APRÈS AVOIR DRESSÉ un audit sévère du projet de DMP, il y a six mois, Michel Gagneux a eu la charge de piloter une mission de relance, groupe de travail resserré qui a néanmoins auditionné plus de cent experts et professionnels ces trois derniers mois.
Le titre de son rapport de 120 pages, remis à la ministre de la Santé, annonce la mesure des changements préconisés : « Pour un dossier patient virtuel et partagé et une stratégie nationale des systèmes d'information de santé ».
Il prend d'abord soin d'éclaircir les concepts et de hiérarchiser les finalités du projet, étapes indispensables et réclamées par l'ensemble des acteurs tant le tourbillon qui a suivi la création du DMP par la loi sur l'assurance-maladie de 2004 a entraîné de malentendus depuis lors.
Ce qui le conduit à affirmer : «Avant d'être un service proposé aux bénéficiaires de l'assurance-maladie, le DMP est d'abord un outil mis au service de tous les acteurs pour améliorer la qualité, la coordination des soins»; en argumentant : «Le projet ne peut qu'à cette condition justifier l'importance des investissements publics qu'il requiert.»
Le dossier médical personnel est alors défini comme «une vue particulière du dossier partagé», auquel le patient a «un accès direct» et qui peut comporter «des services spécifiques», si l'on veut qu'il devienne « un acteur de sa santé».
Tandis que «la logique du dossier partagé réside dans la capacité donnée à chaque professionnel ou entité de santé, sous réserve de consentement du patient, d'accéder à des informations produites et détenues par d'autres (…), de pouvoir les consulter et les exploiter selon une présentation adaptée à sa pratique, d'alimenter le dossier partagé». Bref, il ne s'agit pas «d'une simple armoire de rangement électronique» et il se définira par sa fonction plutôt que par son contenu.
Aux oubliettes, la notion de «DMP, ma mémoire santé» avec laquelle le GIP-DMP signe toute sa communication.
Une ou deux décennies…
Place au « système DMP » combinant messagerie (pour l'échange point à point) et dossier virtuel, constitué des dossiers partagés spécialisés (de cancérologie, de réseaux…), dans un « Espace médical partagé » où des liens donnent par exemple accès à l'imagerie ou aux dossiers hospitaliers.
Si l'objectif ne doit se réaliser qu'en «une, voire deux décennies», la mission estime que le dossier patient partagé peut déjà bénéficier, «au-delà des contributions des premiers médecins libéraux, de plusieurs sources de données»: dossier pharmaceutique, imagerie médicale, résultats de biologie, dossier communicant de cancérologie, grâce aux conventions passées ou en cours avec le GIP-DMP ; sans oublier les documents produits par les expérimentateurs des plates-formes régionales, sous réserve de leur évolution vers la « DMP compatibilité ». Et bien sûr l'historique des remboursements et les comptes rendus hospitaliers.
Rien de très original donc dans cette énumération. Ce qui l'est plus, c'est «l'attention prioritaire» dont la prescription électronique devra faire l'objet, au chapitre des services à valeur médicale ajoutée qui pourraient inciter les professionnels à utiliser l'informatique et le DMP.
Côté patients, la mission de relance préconise un régime de consentement unifié et des procédures allégées, en considérant que «l'ouverture du DMP est l'acte fondateur» par lequel le patient consent au principe d'un partage de ses données de santé. Cela suppose une modification législative afin de supprimer les sanctions financières annoncées en cas de non-ouverture d'un DMP par un bénéficiaire de l'assurance-maladie.
La mission recommande d'ailleurs plusieurs autres mesures législatives. Elle propose en effet la création d'un comité de surveillance éthique des systèmes d'information et la suppression du comité d'agrément des hébergeurs de données de santé, créé par décret (l'autorisation par la CNIL valant alors agrément). Elle suggère aussi la mise en place d'une agence pour le développement des systèmes d'information de santé partagés, formée par le regroupement du GIP-DMP, du GIP-CPS et de la composante du GMSIH (Groupement pour la modernisation des systèmes d'information hospitaliers), qui couvre les référentiels d'interopérabilité. Parmi ses missions : la conduite du projet, l'homologation des logiciels, la normalisation. La MISS (Mission pour l'informatisation des systèmes de santé), de son côté, devrait voir son statut et ses moyens renouvelés en appui d'un Conseil national des systèmes d'information de santé, chargé de définir la stratégie globale.
La balle est désormais dans le camp de la ministre.
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