RÉUNIE sous la présidence de Nicolas About, la commission des affaires sociales du Sénat s’est penchée sur l’état d’application de la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.
Deuxième du genre, dix ans après celle promulguée en 1994, la loi de 2004 a été élaborée sous l’égide du conseil d’Etat, du Comité consultatif national d’éthique (Ccne) et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.
Sur les quarante articles qui constituent la loi, vingt-quatre ne nécessitaient pas de texte réglementaire. Ils ont donc pu entrer en application directement. La loi comprenait également des articles dont l’effectivité était différée, sans impliquer pour autant la publication de textes réglementaires : il s’agissait essentiellement de mesures relatives à l’évaluation de la législation. En revanche, l’application effective de toutes les autres dispositions de la loi requérait la publication de 44 textes réglementaires, de 24 décrets et de 20 arrêtés. A ce jour, 13 décrets seulement ont été publiés.
Une grande majorité des décrets encore en attente devraient être publiés d’ici à la fin du premier semestre, le retard pris dans leur élaboration et leur parution s’expliquant par «leur technicité, les nombreuses consultations auxquelles (ces textes) doivent donner lieu et l’impact d’autres dispositions législatives et réglementaires».
Les chercheurs consultés par le rapporteur de la commission sénatoriale ont été formels : la recherche française a pâti de l’application tardive des lois de 1994, puis de celle d’août 2004. Pour le Dr Jacques Hatzfeld, directeur de recherche au Cnrs (Centre national de la recherche scientifique), «la recherche française a perdu dix ans». Opinion nuancée par le Pr Axel Kahn, qui dirige l’institut de génétique moléculaire, à l’hôpital Cochin : «Les équipes de chercheurs français ont pris du retard en matière de recherche sur l’embryon, très active dans de nombreux pays (...). Ce retard doit toutefois être relativisé dans la mesure où la France est en pointe pour la recherche sur les cellules animales.»
Il est certain, relève le rapport, que la deuxième révision des lois de bioéthique ne pourra pas intervenir en 2009, comme il était prévu initialement (révision tous les cinq ans), car il sera nécessaire, avant que le Parlement se prononce, de disposer des résultats des recherches menées sur les cellules souches embryonnaires.
A ce retard s’ajoutent des difficultés matérielles qui nuisent au bon fonctionnement des activités de la recherche française, indique le rapport. Et en premier lieu, le manque de moyens humains. Cinquante et un pour cent des chercheurs français ont plus de 50 ans, rappelle-t-on. Et la désaffection pour les études scientifiques perdure. Les difficultés financières demeurent par ailleurs et la lourdeur des démarches administratives constitue un frein à l’efficacité de la recherche.
Clonage : à suivre.
Plusieurs thèmes seront à «envisager» pour la rédaction de la prochaine loi. Le clonage, d’abord. La «commission estime que la législation internationale dans le domaine de la bioéthique doit être renforcée. Elle trouve regrettable que la France, qui n’a toujours pas ratifié la convention d’Oviedo*, ne soit pas le moteur d’une réflexion en ce sens». Des évolutions sont souhaitables également dans le domaine de l’embryologie et de la procréation. Le rapporteur de la commission a exprimé le souhait que la troisième loi de bioéthique «autorise officiellement, en continuant à les encadrer comme elles le sont aujourd’hui, les recherches sur les cellules souches embryonnaires». Cette autorisation devrait, précise encore le rapport, «s’accompagner d’une définition plus précise de l’embryon qui, rappelons-le, n’a pas de véritable statut juridique en France, mais aussi l’inscription dans le code civil de la notion de “préembryon” (...)».
Le rapporteur espère également que la prochaine révision de la législation sur la bioéthique soit l’occasion de poser la question de l’implantation post-mortem d’embryons pour permettre à une femme dont le conjoint est décédé de porter son enfant. Il ajoute enfin que la prochaine loi devra poursuivre ses efforts «entrepris depuis 1994» en matière d’incitation au don d’organes et de développement de l’activité de greffe.
* Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, dite d’Oviedo, convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine.
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