Le TEMPS DE LA MEDECINE
Le climat et les saisons ont-ils une influence sur les troubles psychiatriques, comme on le dit souvent ? Petit aperçu avec le concours du Dr Patrick Lemoine (clinique de Mézieux).
Si l'on en croit quelques études, le vent du sud s'accompagne d'une plus grande tendance à l'agressivité. L'hypothèse est évoquée depuis longtemps. Ainsi, au XVIIIe siècle, en Bavière, un meurtre commis par temps de fœhn bénéficiait des circonstances atténuantes. Selon certains auteurs, le phénomène serait lié à une modification de la sérotonine cérébrale due à l'ionisation de l'air observée lorsque souffle le vent du sud. Ce dernier est également impliqué dans la survenue de céphalées, accompagnées éventuellement d'un état de subconfusion, d'une désorientation, voire d'insomnie, décrites surtout chez les personnes âgées présentant une atrophie cérébrale débutante et une insuffisance de liquide céphalo-rachidien. La déshydratation entraînée par le vent aggrave cette insuffisance, expliquant les manifestations cliniques observées dans ces circonstances.
Au printemps et en automne
On sait depuis Hippocrate que les patients atteints de troubles bipolaires ont une tendance très nette à faire des rechutes au printemps et à l'automne. La survenue d'une aggravation de ces troubles au moment de l'équinoxe et du solstice est bien établie.
La dépression saisonnière (Seasonal Affective Disorder, ou SAD) est une entité reconnue depuis le début des années 1980. Elle commence à l'automne et se manifeste par une hyperphagie pour les sucres, une prise de poids et une hypersomnie. Après avoir atteint son acmé au moment du solstice d'hiver, elle décroît et guérit à l'équinoxe du printemps. La prise en charge de la dépression saisonnière repose sur la luminothérapie.
Chaleurs délétères
Certains sujets pourraient souffrir de dépression estivale. La réalité de ce trouble, évoqué seulement par un petit nombre d'équipes, n'a pas été confirmée. La dépression estivale serait davantage liée à la chaleur qu'à la luminosité.
Par ailleurs, les fortes chaleurs sont particulièrement délétères pour les patients psychiatriques, qui ont un risque relatif de décès accru durant ces périodes. Leur fragilité est liée non seulement aux traitements (prise de neuroleptiques ou de certains médicaments à effet cholinergique), mais aussi à la maladie psychiatrique elle-même. Le stress post-traumatique entraîné par les catastrophes climatiques (inondations, sécheresse...) ne présente pas de spécificité. Ses caractéristiques sont comparables à celles des troubles qui surviennent après n'importe quelle catastrophe collective. Si ce n'est que, de nos jours, on a tendance à toujours chercher un coupable. Dans cette société de « non risque », les hommes développent un sentiment non seulement d'injustice, mais aussi de haine vis-à-vis de ceux qui auraient dû les prémunir mais qui ne l'ont pas fait. A l'heure actuelle, des cellules de soutien psychologique sont systématiquement mises en place après une catastrophe. Elles font désormais partie des rituels sociaux. Cette attitude est très critiquable, estime le Dr Lemoine : « Chaque fois qu'on est dans le codifié, le normé, on n'est plus dans le soin. » Les résultats d'études britanniques et américaines pourraient conduire à une remise en question de l'intérêt de ces cellules de soutien. Elles ont en effet montré, principalement dans le cadre d'accidents de la route, que l'évolution à un an des sujets ayant eu un débriefing (abréaction) était moins bonne que ceux qui n'en avaient pas bénéficié. Certains auteurs ont d'ailleurs pris le contre-pied de cette attitude. Selon eux, l'administration de benzodiazépines de façon que les victimes oublient, « n'impriment pas », serait plus efficace.
Toutes les études sont relativement concordantes pour dire que la lune n'a aucune influence sur les troubles psychiatriques, qu'il s'agisse notamment de dépression ou de tentative de suicide, « sauf si l'on y croit ».
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