LE POTENTIEL des souches embryonnaires semble décidément illimité : une équipe de recherche allemande vient en effet de démontrer que leur culture invitro permet la production de spermatozoïdes fonctionnels, capables de féconder des ovocytes et de conduire ainsi au développement d’une descendance viable jusqu’à l’âge adulte. L’expérience a bien sûr été réalisée dans le modèle expérimental de la souris, mais les chercheurs à l’origine de ces travaux suggèrent que la technique pourrait présenter un intérêt pour le traitement de certaines formes de stérilité masculine.
La possibilité de faire dériver des gamètes à partir d’une culture de cellules souches embryonnaires de souris avait déjà été testée avec succès par différentes équipes (voir notamment « le Quotidien » des 5 mai, 16 septembre et 11 décembre 2003). Cependant, aucune d’entre elles n’avait poussé l’expérience assez loin pour pouvoir affirmer que les spermatozoïdes ou les ovules obtenus par cette méthode étaient entièrement fonctionnels.
Acide rétinoïque.
Nayernia et coll. ont utilisé une lignée de cellules souches embryonnaires murines génétiquement modifiées, contenant des gènes rapporteurs exprimés uniquement dans les cellules préméiotiques et dans les gamètes mâles différenciés. Les cellules ont été placées en culture dans un milieu approprié, favorisant leur différenciation en cellules germinales. Ce milieu contenait en particulier de l’acide rétinoïque, une substance connue pour induire la progression des spermatocytes vers les stades précoces de la méiose. Le système rapporteur a permis d’isoler facilement les cellules s’engageant dans la voie de division cellulaire méiotique. Les chercheurs ont ainsi obtenu deux lignées de spermatogonies entièrement produites invitro.
Des expériences complémentaires ont montré qu’un tiers de ces cellules sont capables d’accomplir une méiose complète invitro et même invivo après transplantation dans un testicule de souris. Les spermatozoïdes alors produits semblent normaux : leur morphologie et leur marqueur de surface ne présentent pas d’anomalies significatives.
Injection intracytoplasmique.
Cependant, leur capacité motrice est généralement très altérée. Nayernia et coll. ont malgré tout décidé de les utiliser pour tenter de féconder des ovocytes de souris, par injection intracytoplasmique.
Sur plus de 200 gamètes injectés, 65 ont conduit à la formation d’un embryon à deux cellules. Ces embryons ont été transférés dans les oviductes de souris pseudogestantes et douze d’entre eux se sont développés normalement jusqu’au terme de la gestation. La majorité des souriceaux issus de cette expérience ont atteint l’âge adulte.
L’ensemble de ce travail démontre donc qu’il est possible d’obtenir des gamètes fonctionnels à partir de cellules souches embryonnaires. Cette technique pourrait, à long terme, conduire au développement de nouveaux traitements de l’infertilité. D’ici là, elle se révélera certainement très utile aux scientifiques qui tentent de disséquer les mécanismes du développement des cellules germinales, de la reprogrammation épigénétique des gamètes et de bien d’autres aspects de la gamétogenèse.
Nayernia K et coll. « Developmental Cell. », juillet 2006, vol. 11, pp. 125-132
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