ON PREND CONSCIENCE de l'importance d'un syndrome à part entière, l'apathie, dans les maladies neurodégénératives et en particulier dans la maladie d'Alzheimer (MA). Ce trouble du comportement se manifeste par une baisse des activités orientées vers un but, un manque d'intérêt, de productivité, une difficulté à prendre des initiatives, une diminution des réponses affectives. Souvent présent très précocement, il majore le déclin des fonctions cognitives, aggrave le pronostic et complique la tâche des soignants. Il résulte d'un dysfonctionnement neuronal spécifique au niveau des régions corticales préfrontales. On s'est donc intéressé à des molécules, qui, associées aux traitements habituels de la MA pourraient améliorer cette composante.
La sulbutiamine, un neurotropisme spécifique.
La sulbutiamine est un dérivé de la vitamine B1, connu depuis longtemps pour sa bonne tolérance et son efficacité dans le traitement de certains états d'inhibition physique ou psychique avec baisse d'activité et apathie.
Plus récemment, il a été a montré que la sulbutiamine module la transmission glutamatergique par son rôle de cofacteur essentiel à la synthèse des enzymes impliquées dans le métabolisme cérébral et la synthèse du glutamate dans le cortex préfrontal et cingulaire. Elle agit aussi sur la transmission cholinergique (diminuée dans la MA) à l'étage du cortex frontal. Dans un modèle expérimental, il a été mis en évidence qu'elle améliore la mémoire épisodique et l'orientation temporospatiale .
La sulbutiamine pourrait ainsi faciliter l'apprentissage, en s'opposant aux effets amnésiants du blocage de la transmission glutamatergique au niveau des récepteurs NMDA, agir sur le manque de motivation et l'apathie grâce à ses effets sur la transmission dopaminergique, et améliorer les performances cognitives globales (capacités d'attention, de mémoire de travail, des fonctions exécutives). On a aussi montré une amélioration de la vigilance.
Compte tenu du neurotropisme spécifique de la sulbutiamine et de son activité observée sur la mémoire et l'attention dans des modèles expérimentaux, il paraissait logique d'envisager une action de la sulbutiamine, distincte de celle des inhibiteurs de l'acétylcholinestérase sur le cortex préfrontal des patients atteints de MA, et une étude a été entreprise pour évaluer ses effets sur les troubles cognitifs de patients souffrant de MA.
Des résultats prometteurs dans la maladie d'alzheimer.
Une étude a confirmé l'intérêt de la sulbutiamine chez des patients traités par ailleurs par des inhibiteurs de la cholinestérase. Cette étude multicentrique, en double aveugle, concernait 83 patients atteints de formes légères de MA, afin de comparer l'efficacité de l'association donépézil (5 à 10 mg) + sulbutiamine (400 à 600 mg/j) au donépézil seul. Des résultats statistiquement significatifs et corroborés par l'entourage ont été observés chez les patients traités par la sulbutiamine en ce qui concerne la mémoire et les capacités d'attention. Après six mois de traitement, la mémoire épisodique (Test de Gröber et Buschke) avec le rappel de mots libre immédiat, rappel total (avec aide) et rappel libre différé était nettement améliorée. Le Trail Making T a aussi mis en évidence un gain net sur les capacités d'attention, la rapidité visuomotrice et la flexibilité mentale.
Cette étude montre, que la sulbutiamine et le donépézil ont des effets synergiques qui permettent d'améliorer la mémoire épisodique et les fonctions exécutives chez les patients atteints de maladie d'Alzheimer. L'association de la sulbutiamine aux traitements classiques apporterait un bénéfice supplémentaire pour la prise en charge des troubles cognitifs de la MA.
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