Un outil créé par xénotransplantation

Des souris à l'immunité humaine

Publié le 01/04/2004
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UN MODÈLE EXPERIMENTAL de xénotransplantation du système immun de l'homme à la souris a été mis au point par l'équipe de M. G. Manz et ouvre de nombreuses perspectives. Les recherches fondamentales portant sur la différenciation, la coopération fonctionnelle entre les différentes composantes du système immun et leurs mécanismes de régulation seront ainsi facilitées. De plus, ce modèle constitue un outil performant pour l'étude de tous les pathogènes prenant pour cible spécifiquement le système immun, avec comme corollaire l'évaluation des thérapeutiques potentielles.
Une souche de souris rendues génétiquement alymphoïdes, les souris Rag2-/- gammac-/-, a été utilisée. Ces souris dépourvues de toute cellule T, B et NK offrent l'avantage de pouvoir être greffées sans irradiation préalable. Des cellules souches hématopoïétiques et des progéniteurs exprimant l'antigène CD34 ont été purifiés à partir de prélèvements de sang de cordon ombilical humain, puis injectés à des nouveau-nés de la souche murine choisie.

Progéniteurs de sang de cordon humain dans le foie de souris.

S'appuyant sur le rôle du foie dans le développement des cellules souches hématopoïétiques durant la vie fœtale et périnatale, les chercheurs ont injecté ces cellules CD34+ en intrahépatique afin de favoriser la prise de la greffe, l'expansion et la reconstitution des cellules immunes. Les animaux ont ensuite été suivis six mois. Chez tous les animaux, des cellules leucocytaires (CD45+) ont été détectées, une augmentation de la cellularité de la rate et du thymus était observée et, à partir de la 8e semaine, des ganglions mésentériques étaient présents. La rate des animaux de plus de 16 semaines présentait une pulpe blanche avec des lymphocytes T péri-artériolaires et des lymphocytes B organisés en follicule primaires et secondaires.
La moelle était riche en lymphocytes B CD19+, mais dépourvus d'IgM de surface et de l'antigène CD20, alors que les lymphocytes B retrouvés dans le sang et les organes lymphoïdes secondaires (la rate et les ganglions) exprimaient ces marqueurs membranaires, témoins d'activation. En outre, des IgM humaines étaient détectables dans le sérum des animaux jeunes, mais aussi des IgG à un âge plus avancé. L'ensemble de ces éléments suggère une reconstitution et une maturation fonctionnelle des lymphocytes B.
De la même manière, les lymphocytes T avaient colonisé le thymus, tous les thymocytes exprimant les antigènes CD4 et/ou CD8, les lymphocytes T matures migrant ultérieurement vers la rate, les ganglions et la moelle. La réponse lymphocytaire mixte à une stimulation par des antigènes allogéniques était effective.

Antigènes de la toxine tétanique et virus d'Epstein-Barr.

La vaccination des animaux avec des antigènes de toxine tétanique (TT) entraînait une réponse humorale spécifique à partir de la 12e semaine, certains animaux produisant également des IgG anti-TT et ayant des lymphocytes mémoire détectables dans les ganglions. L'infection par EBV entraînait chez certains animaux pour un inoculum viral important la prolifération dans la rate, le foie et le rein de lymphocytes B porteurs de l'antigène virale LMP1. Les animaux infectés avec des inoculum plus faibles présentaient une expansion des cellules CD8+ spécifiques des antigènes de l'EBV et protectrices.
Au total, la particularité de ce modèle par rapport aux précédents modèles animaux chimériques tient à la capacité des animaux à reconstituer un système immun complet, avec la formation de structures primaires et secondaires et la production de réponses spécifiques adaptées in vivo.

E. Traggiai et coll. « Science »,304 : 104-107.

> Dr MARYSE LEVACHER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7512