LA PATHOLOGIE THROMBOTIQUE veineuse chez le patient atteint de cancer regroupe la maladie thromboembolique veineuse, qui comporte les thromboses veineuses profondes (TVP), l'embolie pulmonaire (EP) et les thromboses sur cathéter veineux central.
La prise en charge de la maladie thromboembolique veineuse et des thromboses sur cathéter au cours du cancer vient de faire l'objet de recommandations nationales pour la pratique clinique (RPC). Ces RPC, qui ont été réalisées sous l'égide de l'Institut national du cancer (INCa) et de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC), viennent de paraître et sont disponibles sur le site Internet Standards, Options & Recommandations (1).
Un traitement au moins pendant trois mois.
La maladie thrombotique veineuse a un impact pronostique au cours du cancer car, à pathologie tumorale égale, les patients atteints de thrombose veineuse profonde ou d'embolie pulmonaire ont une survie diminuée. La maladie thromboembolique veineuse représente, en outre, la deuxième cause de décès au cours du cancer.
Le traitement initial, jusqu'à dix jours, de la maladie thromboembolique constituée n'a pas de spécificité chez le patient atteint de cancer. Toutes les molécules ayant une autorisation de mise sur le marché peuvent ainsi être utilisées. Au-delà de cette phase initiale, le traitement curatif de cette maladie au cours du cancer est fondé sur l'utilisation des héparines de bas poids moléculaire pour une durée d'au moins trois mois. En cas d'insuffisance rénale sévère, le traitement doit faire appel à l'utilisation des héparines non fractionnées. Le relais par les antivitamine K doit être précoce. Il est possible dès le premier jour. Ce traitement doit également être poursuivi au moins trois mois. Pour l'embolie pulmonaire grave (défaillance hémodynamique), les indications et les modalités de la thrombolyse sont les mêmes que chez le patient non cancéreux. En cas de contre-indication absolue à un traitement anticoagulant ou de récidive thromboembolique veineuse sous traitement anticoagulant optimal, la mise en place d'un filtre cave doit être envisagée. Les indications et les modalités du traitement de la maladie thromboembolique veineuse chez les patients atteints de tumeur cérébrale primitive ou secondaire sont les mêmes que chez les patients cancéreux ayant une localisation tumorale non cérébrale.
L'échographie Doppler devrait s'imposer dans le dépistage de thrombose sur cathéter.
Chez les patients cancéreux, la fréquence des thromboses sur cathéter veineux central est estimée à 5 % lorsqu'elles sont symptomatiques. Lorsqu'elles sont recherchées par échographie Doppler ou phlébographie, la fréquence des thromboses varie de 15 à 25 %.
En première intention, le diagnostic des formes symptomatiques est fondé sur l'échographie Doppler qui explore l'axe axillo-sous-clavier et la veine jugulaire. Cette exploration doit être couplée à l'angioscanner, qui permet d'explorer les vaisseaux intrathoraciques. Pour le dépistage des formes asymptomatiques, l'échographie Doppler devrait, à l'avenir, s'imposer. En effet, la phlébographie est impossible chez environ 15 % des patients, en raison d'une absence de capital veineux et de la gêne consécutive à l'oedème. Mais, surtout, la phlébographie n'est réalisée que dans un nombre restreint de centres car elle est agressive et non dénuée d'effets secondaires. Les anomalies dépistées en échographie Doppler sont corrélées aux événements cliniques. Leur valeur prédictive devrait être validée par des études en cours.
Le traitement curatif des thromboses sur cathéter veineux central fait appel en première intention aux héparines de bas poids moléculaire, pour une durée d'au moins trois mois, en privilégiant le maintien du cathéter, sous réserve qu'il soit fonctionnel et non infecté. En cas de retrait du cathéter, il n'existe pas d'attitude standard concernant la chronologie de la mise en oeuvre d'un traitement anticoagulant par rapport à ce retrait. La prophylaxie primaire des thromboses de cathéter par les antivitamine K ou les héparines de bas poids moléculaire n'est pas recommandée. Cependant, parmi les quatre métaanalyses des données de la littérature qui ont été réalisées, deux d'entre elles arrivent à la conclusion que la prophylaxie globale par anticoagulants, antivitamine K ou héparines de bas poids moléculaire est bénéfique, sans toutefois que les analyses séparées effectuées pour chaque sous-classe thérapeutique ne parviennent à mettre en évidence une différence statistiquement significative.
En outre, deux études récentes ayant inclus des effectifs importants, mais seulement publiées pour l'instant sous forme d'abstract, mettent en évidence, dans l'une d'entre elles, un bénéfice en faveur des antivitamine K, avec un INR compris entre 1 et 2, et, dans l'autre, celui d'une prescription pendant une durée réduite, mais qui encadre mieux la pose du cathéter central. À l'avenir, il est donc possible que le bénéfice du traitement apparaisse chez des patients à risque, sous réserve de posologies et d'une chronologie de la prescription mieux adaptées.
Enfin, les nouveaux anticoagulants actuellement en cours de développement, après avoir montré leur efficacité préventive successivement dans la chirurgie orthopédique et viscérale, puis dans le traitement de la maladie thromboembolique veineuse constituée, devraient être développés dans la prophylaxie primaire des thromboses veineuses chez les patients cancéreux, notamment ceux qui sont porteurs de cathéter central de longue durée.
D'après une entretien avec le Dr Philippe Debourdeau, service de médecine interne, hôpital d'instruction des armées Desgenette, Lyon, et le Pr Dominique Farge, service de médecine interne, hôpital Saint-Louis, Paris.
(1) www.sor-cancer.fr
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