Compréhension du cancer de la prostate

Des similitudes frappantes entre cancérogenèse et embryogenèse

Publié le 21/09/2008
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LE DÉVELOPPEMENT d'un cancer de la prostate passerait par la réactivation du programme d'expression génétique qui conduit à la formation de cet organe au cours de l'embryogenèse. Une équipe de chercheurs de l'université Johns Hopkins vient de découvrir que le profil d'expression des gènes caractérisant les cellules de tumeurs de la prostate est très similaire à celui observé dans les précurseurs prostatiques.

Les cellules embryonnaires et tumorales partagent de nombreuses propriétés : se multiplier de manière intensive, échapper aux mécanismes du vieillissement et de la mort cellulaire, recruter des vaisseaux sanguins, migrer dans les tissus adjacents. L'ensemble de ces données a conduit les scientifiques à imaginer que la cancérogenèse pouvait être, au moins en partie, semblable à l'embryogenèse. Restait à tester cette théorie.

David Berman et coll. ont choisi de s'y atteler en étudiant le cas du cancer de la prostate. Les chercheurs ont comparé le transcriptome de cellules dérivant de tumeurs prostatiques à celui des cellules prostatiques prélevées sur des foetus de souris, à différents stades du développement.

Suivre les modifications de l'expression génétique.

Suivre les modifications de l'expression génétique.

La croissance de la prostate est déclenchée par les androgènes. Pour être certains de bien contrôler le phénomène, Berman et coll. ont utilisé un stratagème un peu « tordu ». Ils ont injecté des androgènes à des souris gravides, porteuses de foetus de sexe féminin. L'injection déclenche la formation d'une prostate, même chez les embryons femelles. Les chercheurs ont réalisé des prélèvements, six, douze et quarante-huit heures après l'injection, de manière à suivre les modifications de l'expression génétique déclenchées par les androgènes tout au long du processus de formation de la prostate.

Cette analyse a montré que les hormones masculines entraînent tout d'abord l'inhibition de plusieurs centaines de gènes. À H + 12, environ 200 gènes qui étaient jusqu'alors éteints sont soudainement activés. À H + 48, un peu plus de 800 gènes ont une expression contrôlée par les androgènes. La moitié est inhibée, l'autre moitié, surexprimée. Berman et coll. supposent que les androgènes agissent en commençant par éteindre l'expression des gènes nécessaires au développement des organes sexuels féminins, puis en activant ceux nécessaires à la formation de la prostate.

Le travail de l'équipe de Berman a aussi et surtout mis en évidence une similitude frappante entre le programme d'expression génétique des précurseurs prostatiques et celui des cellules des cancers prostatiques. L'activation des mêmes gènes semble être impliquée dans l'acquisition des capacités de ces deux types de cellules à proliférer, à migrer et à changer d'aspect.

E. Schaeffer et coll., « Oncogene », édition en ligne avancée.

> ÉLODIE BIET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8423