PAR LE Dr YANN NEUZILLET ET LE Pr CHRISTIAN COULANGE*
PLUS DE 8 000 nouveaux cas de cancer du rein ont été diagnostiqués en France durant l'année 2006 et cette incidence est en constante augmentation depuis vingt-cinq ans. L'accroissement des prescriptions d'examens d'imagerie médicale participe fortement à l'augmentation d'incidence des cancers du rein. Ces quinze dernières années, le pourcentage de cancers découverts fortuitement est passé de 40 à 60 %. En corollaire de ces découvertes fortuites, la taille moyenne des tumeurs rénales au moment du diagnostic tend à diminuer et celui-ci est posé chez des patients de plus en plus jeunes. Parallèlement, l'espérance de vie moyenne des Français a augmenté de près de sept ans en deux décennies. Au total, nous prenons en charge de plus en plus de patients ayant un petit cancer du rein et dont l'espérance de vie après guérison sera longue.
En l'absence de métastase synchrone, le traitement de ces cancers du rein est chirurgical. Les travaux de Robson, au début des années 1960, ont institué la néphrectomie élargie comme technique de référence. Or, après néphrectomie élargie, le risque d'insuffisance rénale à long terme est d'autant plus important que l'espérance de vie est longue. Une réduction de plus de 50 % de la masse néphronique s'accompagne d'un risque d'hyperfiltration avec protéinurie, glomérulosclérose segmentaire et focale évoluant vers l'insuffisance rénale.
La chirurgie conservatrice du cancer du rein a été développée dans l'optique de réduire le risque d'insuffisance rénale. Deux cas de figure se présentent : celui où le patient possède deux reins fonctionnant normalement et celui où le patient présente une tumeur sur son seul rein fonctionnel. Dans le premier cas, la chirurgie conservatrice est dite « de principe ». Dans le second, elle est dite « de nécessité ».
Dans la lignée des travaux de Novick, les urologues ont mis au point et perfectionné la technique chirurgicale. Le chirurgien doit parfaitement visualiser le plan de section assurant l'exérèse complète de la tumeur. De ce fait, la localisation de la tumeur dans le rein détermine son extirpabilité. Les tumeurs adhérentes aux éléments du hile rénal sont ainsi extrêmement difficiles, voire impossibles, à retirer en totalité. Le chirurgien doit également contrôler le risque hémorragique lors de la section du parenchyme rénal. Ce contrôle nécessite souvent de clamper les vaisseaux rénaux. L'ischémie chaude qui en résulte doit, au mieux, être inférieure à 20 minutes, pour limiter le risque de nécrose tubulaire aiguë. Le refroidissement du rein durant le clampage autorise une durée d'ischémie plus longue.
Ces impératifs techniques expliquent que la chirurgie conservatrice du cancer du rein soit réalisée le plus souvent par une voie d'abord conventionnelle. Dans ce contexte, la laparoscopie n'est utilisée que dans des centres experts.
Les premiers résultats publiés ont été ceux de la chirurgie conservatrice de nécessité, et ils ont prouvé que, pour les tumeurs de moins de 4 cm, en l'absence de marge positive (c'est-à-dire si toute la tumeur a été enlevée), le résultat carcinologique est le même que celui de la néphrectomie élargie. Ces résultats ont autorisé la réalisation de chirurgie conservatrice de principe. Parallèlement au bon résultat carcinologique, le risque cumulatif d'insuffisance rénale à dix ans, définie par une créatininémie > 2 mg/dl, a été évalué à 22,4 % après néphrectomie élargie et à 11,6 % en cas de néphrectomie partielle de principe. Les données de la littérature ayant un recul suffisant, l'Association française d'urologie peut recommander la chirurgie conservatrice de principe pour les tumeurs rénales de moins de 4 cm (classées T1a, selon la TNM 2002). L'accumulation de publications pourrait autoriser l'extension de cette recommandation aux tumeurs plus volumineuses (jusqu'à 7 cm).
La pratique chirurgicale urologique s'adapte donc aux changements épidémiologiques du cancer du rein.
* Hôpital de la Conception, Marseille.
Principes de la chirurgie conservatrice des cancers du rein : le rein tumoral (1) est séparé de sa graisse périphérique et les vaisseaux rénaux sont contrôlés. Seule la graisse située au contact de la tumeur est respectée (2). La portion de rein contenant la tumeur est sectionnée (3). Un volume maximal de rein sain est ainsi conservé (4)
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