LORSQUE le génome du coronavirus du sras a été entièrement décrypté, la piste d'un vaccin agissant contre la protéine S de surface du virus a été privilégiée.
En raison du tropisme respiratoire et muqueux de ce nouveau virus, des infectiologues américains, dirigés par le Dr Alexander Bukreyev (Bethesda), ont eu l'idée d'associer la protéine S du sras CoV à un vaccin vivant atténué déjà utilisé par voie intranasale en pédiatrie pour lutter contre les infections à HPIV3 (un virus Para influenzae à l'origine d'infections respiratoires du nourrisson et du jeune enfant).
L'équipe a donc ajouté au vaccin recombinant atténué BHPIV3 la séquence complète codant pour la protéine S du sras CoV (souche Urbani). Une fois ce nouveau vaccin élaboré, ils l'ont testé sur des singes verts (animaux de petite taille pesant moins de 6 kg) qui présentent, lorsqu'ils sont mis au contact du sras CoV, un tableau clinique assez équivalent au tableau humain (rougeur oculaire, toux, insuffisance respiratoire pouvant conduire au décès).
Par voie intranasale.
Le vaccin, habituellement utilisé par voie intranasale chez les enfants, a été déposé dans le nez des singes verts, après anesthésie générale. Chez certains animaux, le vaccin a été déposé, toujours sous anesthésie, au niveau de la trachée. Au total, 8 singes ont été inclus dans l'expérience : 4 d'entre eux ont bénéficié d'une immunisation par le vaccin BHPIV3/sras-S et 4 par le vaccin contrôle BHPIV3/Ctrl.
Afin de détecter la présence d'anticorps à la surface des muqueuses, des prélèvements naso-trachéaux ont été effectués quotidiennement pendant dix jours après l'inoculation, puis tous les deux jours jusqu'au quatorzième jour. Les investigateurs ont aussi effectué des prélèvements par lavage trachéal à J2, J4, J6 J8, J10 et J14. Ils ont complété l'analyse virologique par une recherche sérique d'anticorps quotidienne. Enfin, à J28, l'ensemble des animaux ont été mis en contact avec une souche virulente de sras CoV afin d'évaluer l'effet clinique de la vaccination.
« L'utilisation du vaccin BHPIV3/sras-S permet une immunisation topique du tractus respiratoire, voie de contamination la plus fréquente du sras CoV. En outre, la vaccination induit une immunisation systémique prouvée par la présence d'anticorps au sein des prélèvements sériques. Mais la quantité d'anticorps sécrétée par la vaccination est environ huit fois moins importante que celle liée à une mise en contact direct avec le virus », analysent les auteurs. Néanmoins, la présence d'anticorps neutralisants muqueux et d'anticorps systémique a permis de protéger de façon tout à fait efficace les singes verts contre l'infection expérimentale.
Nourrissons et jeunes enfants.
Dans un éditorial, le Dr A. Foxwell replace ce travail en perspective. S'il reconnaît que l'immunisation produite par une dose unique de vaccin pourrait s'inscrire dans une stratégie de lutte contre une pandémie à sras CoV, il insiste sur le fait que « ce type de vaccination n'est possible que chez les nourrissons et les jeunes enfants. Généralement, les plus âgés ont déjà été en contact avec le virus HPIV3 et, dans ces conditions, leurs anticorps naturels empêchent toute action du vaccin ». En outre, il est maintenant important d'effectuer des tests afin de mieux connaître la durée de l'immunisation en utilisant la voie vaccinale intranasale, car il semblerait que l'immunité induite soit nettement moins longue que celle obtenue avec des vaccins administrés par voie systémique. Enfin, des expérimentations humaines seront nécessaires car il est toujours possible que la réponse à un vaccin soit différente chez l'homme par rapport à un mammifère, qui lui est pourtant proche.
« Lancet » vol. 363, pp. 2102-2103 et 2121-2126, 26 juin 2004.
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