Qualité de la vision
Le dépistage de la qualité de la vision des enfants à l’entrée au CP doit comprendre un examen de la vision des couleurs, une acuité visuelle normale ne garantissant bien sûr pas une vision des couleurs normale. Dans la réalité, seuls 10 % des examens effectués lors du dépistage scolaire comprennent une vision des couleurs. Cet examen doit être systématique lors de toute consultation ophtalmologique de l’enfant, car une déficience de la vision des couleurs ou dyschromatopsie peut facilement passer inaperçue. Elle est le plus souvent associée à une AV (acuité visuelle) normale, comme dans la majorité des déficiences liées au chromosome X ou daltonisme, qui touche 8 % de la population masculine et 0,4 % de la population féminine (homozygote pour le gène muté) ; il y aurait donc en France 2,4 millions de sujets masculins atteints dont 160 000 garçons de moins de 11 ans. Une vision des couleurs anormale peut, dès les classes primaires, nuire à l’apprentissage scolaire qui utilise de nombreux codes colorés et, plus tard, compromettre une orientation professionnelle appropriée. Plus de la moitié des jeunes daltoniens dépistés tardivement doivent changer d’orientation à l’entrée dans la vie active ; une déficience de la vision des couleurs ne serait diagnostiquée avant l’âge de 16 ans que dans 30 % des cas et 55 % ne le seraient que vers 45 ans lors de la première consultation chez un ophtalmologiste pour début de presbytie (étude du Dr Ph. Lanthony).
Physiologie de la vision des couleurs
Nous voyons les objets colorés si la lumière du jour réfléchie par les objets « touche » la rétine et plus spécifiquement ses trois types de cônes dénommés L et M (90 % de l’ensemble des cônes rétiniens) et S (pour 10 % des cônes rétiniens). La lumière du jour est composée de rayonnements de longueurs d’onde comprises entre 400 et 700 nm ; la dénomination des couleurs est le fait d’un apprentissage culturel : les courtes longueurs d’onde comprises entre 400 et 500 nm donnent une sensation bleue ou bleu-vert, les moyennes longueurs d’onde comprises entre 500 et 600 nm, une sensation verte ou jaune et les grandes longueurs d’onde comprises entre 600 et 700 nm, une sensation orangée ou rouge.
Il existe trois types de photopigments portés chacun par un type de cônes et qui sont à l’origine de leurs propriétés :
– « L » (long), pigment qui a un maximum d’absorption vers 560 nm ;
– « M » (middle), pigment dont le maximum d’absorption est situé vers 530 nm ;
– « S » (short), pigment dont le maximum d’absorption est situé vers 420 nm.
C’est la capture et l’absorption des photons de la lumière par ces trois types de photopigments qui, lorsqu’ils sont normaux, permettent la vision des couleurs normale ou trichromatisme normal. Ces photopigments, codés par trois gènes différents, sont constitués d’une longue chaîne d’acides aminés enroulée en sept hélices, incluse dans l’épaisseur de la membrane du cône. Les pigments L et M sont codés par des gènes différents situés sur le chromosome X, le pigment S est codé par un gène situé sur le chromosome 7. La séquence des acides aminés de ces photopigments détermine la probabilité d’absorption des photons constituants de la lumière incidente et la nature des signaux qui activent les différentes aires visuelles et permettent la perception colorée. Ainsi, des variations de l’agencement des acides aminés des photopigments des cônes peuvent être responsables de variations de la vision des couleurs par rapport à la normale, ou déficiences de la vision des couleurs.
Déficiences de la vision des couleurs
Les erreurs de codage liées au chromosome X déterminent des modifications de séquences des acides aminés portés par l’un ou l’autre des photopigments L ou M ; le daltonisme, du nom du physicien britannique John Dalton, atteint de cette dyschromatopsie, se présente donc sous deux formes : on parle de déficiences de type protan pour des variations dues au photopigment L et de type deutan pour celles liées au photopigment M. Si la déficience du photopigment L ou M est partielle, les trois photopigments continuent de fonctionner, c’est un trichromatisme anormal ; le sujet est atteint soit d’une protanomalie (si L est déficient), soit d’une deutéranomalie (si M est déficient). Si la déficience du photopigment L ou M est totale (avec absence de synthèse de l’un ou de l’autre pigment par le chromosome X), il ne reste plus que deux photopigments pour assurer le codage de la lumière : c’est un dichromatisme, soit une protanopie (les photopigments S et M restent fonctionnels), soit une deutéranopie (les photopigments S et L restent ici fonctionnels).
Dans le cas d’un trichromatisme anormal ou d’un dichromatisme, les sensations colorées sont différentes du sujet normal. La déficience ou l’absence d’un pigment peut aboutir à un codage identique de longueurs d’onde différentes ; en effet, le signal issu des cônes vers les aires corticales grâce aux codages des pigments restants sera identique alors que les longueurs d’onde de la lumière incidente sont différentes. Le sujet dichromate confond certaines couleurs, c’est-à-dire qu’il a une même sensation colorée alors que les longueurs d’onde sont initialement différentes.
Les tests de dépistage
Le dépistage est rapide et d’interprétation facile. Trois tests cliniques peuvent être utilisés par le médecin scolaire, généraliste ou pédiatre alors qu’ils sont éclairés par la lumière du jour.
Le test d’Ishihara est fondé sur le principe de mise en évidence de la confusion des couleurs pour un sujet protan ou deutan ; il est constitué de planches facilement reconnaissables par l’enfant. Celles utilisables avant l’acquisition de la lecture présentent des « serpentins » que l’enfant peut suivre avec un pinceau, préférable au doigt qui altère la qualité du test. D’autres planches présentent des « nombres », qui sont facilement lus dès que l’enfant sait reconnaître les chiffres. Un sujet daltonien ne distinguera pas certains dessins des planches dont le motif et le fond sont constitués de pastilles dont il confond les couleurs. Ce test est un excellent test de dépistage ; il permet de reconnaître les sujets daltoniens et, bien souvent, de les classer en protans ou deutans, mais il n’est pas quantitatif.
Si toutes les planches sont lues « sans erreur », le sujet est considéré comme normal.
En cas de doute ou si plusieurs planches sont anormalement lues, des tests de rangement de pions colorés des « Panel D15 standard et désaturé » doivent être réalisés successivement. Il s’agit de classer les pions selon la couleur perçue et la ressemblance de la tonalité les uns à côté des autres. Les résultats combinés de ces deux tests sont à la fois qualitatifs – dépistage des sujets protan ou deutan –, mais aussi quantitatifs : trichromatisme léger, modéré ou extrême, ou dichromatisme (protanopie ou deutéranopie).
Le plus souvent, le dépistage est aisé et les résultats sont disposés sur un schéma circulaire où les numéros correspondent aux 15 pions ; la direction de l’axe indique si le sujet est protan ou deutan. Le résultat du test standard (saturé) permet de déterminer l’existence d’un dichromatisme ; s’il est normal, ou peu modifié, le résultat du test désaturé permet la mise en évidence d’un trichromatisme anormal et sa quantification. La reconnaissance d’une déficience de la vision des couleurs est essentielle et peut être précoce, à partir de 4-5 ans. Elle doit s’effectuer à l’entrée de l’école primaire avec le test d’Ishihara. Elle alerte parents et éducateurs sur les limites de la perception des couleurs de l’enfant et permet d’adapter son éducation et plus tard son orientation.
Communication du Dr F. Rigaudière lors de la journée sur « Les examens ophtalmologiques de l’enfant en 2006 » organisée à la fondation Rothschild par le service du Dr Caputo.
Pour approfondir : F. Rigaudière, J. Leid, F. Vienot, J.-F. Le Gargasson : Comprendre et tester les déficiences de la vision des couleurs de l’enfant en pratique. « J F Ophtalmol », 2006. 29/1.
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