Traitement locorégional des tumeurs du foie

Des résultats encourageants avec la radiofréquence

Publié le 09/03/2008
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La radiofréquence est devenue une option thérapeutique majeure pour les malades atteints de petit carcinome hépatocellulaire. Une destruction complète est le plus souvent possible quand le diamètre de la tumeur est inférieur à 3 cm. Les taux de survie à cinq ans atteignent 50 %, avec une morbidité inférieure à 5 % et une mortalité inférieure à 1 %. Le point avec le Pr Michel Beaugrand.

LES TRAITEMENTS locorégionaux non chirurgicaux des tumeurs hépatiques concernent principalement le carcinome hépatocellulaire et les métastases hépatiques. L'alcoolisation, la radiofréquence et la chimio-embolisation intra-artérielle en sont les modalités les plus utilisées. Les indications dépendent de la nature de la tumeur, de son extension, de la fonction hépatique et de l'état général du patient.

La radiofréquence, qui fait partie de l'arsenal des traitements percutanés, a pour objectif l'éradication complète des lésions tumorales. Elle constitue donc un traitement à visée curative, qui concerne avant tout les patients asymptomatiques dont la maladie tumorale est peu étendue et strictement limitée au foie. La source énergétique utilisée est un courant électromagnétique alternatif de 380 à 500 kHz classiquement délivré par une électrode intratumorale unique, qui provoque un échauffement. Cette hyperthermie localisée induit alors une nécrose par coagulation, des lésions mitochondriales irréversibles et une dégradation enzymatique.

Plus de 90 % des carcinomes de moins de 3 cm totalement nécrosés.

La destruction complète d'une tumeur avec une marge de sécurité implique que la totalité du volume tissulaire concerné soit exposé pendant au moins 5 minutes à des températures comprises entre 55 et 100 °C. Ainsi, en fonction du dispositif utilisé, le temps d'exposition peut atteindre plusieurs dizaines de minutes. Le trajet de ponction doit être cautérisé par un « retrait chaud », ce qui permet de réduire le risque hémorragique et de détruire les cellules tumorales éventuellement disséminées le long du chenal de ponction.

La radiofréquence, comme toute méthode physique, présente l'intérêt d'être efficace tout à la fois sur le carcinome hépatocellulaire et en cas de métastases, même si la destruction complète des métastases est plus exigeante en temps et en énergie. La fibrose du foie cirrhotique semble limiter la dispersion thermique au sein du parenchyme. Cet effet « four » rendrait compte de la meilleure efficacité de l'hyperthermie sur les carcinomes hépatocellulaires. Ainsi, pour une même taille, de 90 à 96 % des carcinomes ne dépassant pas 3 cm sont totalement nécrosés après application du courant de radiofréquence, contre seulement de 50 à 80 % des métastases. Cette différence d'efficacité a également été mise en évidence en termes de récidives locales. Celles-ci sont en effet plus fréquentes en cas de métastases qu'en cas de carcinome.

Il est par ailleurs admis que l'efficacité de la radiofréquence décroît quand le diamètre de la lésion traitée augmente (1). Ainsi, avec une électrode de radiofréquence monopolaire, moins d'une lésion sur deux dont le diamètre est supérieur à 3 cm est complètement détruite. Toutefois, l'utilisation d'un nouveau système multipolaire de radiofréquence a permis de détruire complètement des carcinomes dont le diamètre variait de 5 à 9 cm. D'autres développements technologiques majeurs sont apparus récemment. Ils permettent également d'augmenter le volume de nécrose induit par un impact. Le diamètre maximal de nécrose peut alors atteindre 5 cm (2). Il s'agit des électrodes multipolaires multi-aiguilles. La radiofréquence peut égale- ment être combinée à une chimio-embolisation préalable. Des variantes techniques font appel aux électrodes à refroidissement interne et aux électrodes perfusées, ainsi qu'aux électrodes déployables.

Plus de 50 % de survie à cinq ans.

Dans le traitement des petits carcinomes, les résultats de la radiofréquence sont davantage prédictibles et reproductibles que ceux de l'alcoolisation. Quatre études comparatives prospectives randomisées ont montré que, pour obtenir une nécrose complète, il faut environ quatre fois moins de séances avec la radiofréquence qu'avec l'alcoolisation. Certaines études mettent également en évidence un gain en termes de survie chez les patients traités par radiofréquence, comparativement à ceux traités par alcoolisation.

Les résultats de la radiofréquence en termes de survie sont encourageants (3). En effet, à cinq ans, celle-ci atteint de 40 à 55 % en cas de carcinome et 25 % en cas de métastase. Ces chiffres ont été obtenus chez des patients en moins bonne condition générale que ceux qui sont sélectionnés pour la chirurgie.

Ils ont bien évidemment été confirmés dans une étude randomisée récente qui a porté sur des patients éligibles pour une résection chirurgicale. Il faut toutefois noter que le pronostic du patient dépend de l'évolution de la tumeur, mais aussi de celle de la cirrhose sous-jacente et de l'incidence des nouvelles tumeurs, locales ou à distance, qui est de l'ordre de 10 à 15 % par an. L'expérience de l'opérateur est un autre facteur important.

Enfin, la radiofréquence, comme les méthodes percutanées en général, présente l'intérêt d'avoir moins de contre-indications et d'induire une morbi-mortalité moindre que la chirurgie. La morbidité n'excède en effet pas 9,5 % (4) et la morbidité 0,3 % (5).

D'après un entretien avec le Pr Michel Beaugrand, hôpital Jean-Verdier, Bondy.
(1) Livraghi T et coll. Hepatocellular carcinoma : radio-frequency ablation of medium and large lesions. Radiology 2000 ; 214 : 761-8.
(2) Goldberg SN, Ahmed M. Minimally invasive image-guided therapies for hepatocellular carcinoma. J Clin Gastroenterol 2002 ; 35 : S115-29.
(3) Beaugrand M, Seror O. Transcutaneous treatments of hepatocellular carcinoma in patients with cirrhosis : present status and future developments. Curr Pharm Des 2007 ; 13 (32) : 3274-8.
(4) Lencioni R et coll. Complications of percutaneous radiofrequency ablation of liver malignacies with expandable multiprobre needles: results of a multicenter study. Radiology 2003 ; 229 (P) : 671.
(5) Giorgio A et coll. Complications after percutaneous saline-enhanced radiofrequency ablation of liver tumors: 3-year experience with 336 patients at a single center. Am J Roentgenol 2005 ; 184 : 207-11.

> Dr GERARD BOZET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8328