Par le Pr Jean-Luc Jouve*
LE PECTUS EXCAVATUM (PE) est la malformation congénitale thoracique la plus fréquente, affectant 1 naissance sur 400, à prédominance masculine. Cette malformation se manifeste par une excavation médiothoracique plus ou moins marquée. Elle peut être symétrique ou asymétrique, localisée ou diffuse. La déformation est souvent plus visible chez la jeune fille pouvant conduire à un aspect de pseudo-asymétrie mammaire.
Les étiologies des pectus excavatum sont multiples. Ils peuvent êtres idiopathiques (50 % des cas), héréditaires (40 % des cas), ou entrer dans le cadre des collagénoses telles que la maladie de Marfan (5 % des cas) ou la maladie d'Ehler-Danlos (1 % des cas). L'évolution de la déformation thoracique est liée à un trouble de croissance des cartilages chondrocostaux. L'aggravation s'installe progressivement au fil des années. Elle est à son maximum au moment de la poussée pubertaire, puisque durant cette période la circonférence du thorax augmente de 50 %.
Dans l'immense majorité des cas, la déformation n'entraîne qu'un aspect inesthétique mal ressenti, surtout au moment de la puberté. Aucun retentissement cardio-respiratoire n'est à craindre. Il n'y a pas de contre-indication à une quelconque activité sportive. Les performances cardio-respiratoires sont normales, même lorsque des déformations sévères existent. Le problème est essentiellement esthétique. Si la tolérance physique est bonne, certains adolescents présentent un état de souffrance psychologique important. Il n'est pas rare qu'ils cachent leur déformation au point de refuser de se mettre en maillot de bain ou de porter des vêtements légers.
Les formes sévères avec retentissement cardio-respiratoire sont rares, le plus souvent associées à une maladie de Marfan. Les modifications de la structure ostéo-cartilagineuse peuvent être la source de compressions du contenu intrathoracique (coeur, poumon, bronches souches) pouvant entraîner un syndrome restrictif ou favoriser la survenue d'infections pulmonaires à répétitions.
Pose provisoire d'une plaque en position rétrosternale.
Le traitement des thorax en entonnoir a beaucoup évolué au cours de ces dernières années grâce au développement des techniques mini-invasives. Rééducation, manipulation et musculation thoracique sont des éléments d'appoint intéressants, mais ne peuvent, à eux seuls, modifier la morphologie du thorax.
Jusqu'à une période récente, deux types de traitement existaient. Les formes mineures pouvaient justifier d'un traitement exclusivement esthétique avec un simple comblement de l'excavation par une prothèse siliconée ou par l'injection de produits résorbables ou non. D'autres techniques chirurgicales plus agressives visaient à restaurer de façon durable la morphologie du plastron chondrosternal. Parmi celles-ci, les plus classiques décrites par Ravitch et Bedouelle consistent en de multiples ostéotomies du sternum et des arcs costaux réalisées à ciel ouvert. Ces techniques présentent les inconvénients d'un caractère invasif et d'une rançon cicatricielle importante. Plus récemment, des techniques non chirurgicales utilisant une chambre d'aspiration ont été décrites, mais elles restent actuellement en cours de développement avec des résultats encore peu probants.
Les indications de la voie endoscopique.
La technique de correction par voie endoscopique mini-invasive décrite par Nuss est réservée aux formes symétriques médianes qui sont les plus fréquentes. Le principe repose sur la mise en place d'une plaque rétrosternale qui soulève le sternum vers l'avant en prenant appui sur les grills costaux droit et gauche. Ce geste est possible grâce à l'élasticité très importante du thorax qui permet des corrections sans qu'il ne soit nécessaire de réaliser de section cartilagineuse ou costale. La plaque est introduite grâce à deux incisions latérales de quelques centimètres. Le passage de la plaque entre le sternum et le péricarde constitue le temps délicat de l'intervention. Il se fait sous contrôle thoracoscopique et avec des guides dont la courbure est adaptée à la déformation. La plaque, préalablement cintrée à la forme désirée, est passée d'une incision à l'autre, concavité dirigée vers l'avant pour ne pas risquer de lésion viscérale. Enfin, une rotation de 180° est ensuite effectuée permettant une correction instantanée de la déformation. Enfin, la plaque est ensuite fixée à une cote.
La durée moyenne de l'intervention est de 45 min. Il est parfois nécessaire de placer un drain thoracique, mais ce n'est pas systématique. Le résultat esthétique immédiat est en général très satisfaisant.
Dans les suites opératoires, une gestion attentive de la douleur est nécessaire dans les 5 jours qui suivent l'intervention et justifie une hospitalisation. Des antalgiques de palier 3 sont systématiques. Certaines équipes utilisent une péridurale thoracique en postopératoire, mais cela impose un personnel entraîné pour sa surveillance. Après le 5e jour, les douleurs diminuent nettement et autorisent le lever et la sortie rapide.
La reprise de la scolarité se fait en général à la 3e semaine. La pratique sportive sans restriction est autorisée au 2e mois. Des plaques au profil plus adapté au morphotype de l'enfant ont été dessinées par nos soins améliorant leur confort surtout dans les activités sportives intenses. Il est recommandé de conserver la plaque entre deux et trois ans. L'ablation de la plaque est un geste simple qui justifie d'une hospitalisation de 24 h et n'impose pas de nouvelle thoracoscopie. L'âge idéal de l'intervention est entre 7 et 18 ans. La diminution d'élasticité du thorax chez l'adulte diminue la qualité des résultats et des suites opératoires.
Dans les formes sévères, comme certains cas de maladies de Marfan, nous avons décrit une variante consistant à soulever le sternum par une courte incision sous l'apophyse xyphoïde. Cela permet un passage de la plaque en toute sécurité.
Nous avons actuellement opéré plus de 50 enfants par cette technique. L'âge moyen allait de 5 à 18 ans. Nous n'avons pas déploré de complication majeure. Deux patients ont bénéficié d'un drain thoracique secondaire au 2e jour. Il n'y a pas eu de problème cardio-respiratoire.
À ce jour, près de la moitié des patients ont vu leur plaque retirée avec des résultats stables.
Ces nouvelles conditions de prise en charge du pectus excavatum permettent d'envisager leur traitement de manière simple et peu invasive Cependant, lorsqu'il s'agit d'une indication esthétique, il est fondamental de prodiguer une information exhaustive et de laisser une période de réflexion de plusieurs mois à l'enfant et à sa famille afin que la décision soit prise en toute connaissance de cause.
* Service de chirurgie orthopédique et pédiatrique, hôpital de la Timone, Marseille.
Nuss D. Recent experiences with minimally invasive pectus excavatum repair Nuss procedure. Jpn J Thorac Cardiovasc Surg 2005 Jul;53(7):338-44.
Dzielicki J, Korlacki W, Janicka I, Dzielicka E. Difficulties and limitations in minimally invasive repair of pectus excavatum - 6 years experiences with Nuss technique. Eur J Cardiothorac Surg 2006 Nov;30(5):801-4 .
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