Chikungunya

Des recherches vaccinales sont en cours

Publié le 12/12/2007
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LE QUOTIDIEN – Quelle est aujourd'hui la situation à la Réunion ?

Pr GILLES PIALOUX– Plus de 266 000 cas ont été recensés à la Réunion, avec un pic atteint la sixième semaine de 2006. Depuis le 19 avril 2007, l'île est en phase interépidémique, et l'on ne compte plus que quelques cas sporadiques. Une véritable structure de lutte contre les gîtes, et d'éducation sanitaire a été mise en place. Et l'on doit souligner au passage que l'un des bénéfices secondaires de l'épidémie aura été de remettre la lutte antivectorielle sur le devant de la scène, même si les stratégies de lutte contre les vecteurs du chikungunya sont très différentes des stratégies dirigées contre le vecteur du paludisme, par exemple.

L'épidémie est donc tarie. Il faut toutefois avoir conscience que l'on ne dispose pour le moment d'aucun critère prédictif d'une éventuelle résurgence. D'autant que l'on sait peu de choses sur l'immunité acquise. Une incidence moindre, signalée en Inde chez les personnes âgées, pourrait s'expliquer par une telle immunité. Mais on en ignore les qualités protectrices et la persistance.

Le virus est-il bien connu ?

Clairement, non. Le virus du chikungunya est un alphavirus, isolé pour la première fois en 1953 lors d'une épidémie survenue en Tanzanie. On connaît quelques autres représentants de la même famille, par exemple, le virus o'nyong nyong, en Afrique, ou les virus de la Ross River Fever et de la Syndbis Fever, en Australie et dans la zone Pacifique. Les principaux foyers de chikungunya se situent en Afrique et en Asie, où des épidémies ont été décrites, dépassant le million et demi de cas en Inde, et avec des taux d'attaque supérieurs à 80 % en Indonésie.

Ces chiffres sont très supérieurs à ce qui a été constaté à la Réunion. Mais une recherche bibliographique montre que la plupart des données remontent à 2005, et ont été obtenues lors de cette épidémie – privilège des pays richement développés, peut-être. Cette situation laisse des questions importantes en suspens. On ne sait pas, par exemple, si les formes sévères, observées lors de l'épidémie réunionnaise, existaient déjà auparavant, ou sont apparues à cette occasion. On ignore notamment leur relation avec la mutation du virus, observée à la Réunion. Des incertitudes demeurent également sur l'incidence des formes asymptomatiques.

Quelles sont les travaux de recherche vaccinale menés sur la maladie ?

Jusqu'à ces dernières années, les principaux travaux de recherche vaccinale provenaient de l'armée américaine, qui étudiait le virus dans le cadre de ses programmes de lutte contre la guerre biologique. En 2003, ces recherches ont été stoppées, et réorientées vers d'autres vecteurs.

Après l'épisode de la Réunion, la France s'est mise sur les rangs pour la recherche d'un vaccin. Une collaboration se serait instaurée avec l'armée américaine, pour récupérer les données dont celle-ci disposait. Les questions théoriques restent toutefois nombreuses. Peut-on induire une immunité protectrice ? Quelle serait sa durée ? Puisque des variants ont été caractérisés à l'institut Pasteur de Lyon, peut-on espérer une protection croisée ? Quel est le risque de réactivation du vecteur ? Quel est le risque d'induire des anticorps facilitants ?

Aujourd'hui, plusieurs PHRC (programme hospitalier de recherche clinique) ont été mis en place, notamment sur les problèmes de la réponse immune et de la vaccination. Des essais d'innocuité et de qualification de la réponse immune (phase I) devront être menés avec les candidats vaccins, suivis d'essais d'efficacité dans des populations exposées. L'expérience, acquise par la France dans les essais de phase I anti-VIH ou autre, mériterait d'ailleurs d'être utilisée.

Que pensez-vous du risque d'apparition du chikungunya dans les pays tempérés ?

La maladie peut voyager de deux façons. D'abord, via des Aedes infectés, et transportés accidentellement – en particulier dans des vieux pneus. Cette situation est rare. Autre possibilité, le déplacement de personnes contaminées, et la transmission du virus par des Aedes locaux. C'est la situation qui s'est présentée dans le nord-est de l'Italie en août dernier, lorsque plus de 200 personnes ont été contaminées, à partir de sujets infectés venus d'Inde. C'est vraisemblablement également ainsi qu'a été amorcée l'épidémie réunionnaise, dans le sillage du développement touristique. On doit également signaler que les épidémies sont sans doute favorisées par le développement non raisonné des infrastructures, et les grands programmes de travaux publics, qui, à la fois, perturbent les gîtes naturels et multiplient les gîtes artificiels. La configuration résultant du développement des transports et des infrastructures est assez analogue au « syndrome de la transamazonienne ».

Ce risque étant inévitable, la véritable question est de savoir où se trouve le vecteur, et comment lutter au mieux, notamment via des campagnes de sensibilisation du public. L' Aedes est présent partout, mais certaines zones sont apriori particulièrement vulnérables : le bassin méditérannéen notamment, ainsi que la Guyane. Cette situation explique les efforts actuels en matière de vaccination.

D'après un entretien avec le Pr Gilles Pialoux (Pôle UNIMED, hôpital Tenon).

> PROPOS RECUEILLIS PAR VINCENT BARGOIN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8277