LA DECOUVERTE d’une sténose symptomatique peut être le fait d’un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique constitué, d’un accident ischémique transitoire (AIT) ou d’une amaurose. Lorsqu’elle est asymptomatique, elle peut être le fruit d’une recherche dite systématique, mais aussi fortuite, ou encore s’insérer dans le cadre d’un bilan préopératoire.
Outre la prise en charge des facteurs de risque cardio-vasculaire et la prévention secondaire des ischémies cérébrales, l’endartérectomie est l’un des éléments de la prise en charge. Son indication dépend du caractère symptomatique ou non de la sténose, de son degré et des caractéristiques du patient. «A ce stade il est indispensable de rappeler que différents modes de mesure existent (notamment en écho-Doppler) pour quantifier le degré de sténose (surface, diamètre mode Nascet, diamètre mode Ecst). Je ne parlerai ici qu’en mode Nascet», souligne le Dr Hilde Hénon.
Les essais cliniques les plus importants qui ont permis de préciser l’efficacité de l’endartérectomie en cas de sténose carotidienne symptomatique sont les études Nascet (1) et VA 309 (2), réalisées aux Etats-Unis, et ECSt, réalisée en Europe (3). Bien qu’utilisant des méthodes de mesure et des critères de jugement différents, ces trois études ont apporté la preuve de l’efficacité de l’endartérectomie.
Leur métaanalyse porte en effet sur un total de 6 081 patients, dont la période de suivi a été en moyenne de 65 mois, ce qui correspond à 35 000 patients-années environ (4). Elle montre que l’endartérectomie est bénéfique chez les patients ayant une sténose symptomatique 50 %, avec un bénéfice net et précoce quand le degré de sténose est 70 %. Dans ce cas, la réduction absolue du risque d’accident vasculaire cérébral ischémique ipsilatéral atteint 17 % à deux ans. Le bénéfice existe également pour les sténoses comprises entre 50 et 69 %, mais il est moindre (réduction de risque absolu de 6,5 % à cinq ans). L’endartérectomie doit être précoce et intervenir idéalement dans les quinze jours suivant l’événement neurologique en cas d’accident ischémique transitoire ou mineur. «Dans tous les cas, un traitement médical optimal est nécessaire, et il est conseillé d’opérer sous aspirine. Un point particulier à souligner est l’absence de bénéfice prouvé de l’endartérectomie en cas de sténose préocclusive avec réduction majeure du lit d’aval, suggérant une carotide non fonctionnelle avec un risque spontané de survenue d’événement vasculaire faible. Dans ce groupe, on tend même à observer une tendance (non significative) à un meilleur pronostic chez les patients non opérés», indique le Dr Hénon.
«Ces études ont mis en évidence un bénéfice net en termes de population. Pour un individu donné, il convient cependant de comparer le risque de l ‘évolution spontanée de la maladie au risque du traitement», poursuit-elle.
Optimiser le bénéfice de la chirurgie.
Optimiser le bénéfice de la chirurgie carotide suppose de diminuer le risque de la chirurgie et de la procédure diagnostique et d’identifier les patients à risque élevé d’AVC ipsilatéral sous traitement médical seul. En premier lieu, l’exploration pour évaluation du degré de sténose doit désormais faire appel à des techniques non invasives, avec en premier lieu l’écho-Doppler, avec des mesures exprimées en diamètre (mode Nascet ou ECST à préciser) et non en surface, et à l’angiographie par résonance magnétique nucléaire, qui permettent le plus souvent une quantification précise du degré de sténose. Si les résultats de ces examens sont discordants, l’angio scanner permet de trancher et de déterminer le degré de sténose. L’artériographie conventionnelle n’a actuellement plus d’indication dans la démarche diagnostique. Il convient également de tenter de préciser pour chaque patient les facteurs prédictifs de morbi-mortalité après endartérectomie dont certains ont été identifiés dans la littérature : il s’agit du sexe féminin, de l’âge supérieur à 75 ans, de l’hypertension artérielle systolique mal contrôlée, de l’existence d’une occlusion carotidienne controlatérale, d’une sténose du siphon et de la carotide externe ipsilatérale. Le choix de l’équipe chirurgicale est également un facteur à prendre en considération, en fonction de son expérience. Et, enfin, il convient de déterminer pour chaque patient les facteurs de risque de récidive d’AVC ipsilatéral dont certains ont également été déterminés pour les sténoses symptomatiques ≥ 70 % : il s’agit du degré de sténose, de l’existence éventuelle d’une ulcération de plaque ou d’une occlusion controlatérale, du mode de révélation par un AIT hémisphérique versus rétinien ou par des IAT récidivants, et du nombre de facteurs de risque vasculaire.
En cas de sténose asymptomatique de la carotide, l’étude ACAS (5) comme l’étude Acst (6) ont montré un intérêt de la chirurgie pour les sténoses ≥ 60 %, le bénéfice étant cependant beaucoup moins important en termes de bénéfice absolu que dans les sténoses symptomatiques, avec un risque de récidive d’AVC ipsilatéral qui passe d’environ 12 à 6 % à cinq ans, et un risque d’AVC sévère qui passe globalement de 6 à 3 %, avec un bénéfice non prouvé pour les patients les plus âgés. Dans ce contexte, il convient encore plus que pour les sténoses symptomatiques de poser des indications au cas par cas, en évaluant au mieux les risques opératoires et en prenant en compte l’avis du patient après l’avoir correctement informé des risques et des bénéfices potentiels.
L’angioplastie en attente de validation.
L’endartérectomie, considérée comme le « Gold Standard », n’est pas toujours possible et sans inconvénients. L’angioplastie avec pose de stent et système de protection pourrait représenter une alternative acceptable, mais les données disponibles ne sont pas concluantes. «Il n’y a actuellement aucune indication validée d’angioplastie dans la pathologie carotidienne. Il apparaît pour l’instant nécessaire d’attendre les résultats des études en cours pour préciser la place des techniques endovasculaires dans cette indication», conclut le Dr Hénon.
D’après un entretien avec le Dr Hilde Hénon (Chru Lille).
(1) North American Symptomatic Carotid Endarterectomy Trialists’ Collaborative Group. The Final Results of the NASCET Trial. « N Engl J Med » 1998 ; 339 : 1415-1425.
(2) Mayberg GM, et coll. For the Veterans Affairs Cooperative Studies Program 309 Trialist Group. Carotid Endarterectomy and Prevention of Cerebral Ischaemia in Symptomatic Carotid Stenosis. « Jama » 1991 ; 266 : 3289-3294.
(3) European Carotid Surgery Trialists’ Collaborative Group. Randomized Trial of Endarterectomy for Recently Symptomatic Carotid Stenosis. Final Results of the MRC European Carotid Surgery Trial. « The Lancet » 1998 ; 351 : 1379-1387.
(4) Rothwell P. et coll. Analysis of Pooled Data From the Randomized Controlled Trials of Endarterectomy for Symptomatic Carotid Stenosis. « Lancet » 2003 ; 361 : 107-116.
(5) CAVATAS Investigators. Endovascular versus Surgical Treatment in Patients with Carotid Stenosis in the Carotid and Vertebral Artery Transluminal Angioplasty Study (CAVATAS): a Randomized Trial. Lancet 2001 ; 357 : 1729-37 (6) Halliday A et al. Lancet 2004 ; 363 : 1491-1502
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