Le phénotype des maladies allergiques

Des relations gènes-environnement complexes

Publié le 04/07/2006
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7e Congrès international de pneumologie pédiatrique (CIPP)8-11 juillet 2006 - Montréal

CES DIX dernières années, l’importance de l’augmentation de la prévalence et de l’incidence de l’asthme et des maladies allergiques dans la population des pays industrialisés a conduit à la réalisation de nombreuses recherches mettant en exergue le rôle délétère des facteurs environnementaux. En effet, l’impact des mutations génétiques a d’abord été considéré comme négligeable compte tenu de la rapidité d’évolution de l’épidémiologie des maladies allergiques.

La caractérisation du génome humain et le développement de technologies de pointe, dans le domaine de la génétique, ont toutefois conduit certains chercheurs à étudier les interactions gènes-gènes et gènes-environnement, afin d’apprécier leur impact éventuel sur l’explosion des affections allergiques.

De la botanique à l’homme.

La botanique permet de bien comprendre la nature des interactions gènes-environnement. Certaines plantes, identiques en tout point sur le plan de leur génome, peuvent avoir une croissance très différente selon l’altitude à laquelle elles vivent, exprimant ainsi une caractéristique différente de leur phénotype. De la même façon, de telles observations ont été faites chez l’homme. Elles sont d’ailleurs à l’origine de ce que l’on a dénommé « l’hypothèse hygiéniste » des maladies allergiques, permettant, pour une part, d’expliquer l’augmentation de la prévalence de ces affections. Ainsi, dans un travail réalisé chez des militaires italiens (1), la fréquence des affections allergiques s’est révélée moindre dans le groupe des hommes ayant une sérologie positive pour le virus de l’hépatite A (VHA). A l’inverse, dans l’étude Nhanes (2), les sujets séronégatifs pour le VHA présentait plus fréquemment un asthme ou une rhinite allergique. McIntire (3) a démontré qu’un génotype codant pour les récepteurs leucocytaires majeurs pour l’hépatite A est associé à une moindre sensibilisation aux allergies ; cet effet protecteur n’est constaté que chez les sujets ayant été en contact avec le VHA.

Dans les environnements agricoles.

Une autre étude observationnelle réalisée dans des communautés rurales en Europe a montré que cet environnement réduit la fréquence des manifestations allergiques. Cet effet protecteur est lié à la présence d’une endotoxine, capable d’induire une réponse immune spécifique des cellules Th1 par le biais d’une régulation du système immun, interagissant avec les récepteurs Toll-like 4 (TLR-4). D’autres facteurs présents dans la poussière trouvée dans les fermes, comme certaines bactéries à Gram positif interagissent avec les récepteurs TRL-2 et exercent aussi une influence positive en réduisant le risque allergique. Des études récemment publiées par Eder et coll. (4) ont démontré que le polymorphisme génétique des récepteurs TLR-2 est associé à une réduction significative de l’incidence de l’asthme et du rhume des foins, uniquement chez les sujets ayant grandi dans un environnement rural.

Petite enfance.

En pédiatrie, certaines données issues de l’étude prospective COAST (Childhood Origins of Asthma) (5) illustrent également le rôle de l’interaction gênes-environnement. COAST est une étude de cohorte qui a évalué, chez des enfants dès la naissance, les corrélations entre l’âge, les infections virales, le profil de réponse immunitaire et le risque de développer une affection allergique ou un asthme. Un résultat étonnant a été observé : il existe une réduction significative de la fréquence des manifestations allergiques et de la dermatite atopique chez les enfants ayant vécu en présence d’un chien à la maison durant leur première année de vie (6). En fait, les contacts avec le chien provoquent une augmentation de la sécrétion d’interleukine 10, cytokine immunorégulatrice. Des études plus approfondies ont confirmé l’influence de cette interaction entre l’environnement et les gènes sur le développement d’une maladie allergique. Quant aux chats, ils ne semblent apporter aucune protection !

D’après Robert F. Lemanske (Madison, Etats-Unis) Disease.
(1) Matricardi PM et coll. « BMJ » 1997 ; 314 : 999-1003.
(2) Matricardi PM et coll. « J Allergy Clin Immunol », 2002 ;110 : 381-387.
(3) McIntire JJ et coll. « Nature » 2003 ; 425 : 576.
(4) Eder W et coll.« J Allergy Clin Immunol » 2004 ; 113 : 482-488.
(5) Copenhaver CC et coll. « Am J Respir Crit Care Med » 2004 ; 170 : 175-180.
(6) Gern JE et coll. « J Allergy Clin Immunol » 2004 ; 113 : 307-314.

> Dr CATHERINE FELDMAN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7993