EN PARTENARIAT avec le Leem (Les Entreprises du médicament, le syndicat patronal de l’industrie pharmaceutique), « le Quotidien du Médecin » organise en région des rencontres entre l’industrie et des médecins généralistes. Avec l’intention de renouveler les bases d’un dialogue indispensable entre les deux parties.
C’est ainsi que se sont retrouvés à Tours, pour la première de ces rencontres, animée par Philippe Leduc, responsable du pôle Presse de CMP Medica (qui publie « le Quotidien »), des responsables de l’industrie pharmaceutique et une quarantaine de médecins généralistes.
Dès le premier thème (la recherche), les médecins se sont montrés très impliqués : «Mes patients ne m’avaient jamais parlé de certains syndromes comme celui des jambes sans repos avant que les laboratoires n’en parlent, assure l’un d’eux . On a parfois l’impression que les laboratoires inventent des syndromes qui leur permettent de recycler un médicament.» Un argument contesté par le Leem : «Quand on propose d’adapter un médicament existant à une nouvelle pathologie, ce médicament doit parcourir le même chemin que lors d’une première mise sur le marché.» Le débat paraît déjà bien lancé : «L’information sur l’innovation que nous livrent les laboratoires est essentiellement constituée de nouvelles formes galéniques, lâche un autre médecin. C’est surtout du marketing.» Mais il est rapidement contredit par un de ses confrères qui, au contraire, estime que les laboratoires pharmaceutiques ont permis «un grand nombre d’avancées thérapeutiques, même s’il y a parfois redondance entre plusieurs médicaments».
Plusieurs médecins regrettent «que l’industrie donne parfois l’impression de ne faire de la recherche que dans des domaines où il y aura des débouchés commerciaux».
Les responsables du Leem se sont attachés à rassurer les médecins : «Quand l’industrie conduit une recherche dans un secteur disposant d’un gros marché potentiel, il ne faut pas oublier que cela signifie que ce médicament concernera beaucoup de malades. Par ailleurs, l’industrie trouve aussi des médicaments pour des maladies orphelines. Nous sommes des entreprises privées: la recherche et le développement sont financés par les profits de l’entreprise.»
Tel médecin ne s’y retrouve plus dans le flot d’informations disponibles : «Je perds parfois mes repères. Un laboratoire me dit une chose, mais le suivant me dit le contraire. J’aimerais disposer de plus d’études indépendantes pour retrouver ces repères.»
Autant de prises de position auxquelles le Leem répond point par point : «L’industrie cherche et trouve, mais elle ne le fait pas dans son coin, car elle est très encadrée. La recherche sur un médicament doit suivre un parcours très précisément fléché. Ce sont des autorités indépendantes qui décident si nos médicaments ont du sens et apportent quelque chose au niveau thérapeutique, et qui délivrent l’autorisation de mise sur le marché. Puis la Haute Autorité de santé classe les médicaments en fonction de leur service médical rendu, et leurs avis sont publics.» Un autre médecin aimerait y voir plus clair dans le maquis des informations disponibles : «Nous sommes assaillis par le marketing des laboratoires. Nous en perdons parfois notre libre-arbitre. Quand nous recevons un visiteur médical, il pourrait nous parler aussi de l’état des recherches, et ne pas se contenter de nous présenter et de nous vanter les produits disponibles.» La réponse du Leem ne se fait pas attendre : «Il existe maintenant un site qui met en ligne l’ensemble des essais cliniques avec leurs résultats, même s’ils sont négatifs.»
Tous responsables.
Deuxième thème abordé durant cette rencontre, celui du bon usage du médicament et de l’iatrogénie. Tout de suite, un médecin monte au front sur le thème de la surmédication : «Tout le monde en est responsable, aussi bien les industriels, les médecins que les patients.» L’un de ses confrères abonde dans son sens : «Pour les antibiotiques, les inhibiteurs de la pompe à protons et les statines, on nous a poussés à surprescrire. L’industrie pharmaceutique ne vit que parce que nous prescrivons.»«Oui, concède un autre, mais si l’on refuse de prescrire, on risque un procès de la part du patient.»
Un autre généraliste intervient : «Sur les statines, notamment, nous sommes tiraillés entre la promotion faite par l’industrie, les recommandations de l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) et les objectifs de l’assurance-maladie.» Un médecin prend la parole sur la surmédication : «Quand nos patients sont hospitalisés, à leur sortie, ils voient souvent leurs ordonnances “dégraissées” par les médecins hospitaliers. Ces patients ne semblent pas s’en porter plus mal, ça nous interpelle.» Le Leem répond à ces questions : «L’industrie pharmaceutique fait tout ce qu’elle peut pour éviter la surconsommation médicamenteuse mais, dans le même temps, elle doit assurer la prévention des maladies sous-diagnostiquées, comme le diabète. Par ailleurs, nous développons des études post-AMM qui nous aident en pharmacovigilance. C’est une action propre à l’industrie, même si elle est encouragée par les pouvoirs publics.»
FMC : quel financement ?
Sur le troisième et dernier thème retenu pour cette soirée-débat, la formation médicale continue (FMC), les médecins avaient leur mot à dire. Et notamment sur l’implication de l’industrie dans ce dossier. Et le moins que l’on puisse dire est que leurs avis étaient partagés : «A tort ou à raison, commente le premier, l’industrie est considérée comme étant le principal financeur de la FMC. Comment ferait-on sans les laboratoires?» Les commentaires suivants ont bien montré que les avis sont partagés : «L’industrie devrait financer la FMC, mais le message devrait être délivré par d’autres», assure un généraliste. «L’industrie doit participer à la FMC, mais ne devrait pas la financer», lui rétorque son voisin, cependant qu’un autre propose de développer plutôt les groupes de pairs «qui ont déjà fait leurs preuves».
Un généraliste assure que «la FMC est et doit rester confraternelle. Pas besoin de financement par l’industrie pharmaceutique», tandis qu’un autre lui rétorque : «dans cette région, on a peu de moyens. Je suis bien content qu’il y ait un laboratoire pour financer la FMC. » Un médecin propose «la mise en place d’une taxe calculée au prorata du chiffre d’affaires des industriels, et qui servirait à financer la FMC». Il est approuvé par son voisin pour qui «ce sont les laboratoires qui font les études. Ils sont donc bien placés pour participer à la FMC». Les représentants du Leem ont assuré les médecins présents que «les industriels de la pharmacie financeraient bientôt la création d’organismes agréés pour la FMC».
La prochaine réunion entre l’industrie et les médecins généralistes est prévue le 1er juin à Lille.
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