Le dépistage du cancer colo-rectal par la recherche de saignement occulte dans les selles a fait ses preuves dans quatre départements. Il va être étendu à l'ensemble du territoire français. Commentaires avec le Pr Jean-François Bretagne.
LE DEPISTAGE du cancer colo-rectal à l'échelon national s'insère dans le cadre du plan Cancer, mis en oeuvre le 24 mars 2003 par le président de la République. La mesure 24 de ce plan précise que «l'objectif est de mettre en place une stratégie expérimentale de dépistage susceptible d'être généralisée». Après appel à candidature, le dépistage a été planifié dans vingt-trois départements pilotes et est en cours d'évaluation. Les résultats sont actuellement disponibles dans les quatre départements les plus en avance : le Bas-Rhin, la Côte-d'Or, la Saône-et-Loire et l'Ille-et-Vilaine. La population concernée est d'environ 2,7 millions d'habitants. Aux 23 départements pilotes où le dépistage est en cours s'ajoutent 14 départements supplémentaires depuis janvier 2007 (1).
Pour ce dépistage, l'exécutif avait fixé pour objectif de parvenir à une couverture supérieure ou égale à 50 % de la population. Cela devrait permettre d'obtenir une réduction de la mortalité spécifique de 18 %, comme cela a été précédemment montré.
La méthode de dépistage choisie est la détection de saignement occulte dans les selles par le test au guaïac de type Hémoccult, qui a fait la preuve de son efficacité dans plusieurs essais contrôlés européens.
Les campagnes de dépistage ont été organisées dans chaque département, conformément au cahier des charges national. Celui-ci comportait la formation et l'information des professionnels de santé, gastro-entérologues et médecins généralistes. Elle a été réalisée en coordination avec le comité technique régional des cancers, par groupes d'une cinquantaine de médecins au maximum. La remise du test aux sujets concernés a été effectuée par le médecin traitant ou, à défaut, par voie postale. Des courriers de rappel ont été envoyés, si besoin, aux deuxième et sixième mois. Pour le retour des tests, les sujets devaient mettre les plaquettes dans une pochette à glissière en plastique qui étaient directement placée dans une enveloppe T gérée par La Poste. Cette enveloppe identifiait la campagne de dépistage du cancer colo-rectal.
La population cible comportait 685 853 hommes et femmes de 50 à 74 ans. Le test au guaïac n'était pas recommandé en cas d'antécédent personnel de cancer ou d'adénome colo-rectal, d'antécédent familial de cancer colo-rectal, ou en cas de réalisation d'une coloscopie complète normale depuis moins de cinq ans. Cela concernait 67 786 sujets (soit 9,9 % de l'effectif global) ; ils ont été exclus de ce dépistage.
Le dépistage répond aux attentes du cahier des charges.
Pour les quatre départements dont les résultats sont disponibles, le nombre de personnes qui ont fait le test a été de 323 291, soit 52,3 % de la population après exclusion des sujets chez lesquels il n'était pas recommandé, pour un objectif national fixé à 50 %. Le nombre de tests positifs a été de 9 387 (2,9 %). Ce résultat n'est pas trop faible. Cela aurait signifié un taux de faux négatif excessif. Il n'est pas non plus trop élevé, ce qui aurait impliqué un nombre peu acceptable de coloscopies inutiles.
Le nombre de coloscopies a été de 7 979, ce qui représente 85 % des sujets ayant eu un test au guaïac positif. Elles ont permis de mettre en évidence 772 lésions cancéreuses, soit 9,7 % de la population testée. Ces lésions étaient de stade 0 ou 1 dans un cas sur deux.
La valeur prédictive positive de cette stratégie de dépistage pour le diagnostic d'adénomes a été de 33,2 %. Parmi les sujets qui avaient un adénome, 50 % avaient au moins un adénome de plus de 1 cm et 24,7 %, un adénome avec une dysplasie sévère.
Selon les départements, le délai entre la réception du résultat du test au guaïac positif et la mise en oeuvre de la coloscopie a varié de 42 à 63 jours. Les complications ont été rares (6), soit environ 0,9 pour 1 000 coloscopies pratiquées et pour 100 cancers dépistés.
Ces résultats montrent que le dépistage du cancer colo-rectal répond aux attentes du cahier des charges. Son extension à l'ensemble du territoire nécessite des efforts d'information auprès du public et des médecins, pour augmenter les taux de participation et de réalisation de la coloscopie.
Toutefois, il faut rappeler que le dépistage du cancer colo-rectal par la détection de saignement occulte dans les selles par le test au guaïac est une méthode qui est l'objet de débats en Europe. En Allemagne, une coloscopie totale dès l'âge de 50 ans, puis tous les dix ans, est proposée de manière systématique. Le test au guaïac est préféré en France en raison de son coût, des complications potentielles de la coloscopie et de la mauvaise observance prévisible de la population à la stratégie de dépistage par coloscopie.
Enfin, un test immunologique de recherche de sang occulte dans les selles, avec lecture quantitative automatisée, sera possible dans l'avenir, à condition que l'amélioration de la sensibilité de cette méthode ne soit pas obérée par une perte de spécificité.
D'après un entretien avec le Pr Jean-François Bretagne, CHU de Rennes.
(1) Le nouveau cahier des charges des programmes de dépistage des cancers, dont les annexes sont parues au « Journal officiel » du 21 décembre 2006, est disponible sur le site de la Société nationale française de gastro-entérologie : www.snfge.asso.fr.
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