UN ÉLÉPHANT avec un oeil plus gros que l’autre, c’est pas courant. Et c’est rigolo. Mais il s’agit surtout de l’un des signes distinctifs des personnages inventés par l’artiste peintre Ségo Durand, dont l’univers des Série-golo est à la fois original et espiègle. Depuis quelques semaines, la bonne humeur et les histoires ont pris place dans ce service d’endocrinologie pédiatrique pas comme les autres de l’hôpital Necker - Enfants-Malades. Grâce à ces petits bonshommes qui accrochent le regard, les enfants hospitalisés du service ne voient plus l’hôpital comme un lieu fermé et austère. C’est même presque avec empressement qu’ils s’y rendent en service de jour ou de semaine, pour retrouver les chambres décorées selon des thèmes différents : les fées, la forêt, la jungle, le cirque, la ferme, la musique, les animaux accompagnent les jeunes malades et nourrissent l’imaginaire de leur quotidien. «Il n’y a pas de méchant chez les Série-golo, explique Ségo Durand. Ce n’est que du bonheur pour les enfants, qui restent souvent étonnés devant les visages très expressifs de ces personnages.» Expressifs, les Série-golo le sont, sans aucun doute. Mimant l’étonnement, l’interrogation ou la surprise, ces petits personnages aux couleurs pétillantes interpellent leur entourage. Dans le couloir, deux fillettes chevauchent un hippopotame mauve dans une nuée de papillons. Un peu plus loin, d’autres enfants rebondissent sur des ballons et en tombent à la renverse. Là, un singe s’accroche du bras droit à un palmier pour lancer de sa main libre des noix de coco sur la tête d’un tigre, sonné. Tandis que moutons, vaches et biquettes s’amusent à former des pyramides « humaines ». Le petit monde de Ségo Durand est joyeux et convivial. La bonne humeur est le maître mot dans ces chambres où l’on prend plaisir à s’amuser ensemble. Et les enfants aiment. «Chaque jour, nous continuons à découvrir de nouveaux détails dans ces dessins plus surprenants les uns que les autres, affirme Véronique, infirmière en hôpital de jour. C’est à la fois un plaisir pour les yeux et pour la pensée. Car chaque mise en scène sert souvent de prétexte pour raconter une histoire. Les enfants peuvent ainsi s’évader dans leur monde imaginaire et échapper à la réalité qui est malheureusement souvent moins drôle.» Alors, pendant les soins et les tests, les regards se tournent vers les murs ou le plafond et se perdent dans les prunelles asymétriques de leurs complices imaginaires.
L’histoire d’une rencontre.
Lors de l’inauguration de la Série-golo, le Pr Polak a tenu à remercier toutes les personnes présentes ainsi que celles qui ont permis de réaliser ce rêve un peu fou, jamais envisagé auparavant dans le secteur hospitalier. «Ce sont des oeuvres qui explosent de gaîté, de couleurs et de joie. Merci à Ségo. A travers ses personnages, on sent son grand coeur qui vient vers nous. C’est ce qui m’a touché», a-t-il déclaré. Alors qu’il se promenait dans son quartier, il y a cinq ans, les affiches de l’artiste l’ont attiré. «J’ai tout de suite été touché par les yeux asymétriques», explique le professeur. Une rencontre de voisinage qui débouche très vite sur une envie commune : celle d’embellir l’univers souvent triste des enfants hospitalisés. Un projet de longue haleine, qui verra le jour au bout d’un an de calculs, recherches de financement, réflexions et créations.
«Nous avions commencé par voir beaucoup trop grand», ajoute le médecin. Grâce au financement, mais surtout aux bons conseils de l’association Maeh, présidée par Jacques Guillerand, le projet voit le jour. «M.Durand, brillant logisticien, nous a ramenés sur Terre. A la suite de quelques calculs, il nous a expliqué qu’il nous faudrait quatre ans pour venir à bout de ce projet. Il nous a donc aidés à envisager les choses de façon raisonnable.»
Il est vrai que la réalisation de ces fresques en contreplaqué n’était pas chose facile. Ni pour l’artiste, qui travaillait sur ce genre de support pour la première fois, ni pour l’association Maeh, qui souhaitait un projet à taille humaine. «Dans cette aventure, comme pour beaucoup d’autres, nous n’avons pas fait que signer un chèque, explique J. Guillerand. Notre association s’occupe du suivi et accompagne chaque projet de A àZ.» Pour cette réalisation qui aura coûté à peu près 38 000 euros, cet ancien ingénieur logisticien a pris les choses en main. Mesure des couloirs, contact avec les entrepreneurs, négociation des devis n’ont pas fait peur à cet octogénaire plein de ressources. Et d’expérience. «Nous avons des boutiques dans neuf hôpitaux de l’AP-HP tenues par 120bénévoles, explique-t-il. Et les bénéfices de leurs ventes servent à la réalisation de projets qui améliorent l’environnement des malades.» Jardins pour les personnes âgées, bancs dans l’enceinte de l’hôpital Bichat ou transports de personnes handicapées, les activités de l’association répondent à des demandes très spécifiques. Son prochain rêve ? Faire en sorte que d’autres services et hôpitaux puissent profiter d’initiatives de ce genre. «Et pourquoi pas des Série-golo chez les adultes, aussi?»
Renseignements : www.serie-golo.com. Et l’association Maeh : 01.43.37.56.33.
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