligne devrait compter six cures et associer deux anticancéreux. En cas d'échappement ou de rechute, outre le principe d'une monochimiothérapie, il est maintenant acquis que la survie est équivalente pour les protocoles de trois ou quatre cures et pour ceux comportant six cures.
Mais sur le plan thérapeutique, la grande avancée viendra sans doute dans les prochaines années des approches ciblées. Il s'agit de nouveaux traitements élaborés à partir des caractéristiques biochimiques et moléculaires des cellules tumorales afin de bloquer leur croissance de façon ciblée et spécifique. A l'heure actuelle, ils sont évalués en complément de la chimiothérapie, voire en monothérapie versus chimiothérapie classique. Les résultats sont surprenants et tendent à montrer une efficacité similaire en terme de survie en seconde ligne dans les cancers avancés.
Des études sur des anticorps monoclonaux anti-EGF sont d'ores et déjà très avancées (phase III). Ces récepteurs sont impliqués dans la croissance tumorale. L'anticorps, soit bloque directement le récepteur de l'EGF, soit inhibe l'une de ses enzymes. Les essais en cours portent sur des cancers très évolués. Ces anticorps pourraient, en association à la chimiothérapie, améliorer la qualité de vie des patients et augmenter la survie sans que l'on ose encore parler, à l'heure actuelle, de « chroniciser » la maladie, comme dans le cancer du sein par exemple.
D'autres anticorps monoclonaux, dirigés contre certaines enzymes ou certaines séquences géniques des cellules tumorales, sont également à l'étude. Un médicament de cette famille est déjà disponible mais seulement en troisième ligne de traitement dans le cancer bronchique ; il s'agit du gefinitib (Iressa), qui inhibe la tyrosine kinase du récepteur de l'EGF, le rendant ainsi inefficace. Dans le mésothéliome, un antifolate, le pemetrexed (Alimta), a reçu une autorisation de mise sur le marché aux Etats-Unis. Ce médicament, en association avec le cisplatine, augmente la survie de quelques semaines et, surtout, il améliore la qualité de vie des patients (d'après Vogelzand et coll.).
Citons aussi les molécules antiangiogéniques, qui s'opposent à la néovascularisation nécessaire à la survie et à la prolifération de cellules tumorales. Des essais sont en cours avec des inhibiteurs du VEGF (Vascular Endothelium Growth Factor), tel que le bevacizumad.
Enfin, il ne faut pas oublier la thérapie génique. Le gène « réparé » est incorporé dans le génome d'un adénovirus et introduit par lavage broncho-alvéolaire. Les premiers résultats sont encourageants.
L'ensemble de ces progrès vise, en mieux caractérisant à la fois le patient et la tumeur, à proposer des traitements mieux individualisés, plus spécifiques et plus ciblés afin d'augmenter leur efficacité et de réduire leur toxicité.
D'après un entretien avec le Dr Laurent Kedziora, service de pneumologie, hôpital de Denain.
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