LES SOCIALISTES ont tout à fait raison d'exiger du gouvernement qu'il établisse avec clarté les raisons de notre engagement militaire en Afghanistan, ainsi que le sens et, peut-être, la durée de la mission. Ils ont tout à fait raison de penser que la guerre n'est pas la seule réponse à l'anarchie qui règne dans ce pays. Ils ont tout à fait raison de se méfier des risques militaires et politiques que les États-Unis, qui disposent, en Afghanistan, de leur propre force nationale en dehors des troupes de l'OTAN, et qui se livrent maintenant à des incursions au Pakistan au nom du droit de poursuite, font prendre à l'ensemble de la coalition.
L'avenir de deux pays.
Il demeure qu'un Afghanistan de nouveau livré aux taliban serait un désastre pour le peuple afghan et pour la communauté internationale.
La question n'est pas seulement de savoir si des taliban au pouvoir à Kaboul reprendraient des attentats du niveau de ceux du 11 septembre, ce qui appartient au champ du probable, et même du certain. Elle porte autant sur l'avenir de l'Afghanistan que sur celui du Pakistan, qui possède plusieurs ogives nucléaires, dont un régime issu du terrorisme ferait un usage dévastateur. Les taliban et Al-Qaïda déstabilisent aussi bien le Pakistan (comme en témoigne le terrible attentat contre un hôtel d'Islamabad le week-end dernier) qu'ils ravagent l'Afghanistan.
Il n'est pas vrai que les forces de la coalition sont une armée d'occupation, même s'il est indéniable que trop de civils afghans sont victimes de leurs attaques et bombardements. Le projet, largement bloqué par les insurgés, consiste à donner au régime afghan des institutions et des infrastructures qui lui permettent ensuite d'assurer l'ordre. En dépit d'une guerre qui a déjà duré sept ans, on n'est pas près de ce résultat hautement souhaitable. Il aurait donc été utile que les socialistes, qui n'ont jamais cru que, par leur vote, ils mettraient un terme à notre engagement, contribuent plutôt à la recherche d'une méthode qui associe la reconstruction civile à la répression des taliban.
Certes, la mise au point d'une telle stratégie passe par le bon vouloir des Américains qui n'inspirent qu'aversion aux socialistes, lesquels sont apparus soudainement à l'Assemblée comme les meilleurs avocats du gaullisme à la fois le plus authentique et le moins compatible avec les crises contemporaines : la France n'est pas seule au monde et il ne fait pas de doute qu'elle est directement atteinte par toutes les crises internationales.
Mais les Américains eux-mêmes, avant même que George Bush ne quitte la Maison-Blanche, sont en train de changer de stratégie : d'abord, ils estiment avoir obtenu d'assez bons résultats en Irak et ont commencé à transférer en Afghanistan une partie des troupes qu'ils y maintiennent ; ensuite, le général David Petraeus, l'homme qui a réussi à détruire (ou presque) Al-Qaïda et a engagé un rapprochement avec les sunnites irakiens pour qu'ils renoncent au terrorisme, a été nommé à Kaboul où il ne manquera pas d'appliquer une recette qui lui a valu les éloges des Américains et du reste du monde.
Il n'y a rien, dans les réserves des socialistes, que le gouvernement récuse. M. Fillon aussi souhaite que soit définie la mission en Afghanistan, à la fois sur le plan politique et sur le plan militaire ; il reconnaît implicitement que les troupes françaises ne disposent pas en Afghanistan d'un équipement qui les protège mieux, et il a promis d'envoyer plus de matériel et de munitions ; Nicolas Sarkozy lui-même a ses propres doutes sur la politique afghane et pakistanaise des États-Unis.
Un consensus secret ?
Il y aurait donc entre la droite et la gauche une sorte de consensus secret au sujet de notre présence en Afghanistan.
Une fois de plus, les socialistes se sont bornés à montrer qu'ils militent ardemment dans l'opposition. Ils ne nous ont pas dit qu'ils auraient retiré les troupes françaises s'ils étaient au pouvoir, et pourraient-ils le faire ? Le sujet, qui est grave, méritait sans doute autre chose qu'une nouvelle passe d'armes parlementaire.
D'autant que l'opinion est naturellement isolationniste et trouverait logique que nous ne fassions aucun sacrifice au nom d'un futur incertain. Or les gens hostiles à tout engagement en Afghanistan sont nombreux. Ils minimisent le risque terroriste ; ils n'ont que mépris et haine pour l'Amérique ; ils se moquent du 11 septembre quand ils ne disent pas qu'il a été organisé par les Américains, ou, pour faire bonne mesure, par le Mossad. On n'a pas besoin d'être de droite pour dénoncer cette analyse de charlatan ; on sait bien qu'Al-Qaïda et consorts font des ravages au Pakistan, en Algérie, en Afghanistan et ailleurs.
Bien sûr, une forte activité des services de renseignements vaut mieux qu'une guerre à 6 000 kilomètres ; et les services français peuvent se targuer d'avoir fait, à ce jour, du bon travail. Mais il existe un autre enjeu, qui est géopolitique. Inutile d'entonner le refrain de Munich et d'accuser les pleutres et les planqués qui espèrent échapper à l'orage en courbant l'échine. Il suffit d'avoir un peu de discernement et de dire qu'on se protège mieux contre le danger quand on l'attend debout.
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