L’expérience d’une somnolence postprandiale, chez l’humain, après un repas copieux, a été largement documentée. Une étude publiée en 1992 a, par exemple, montré que la fréquence des accidents de la circulation et des accidents domestiques augmente dans la phase postprandiale (1). Des données recueillies sur des navigateurs pratiquant la course au large indiquent également un endormissement facilité après les repas (2).
L’hypothèse métabolique
Des travaux sur l’animal, du Dr Stylianos Nicolaidis ancien professeur de neurochirurgie, ex-directeur de l’UA 637 du CNRS (neurobiologie des régulations) à l’Institut de biologie du Collège de France, ont montré l’interdépendance des comportements de prise alimentaire et de sommeil. L’état de jeûne favorise l’éveil (propice à la recherche de nourriture) alors que celui de satiété favorise l’endormissement. Et la durée de ce sommeil postprandial dépend de la valeur calorique du repas qui le précède (3). Cette corrélation est due aux variations de l’intensité du métabolisme : plus celui-ci est élevé, plus le sommeil est favorisé. Le mécanisme neurobiologique de cette interdépendance comprend l’élévation de la glycémie qui entraîne la sécrétion de l’insuline périphérique et cérébrale favorisant le sommeil.
Le rôle de la composition du repas sur le sommeil a également été bien illustré par une équipe française (4) qui s’est intéressée à la structure du sommeil lors d’une nuit normale chez des sportifs soumis au régime dissocié scandinave. « Pour augmenter leurs réserves glycogéniques avant une compétition, les sportifs d’endurance avaient suivi un régime hypoglucidique pendant 3 jours, puis un hyperglucidique pendant les 3 jours suivants. Dans ce travail, l’alimentation – presque exclusivement lipido-protidique – augmentait la durée du sommeil paradoxal, et l’alimentation hyperglucidique, celle du sommeil à ondes lentes », relate le Dr Charles-Yannick Guezennec, médecin du sport, auteurs de travaux de recherche sur les liens entre sommeil et nutrition chez l’humain.
L’impact de la sérotonine
Les travaux de Jouvet (5) montrent que c’est l’augmentation de la sérotonine cérébrale induite par l’alimentation glucidique qui entraîne les phénomènes de somnolence et l’augmentation de la durée du sommeil postprandial. Ce sont aussi les sujets ayant un IMC élevé qui sont les plus sensibles à l’effet soporifique d’une nutrition hyperglucidique (6). « Par ailleurs, au sein de mon équipe de recherche, nous avions développé l’hypothèse qu’une alimentation hyperprotéique pouvait diminuer la synthèse de la sérotonine cérébrale et donc, améliorer la vigilance. L’augmentation des taux circulant d’acides aminés branchés (qui sont des compétiteurs pour l’entrée du tryptophane, précurseur direct de la sérotonine, dans le cerveau) diminue la synthèse de la sérotonine. Nous avions ainsi démontré qu’après 36 heures de navigation à la voile, avec privation de sommeil, les sujets qui recevaient une alimentation riche en leucine (protéines du lait) avaient une meilleure vigilance que les autres. Ces données restent, toutefois, expérimentales et méritent d’être étayées par d’autres études », conclut le Dr Guezennec.
(1) Smith AP et Kendrick AM. Meal and Performance, in Hanbook of human performance 1992(2)
(2) Portier H et al. Eur J Appl Physiol. 2008(104):787
(3) Nicolaidis S et Danguir J. Exp Bain Res. 1984(8):173
(4) Francart A et al. CR Soc Biol. 1981(183):467
(5) Jouvet M. Med Sci. 1995 (11):893
(6) Nehme P et al. Chronobiol Int. 2014(31):453
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature