L'étude Entred sur le diabète

Des recommandations encore peu appliquées

Publié le 29/06/2004
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« UNE PERSONNE diabétique sur deux a 65 ans ou plus (52 %) et 18 % plus de 75 ans. C'est-à-dire que plus de la moitié des diabétiques vivant en France relèvent de la catégorie "diabète du sujet âgé" », tel est un des premiers résultats de l'étude Entred (Echantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques) réalisée sur un échantillon de 10 000 personnes traitées pour diabète et tirées au sort sur les bases des remboursements médicaux de la Cnamts en 2001. Première étude de cette ampleur en France, elle a été réalisée à partir des 4 544 questionnaires/patients et des 2 219 questionnaires/médecins reçus. L'objectif est de dresser un bilan de l'état de santé des personnes diabétiques et d'évaluer la qualité de leur prise en charge.
Les premiers résultats publiés ne s'appliquent qu'aux personnes ayant répondu et ne sont pas corrigés pour être représentatifs de l'ensemble de la population diabétique. « Toutefois, notent les auteurs, les données portant sur la prise en charge correspondent à une vision optimiste de celle-ci, les personnes ayant répondu à l'enquête étant mieux suivies que les personnes qui n'ont pas répondu. » De même, l'étude ne renseigne que sur les personnes assurées au régime général de l'assurance-maladie, qui représente 70 % de la population et sur les personnes traitées par médicaments antidiabétiques à l'exclusion de celles qui sont traitées par régime seul.

Risque cardio-vasculaire.
En dehors de l'âge, supérieur à 65 ans, les diabétiques de l'étude sont plus souvent des hommes (54 %) qui présentent, dans plus de la moitié des cas, des antécédents familiaux de diabète. Leur diabète, au moment de l'enquête, est connu depuis en moyenne une douzaine d'années, et surtout, la plupart (93 %) présentent un facteur de risque de maladie cardio-vasculaire autre que le diabète (cholestérol élevé, surpoids et hypertension artérielle). Ils sont 17 % à avoir eu un antécédent d'infarctus du myocarde, alors qu'un sur dix rapporte avoir subi un pontage coronarien ou une angioplastie. Le risque microvasculaire est aussi élevé : une personne sur quatre déclare au moins une complication rétinienne (perte de la vue d'un oeil, laser rétinien, mal perforant, amputation, dialyse ou greffe rénale). Ainsi, 7 % des diabétiques disent avoir souffert d'une ulcération des pieds (ou mal perforant plantaire), « une complication redoutable même si elle est indolore, car elle peut conduire à une amputation ». Une hypoglycémie sévère au cours de l'année et ayant nécessité l'administration de sucre par une tierce personne est rapportée par 12 % des patients. Ce taux s'élève à 29 % lorsqu'on considère uniquement ceux qui sont traités par insuline.
Comme le suggérait le premier bilan d'étape publié en décembre 2003 (« le Quotidien » du 16 décembre 2003), la prise en charge médicale est insuffisante. « Seulement un quart des personnes diabétiques déclare avoir rencontré un diététicien en 2001. Une personne sur vingt seulement (5 %) a bénéficié de 3 consultations, donc d'un suivi par un diététicien. » L'Anaes (Agence pour l'accréditation et l'évaluation en santé) et de l'Afssaps (Agence de sécurité sanitaire des produits de santé) recommandent une prise en charge diététique dès le diagnostic de diabète et 2 ou 3 consultations annuelles. De même pour le traitement, « parmi les patients diabétiques en surpoids de l'étude Entred, traités par un seul médicament antidiabétique oral, moins de un sur deux (45 %) bénéficie d'un traitement par metformine ». C'est pourtant le traitement recommandé en cas de surpoids, afin de réduire la mortalité totale et cardio-vasculaire. Si l'instauration d'un traitement par insuline est une pratique encore hospitalière, elle tend à s'installer hors de l'hôpital (14 % à domicile et 5 % au cabinet du médecin). Le suivi est, dans une forte majorité des cas, assuré par les médecins généralistes : 98 % des patients ont été remboursés d'au moins un acte de médecine générale, avec une moyenne de 10 consultations ou visites par patient.

Dépistage et prévention des complications.
Le bilan d'étape l'avait laissé entendre, « le dépistage et la prévention des complications sont insuffisants ». Moins d'une personne sur trois (30 %) bénéficie d'au moins 3 dosages d'HbA1C, comme il est recommandé. Seulement 46 % des patients déclarent avoir entendu parler de l'hémoglobine glyquée ou HbA1c. La grande majorité (98 %)des diabétiques qui possèdent un lecteur de glycémie (58 %)se déclarent prêts à l'utiliser. A noter que 43 % des diabétiques non traités par insuline possèdent un lecteur. Des études récentes ont montré que l'autosurveillance avait un impact positif sur le contrôle glycémique.
Les autres éléments de la surveillance clinique et biologique sont également insuffisants : moins d'un diabétique sur deux bénéficie du dépistage annuel d'un examen ophtalmologique (fond d'oeil) ; le faible taux (18 %) de dépistage de l'atteinte rénale à son stade de début est « très préoccupant », notent les auteurs, car des traitements existent pour prévenir l'aggravation de l'atteinte rénale dès le premier stade de microalbuminurie. De même, le dépistage annuel des lésions des pieds n'est réalisé que chez 20 % des patients (examen au monofilament). Mais il est important de noter « que parmi les patients qui ont répondu, plus de 18 % ont dû renoncer à certains soins médicaux en raison de leur coût et, dans un quart des cas, il s'agissait de soins de pédicure ou podologie ».
Il faut savoir que l'existence d'un diabète double les coûts de santé : les hospitalisations et les dépenses de pharmacie représentent 70 % des coûts de la prise en charge du diabète traité. En 2001, la consommation annuelle d'une personne diabétique variait de 4 092 euros à 4 414 euros.
Enfin, si les patients sont satisfaits de leur prise en charge médicale (85 %), les médecins estiment manquer de temps, de moyens adaptés, en particulier en ce qui concerne la prise en charge diététique et podologique.

> Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7571