IL A 18 ANS et vient d'intégrer une école d'ingénieurs dans sa région (Lille) après avoir obtenu son bac avec mention. Emmanuel Rutka est un jeune homme comme les autres en dépit de l'aplasie médullaire idiopathique sévère dont il souffre. Il a 10 ans en 1998 lorsque sa maladie est diagnostiquée par son pédiatre. Suivent des séjours répétés à l'hôpital Necker, à Paris, où il est suivi par le Pr Bruni Varet. Depuis huit ans, il bénéficie de l'association d'un immunosuppresseur (Neoral) et d'un stimulant de l'hématopoïèse (Nilevar). « Mon fils a une vie difficile, mais à peu près normale, avec ces deux médicaments », explique son père, qui dénonce aujourd'hui l'arrêt sans préavis de la production en France du Nilevar (norethrandolone).
C'est en se rendant dans une pharmacie pour renouveler les médicaments de son fils qu'il apprend la décision des Laboratoires Pharmion Développement d'arrêter la commercialisation du produit. « Que l'on décide, sans prévenir ni les familles ni les médecins et spécialistes de cette maladie, d'arrêter sa fabrication est scandaleux. dit-il à l'AFP. Il est révoltant que la France ne soit pas dotée d'un organisme qui fasse en sorte d'éviter ce genre de problème de santé publique, concernant certains médicaments vitaux comme celui-là. » Une révolte compréhensible qui fait aussitôt réagir le ministère.
Sur Europe 1, Xavier Bertrand explique que « la production du médicament a été arrêtée parce que le fournisseur de la matière première ne pouvait plus la fournir », mais qu'il avait obtenu confirmation que les Laboratoires sanofi allaient reprendre la production. Au ministère, on explique que l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), saisie du dossier depuis quelques semaines, a contacté sanofi au début du mois. Jusqu'à cette date, le laboratoire n'avait pas été alerté du caractère vital de la production de la matière première nécessaire à la fabrication du médicament. « Une fois qu'il l'a su, il a proposé spontanément de reprendre la production. »
Un changement de mains d'AMM est, semble-t-il, à l'origine du problème. Le produit est un stéroïde anabolisant commercialisé aux Etats-Unis en 1956 et qui fait partie de la liste des produits interdits chez les sportifs. En Europe, il a obtenu l'AMM en 1998 comme stimulant de l'hématopoïèse et a d'abord été commercialisé par les Laboratoires Laphal. Depuis l'arrêt du Primobolant, c'est le seul anabolisant disponible en France.
Délai d'un mois.
La commercialisation du Nilevar pourra donc reprendre dans un délai d'un mois, sous réserve de la validation de l'Afssaps, comme l'exige la procédure. Un délai qui ne pénaliserait pas les patients : « Moins de 200 personnes sont traitées avec ce médicament en France », indique le Pr Jean Hugues (Afssaps), et le stock de boîtes disponibles est suffisant pour « tenir raisonnablement jusqu'à la fin de l'année ». Sanofi s'est par ailleurs engagé à poursuivre la fabrication de la matière première pendant deux ans. Deux ans qui vont être mis à profit pour trouver une solution pérenne. L'Afssaps, qui travaille sur la question depuis décembre 2005, étudie des alternatives possibles, notamment à l'étranger. « Si dans deux ans aucune alternative n'est trouvée, la poursuite de la production par sanofi pourrait être envisagée », explique le ministère.
Si le cas du Nilevar est donc en voie d'être réglé, le ministère de la Santé souhaite trouver des solutions pérennes dans le cas des maladies rares, afin d'amener les laboratoires à maintenir sur le marché des produits indispensables pour les malades, mais qui sont délivrés en faible quantité. « Ce n'est pas la première fois que ce type de problème se pose et ce n'est pas la première fois qu'une solution est trouvée », a indiqué Xavier Bertrand sur Europe 1. En effet, à l'Afssaps, une cinquantaine de dossiers de ce genre sont traités chaque année. « Pour l'instant, on a toujours trouvé une solution, mais il se peut que, un jour, on ait du mal à en trouver une, souligne le ministre. Il est temps de donner de la tranquillité à tous les patients qui sont traités pour des maladies rares. » Le ministre a demandé qu'une réflexion soit ouverte afin que soit mis en place un dispositif plus sécurisé. « Je suis prêt, si, à un moment ou à un autre, existe un problème de rentabilité, au bout de la durée de vie d'un médicament, à envisager de payer davantage au nom de la santé publique, parce que la seule chose qui compte pour moi c'est que les patients continuent à bénéficier de leur traitement. » L'idée est d'instaurer une obligation de santé publique. Xavier Bertrand souhaite par ailleurs que les laboratoires informent l'Afssaps dès qu'ils envisagent d'arrêter la commercialisation d'un médicament afin que l'agence puisse démarrer plus tôt ses investigations et trouver des solutions alternatives. Il s'agit d'alerter bien en amont de manière à ce qu'il n'y ait pas de rupture de traitement.
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