UNE ÉQUIPE de chercheurs de l'université de Floride a mis au point une espèce de tomate enrichie en folates (vitamine B9) : un seul de ces fruits génétiquement modifiés contient suffisamment de tétrahydrofolate pour combler 100 % des besoins quotidiens humains en cette substance essentielle au bon fonctionnement de l'organisme.
Le tétrahydrofolate et ses dérivés interviennent dans le transfert des groupes monocarbonés lors de la synthèse des bases puriques, d'une base pyrimidique et de la désoxythymidine. Ils sont nécessaires à la synthèse des acides nucléiques et de certains acides aminés.
Les plantes et les micro-organismes produisent naturellement la quantité d'acide folique dont ils ont besoin, mais l'organisme humain n'est pas capable de réaliser cette synthèse. C'est donc au travers de notre alimentation, en particulier au travers de notre consommation de produits végétaux, que nous approvisionnons quotidiennement notre organisme en vitamine B9. Dans les pays développés, l'adoption d'un régime alimentaire équilibré et varié suffit à combler les besoins humains en folates. Mais, dans les pays en développement, il est estimé que les carences alimentaires en vitamine B9 sont à l'origine de millions de cas d'anémie et d'au moins 200 000 naissances par an d'enfants handicapés (spina bifida et autres malformations congénitales). La disponibilité d'aliments particulièrement riches en folates pourrait permettre de réduire la fréquence de ces naissances.
C'est pourquoi Diaz de la Garcia et coll. ont décidé de générer des plantes comestibles synthétisant de très importantes quantités d'acide folique.
La molécule de folates est composée de trois parties : un noyau ptérine, un acide para-aminobenzoïque (Paba) et une ou plusieurs molécules d'acide glutamique. Ces trois composantes sont synthétisées séparément dans différents compartiments des cellules végétales, puis assemblées pour former des molécules d'acide folique.
Le pool de Paba disponible.
En 2004, Diaz de la Garcia et coll. ont construit des souches de tomate génétiquement modifiées pour surexprimer une enzyme impliquée dans la synthèse de la ptérine. Les fruits ainsi obtenus contiennent davantage de folates que des fruits non modifiés, mais pas assez pour présenter un véritable intérêt nutritionnel. Dans ces tomates, la production de vitamine B9 s'est révélée être limitée par la quantité de Paba présente dans les cellules. L'équipe américaine a donc décidé de poursuivre ce travail en modifiant un deuxième locus du génome de la tomate afin d'accroître le pool de Paba disponible pour la synthèse de folates.
Diaz de la Garcia et coll. ont introduit dans le génome de la tomate un fragment d'ADN conduisant à la surexpression de l'amino- déoxychorismate synthase, une des enzymes nécessaires à la conversion du chorismate en Paba. Les plantes obtenues ont été croisées avec celles sursynthétisant la ptérine, et le contenu en folates des fruits des doubles mutants a été analysé.
Il est apparu que les plantes génétiquement modifiées pour produire plus de ptérine et de Paba donnent des fruits mûrs qui contiennent jusqu'à vingt-cinq fois plus de folates que des tomates sauvages, soit 25 nmol/g de matière fraîche. Si les tomates sont cueillies vertes, puis conduites à maturation par exposition à de l'éthylène (procédé couramment utilisé par l'industrie agroalimentaire), la teneur en folates des fruits est à peine affectée.
Les besoins quotidiens.
Selon Diaz de la Garcia et coll., le protocole de modification génétique utilisé pour cette étude est applicable à n'importe quelle plante. Il offre donc la possibilité de générer toutes sortes de céréales et de tubercules cultivables dans les pays en voie de développement. La consommation d'une seule portion de ces aliments permettrait de couvrir les besoins quotidiens en folates des populations aujourd'hui trop souvent carencées.
Diaz de la Garcia et coll. « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée.
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