LA RECHERCHE PHARMACEUTIQUE française est-elle en crise ? Nul n'a cherché à contredire cette évidence lors d'un colloque organisé dans les murs de la Fondation de la Maison de la chimie, chacun a tenté d'y apporter ses espoirs. François Gérard, directeur de la technologie de l'Anvar, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, a donné les principales tendances de l'activité pharmaceutique en France, au travers des projets qu'elle a accompagnés. Diminution de nouveaux produits sur le marché médical (30 en 2003 contre 52 en 1991), pénurie de nouvelles classes thérapeutiques, concurrence massive des génériques, forts coûts de la R & D (recherche et développement) jusqu'à la mise sur le marché, on assiste indéniablement à une croissance ralentie de l'activité pharmaceutique dans le monde et en France. Pour lui, il conviendra de renforcer le poids des biotechnologies dans le secteur pharmaceutique pour l'alimenter en nouvelles molécules ou classes thérapeutiques. Dix pour cent du montant total de l'intervention de l'Anvar porte sur des projets ayant une application en pharma-biotechnologie, a-t-il précisé.
Deuxième grande tendance : c'est un secteur en mal de liquidité. Aucune introduction en Bourse n'a été enregistrée en France depuis 2001, et peu de financements en amorçage. Les solutions publiques sont efficaces, a-t-il assuré, mais insuffisantes. Pour Jeanne-Marie Lecomte, présidente de Bioprojet, l'aide de l'Anvar pour une entreprise en création est non seulement un apport financier mais aussi un apport en crédibilité, car « elle donne une évaluation du projet bien utile aux banquiers ».
Il y a un marché.
Pierre Deroux, administrateur délégué de la Fondation pour la recherche, a confirmé cette constatation. « La recherche connaît peut-être quelques déboires, quelques atermoiements en France, mais je crois que l'on voit l'émergence d'une médecine mature avec les produits biopharmaceutiques. » Le monde de la santé fait parfois peur aux financiers, a-t-il expliqué. « L'innovation est trop pénalisée dans notre pays, trop de contraintes administratives - avec la judiciarisation de la médecine et de la société, le manque de lisibilité et de visibilité de la R & D. Contrairement au secteur du cinéma, où les règles du jeu peuvent être appréhendées assez rapidement, ici les investissements se font à long terme. » Les investisseurs seraient prêts à se lancer s'ils disposaient au moins d'un pourcentage de risque. Chez les investisseurs privés, ce serait d'ailleurs totalement différent, a-t-il ajouté. Ils seraient d'avantage enclins à risquer leur capital. Mais alors se pose la question : pourquoi choisir d'investir en France plutôt qu'aux Etats-Unis ou en Suisse ? On aurait cependant, d'après ce financier, plusieurs raisons d'y croire. D'abord parce que la recherche n'a jamais été aussi riche en promesses. Les biotechnologies arrivent enfin à maturité (face au rendement décroissant de la recherche en chimie de synthèse) ; ensuite, parce que la santé, le droit à la santé, l'exigence de bien-être sont devenus les priorités des années à venir. Et puis il reste encore un grand nombre de pathologies qui ne sont pas traitées et les dépenses en R & D croissent malgré tout de 4 milliards par an. Il y a donc un marché. « C'est le timing opportun pour les investisseurs, a-t-il assuré, le potentiel de développement et d'innovation n'a jamais été aussi élevé. »
« Il faut que l'argent aille au bon endroit », aurait déclaré le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, lors de la remise des prix du Medec au Sénat. Selon Pierre Deroux, cela exige un meilleur dialogue entre recherche publique et recherche privée. Pour Pierre Pouletty, président du conseil stratégique de l'innovation, président de DrugAbuse Sciences, il est clair que le secteur doit être fiscalement attractif pour les investisseurs.
« Nous avons des plates-formes performantes en France », affirme Christian Bréchot, directeur général de l'Inserm, évoquant les actions incitatives de l'Institut pour la recherche sur le médicament. Des consortiums recherche publique-recherche privée ont été mis en place, un programme a été élaboré en collaboration avec la Cnam sur l'évaluation médico-épidémiologique des produits de santé. « Certes, nous devons faire face à une rigidité administrative extraordinaire, a-t-il admis. Il est de bon ton de se plaindre mas ce qui me gêne, c'est que ceux qui se plaignent n'œuvrent guère à l'amélioration. »
« Quarante pour cent de nos chercheurs et ingénieurs partent à la retraite en 2012, a-t-il averti. Ce sont les individus qui font la recherche, or nous manquons de flexibilité et d'adaptabilité : il faut donner des capacités beaucoup plus précoces aux jeunes investisseurs, offrir aux chercheurs plus de positions permanentes. Nous avons les structures, qui, moyennant des réformes, peuvent répondre aux formidables enjeux de la recherche française. » La réforme du Cnrs, a ajouté Christian Pau, directeur du département Sciences de la vie de l'organisme, « fera tout pour faire remonter nos centres de recherche aux premiers rangs mondiaux ».
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